Passages de Marie-Josée Saint-Pierre

Sélectionné au Festival de Lille, “Passages” de Marie-Josée Saint-Pierre, est un documentaire autobiographique éloquent et prenant. Réalisée dans l’urgence, cette animation raconte les conditions extrêmes dans lesquelles l’artiste a donné naissance à sa petite fille, Fiona. Cinquième film de la réalisatrice québécoise, après le très remarqué « McLaren’s Negatives » (2006), « Passages » mêle animation, documentaire et autobiographie. La frontière séparant les genres y disparaît au profit d’un produit métissé qui ouvre de nouvelles perspectives au film d’animation.

Rien n’est plus beau pour une femme, dit-on, que de donner la vie. Sauf que ce rêve peut parfois se transformer en horrible cauchemar laissant des séquelles traumatisantes et indélébiles. Plusieurs mois après la naissance de sa fille Fiona, la cinéaste a l’idée de réaliser un pamphlet cinématographique sur les circonstances de son accouchement. La jeune femme imagine ainsi le scénario de “Passages”.

Sensible et enragée, cette sorte de fable moderne s’attaque ouvertement au système de santé canadien. La négligence, le manque d’effectifs et d’expérience du personnel soignant sont mis en cause par Marie-Josée Saint-Pierre qui s’est retrouvée entre la vie et la mort, priant pour que son bébé puisse marcher un jour.

L’animation simple et naïve, faite de traits blancs sur fond noir sert de toile de fond au récit commenté en off par la créatrice qui se met en scène. Commençant doucement, « Passages » ressemble, de prime à bord, à un dessin animé un peu niais où l’on montre que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Soudain, la narration bascule vers un ton plus amer, plus incisif, plus tranchant, plus critique. Sous le coup de crayon de la dessinatrice, l’infirmière inexpérimentée prend les traits d’un clown grotesque tandis que l’anesthésiste et d’autres médecins apparaissent sous la forme d’animaux de cirque. Sonnant comme une vengeance, le court métrage de Saint-Pierre reste un douloureux témoignage sur un sujet tabou dramatique. Il effleure les passages étroits que la vie nous force à prendre au détour d’un bonheur florissant.

Marie Bergeret

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