Comme chaque année, Doriane Films propose un DVD regroupant une diversité de courts métrages ayant été récompensés dans des centaines de festivals, Paris Animation Contest. La sélection captivante de 2025 nous plonge au cœur des enjeux contemporains ou intemporels, entre violence, solitude et espoir, le tout bercé d’une poésie subtile qui résonne longtemps après le visionnage.

« J’ai avalé une chenille »
Qui ne s’est jamais demandé si on restait conscient de ce qui se passait autour de nous lorsqu’on est dans le coma ? Le premier court-métrage, J’ai avalé une chenille, réalisé par Basile Khatir (France), nous répond en nous faisant entrer dans la conscience d’un garçon, Tristan, dans le coma à la suite d’un accident lors d’une soirée où il a avalé une chenille dans un verre d’alcool. Dans un paysage coloré, le film décrit ses sensations et ses pensées en voix off. Il évoque la réaction de ses proches : sa mère ésotérique qui tente de le réanimer avec des rituels, et son meilleur ami timide qui vient dans la chambre sans lui parler. Chaque détail semble illustrer l’intérieur de la tête du narrateur. L’image du coma, désert silencieux animé d’un haut-parleur obstiné, traduit avec force la fragilité et la distance qui séparent Tristan du monde extérieur, tout en laissant courir un flot de pensées vives, souvent teintées d’un humour caustique. Pourtant, la narration reste légère, presque espiègle, même en suivant ce voyage mental intense. Plus tard, le récit s’élève au-delà de ses pensées rêveuses pour révéler l’extérieur : le meilleur ami est devenu père, berçant un bébé, tandis que Tristan, figé dans son intemporel coma, semble incapable de saisir que la vie a continué, que le monde a grandi sans lui. Une douce mélancolie enveloppe alors le spectateur, invitant à une méditation sur le passage du temps, la solitude et la perte.

« À l’ombre des cyprès »
Dans la même lignée que le court J’ai avalé une chenille, le court-métrage franco-iranien À l’ombre des cyprès, réalisé par Hossein Molayemi et Shirin Sohani, aborde la souffrance humaine à travers le portrait d’un ancien capitaine souffrant de trouble de stress post-traumatique. Vivant avec sa fille dans une maison isolée au bord de la mer, il lutte intérieurement contre ses démons. Les corps élancés et la grande baleine échouée illustrent la tension entre fragilité et poids du passé, tandis que l’acier représente une forme de capitulation face aux traumatismes. Les images vieillies renforcent la dimension mémorielle et mélancolique du film, qui mêle minimalisme esthétique et symbolisme fort pour explorer les blessures invisibles laissées par la guerre et le poids du traumatisme. Ce court-métrage poignant capture la douleur humaine et la lutte pour la rédemption dans un univers à la fois brutal et poétique.

« Next ? »
Dans les sujets plus modernes, on retrouve Next ?, réalisé par Christel Guibert (France), qui met en scène un speed-dating chorégraphié entre personnages mi-humains mi-animaux, explorant avec poésie et humour leurs différences et la difficulté à communiquer. Un homme-tamanoir, épris d’une femme-musaraigne, se laisse malgré lui emporter dans ce ballet amoureux silencieux et expressif, pastel dans son animation et riche en émotions sans un mot prononcé. Quant à Poum, de Malo Greco Monteiro, en à peine six minutes, ce court-métrage aborde de manière épurée et poétique la question de la pornographie en ligne, un sujet tabou et contemporain. Avec une esthétique 16-bit en noir et blanc, il explore comment l’esprit d’un adolescent peut être envahi par des images qu’il ne comprend pas, mêlant ainsi les thèmes de l’identité, de la vulnérabilité et de l’impact des contenus pornographiques sur la construction psychologique des jeunes. Le film invite à une réflexion sur la manière dont ces images influent sur la perception de soi et des autres, tout en conservant une narration sensible et visuellement sobre.
Cette belle palette de courts métrages rassemblant des œuvres variées tant par leurs styles que par leurs thèmes, offre un aperçu vibrant des nouvelles pépites du cinéma d’animation contemporain. Chacun, à sa manière, évoque avec sensibilité des sujets forts et universels, faisant de cette sélection un véritable miroir de notre monde, entre émotions personnelles et réflexions collectives.

