Alberto Vázquez. Dessin-langage, animaux iconiques, cousinage illustré

Réalisateur espagnol, prolifique et sympa, Alberto Vázquez a présenté son nouveau court-métrage d’animation « Decorado » à la Quinzaine des Réalisateurs cannoise. Dans quelques jours, le film sera présenté au public du festival d’Annecy en même temps que son premier long-métrage, « Psiconautas » (co-réalisé avec Pedro Rivero). Ce jeudi 9 juin 2016 nous diffuserons « Decorado » à notre nouvelle séance Format Court au Studio des Ursulines (Paris, 5ème), en accompagnement d’une exposition autour du film. Entretien avec son auteur, amateur d’histoires, de dessins et de courts-métrages.

Alberto-Vazquez

Format Court : « Decorado » n’est pas ton premier court. Dans ton travail, on sent que le conte te nourrit ainsi qu’un goût sombre pour les histoires.

Alberto Vázquez : Je viens du dessin, de l’illustration, de la bande dessinée. J’aime les contes classiques, j’ai envie de les traduire en animation avec ma propre vision du monde. Je ne sais pas pourquoi je fais ça, mais je le fais (rires) ! J’utilise le dessin comme un langage. Je dessine beaucoup, et je dois bien admettre qu’un certain nombre d’idées sont mauvaises (rires) ! Les films me permettent de transmettre mes idées. « Sangre de Unicorno », mon film précédent, empruntait déjà beaucoup à l’imaginatif, au fantastique, « Decorado » en est proche, à la différence que son niveau d’animation est renforcé. Avant, je faisais des courts en low budget. Pour ce film-ci, j’ai eu plus d’argent.

Tu as fait beaucoup d’illustration. Qu’est-ce qui te plait dans le dessin ?

A.V. : Les gens pensent que l’animation et la BD sont frères, mais ils ne le sont pas. Ils sont cousins (rires) ! Ce n’est pas la même chose. J’utilise beaucoup le langage des bandes dessinées, comme celui de l’ellipse en animation. Je n’ai pas étudié l’animation ni la BD. Mon langage, c’est mon sens de la narration (rires) !

Tu viens de faire un long-métrage, « Psiconautas », qui est basé sur un de tes romans graphiques. Quelle est l’histoire de ce film ?

A.V. :C’est une histoire sociale et intime dans un monde fantastique. Les personnages sont des animaux drôles qui évoluent autour de Birdboy, un oiseau qui ne peut pas voler et qui veut s’échapper de son île désenchantée. C’est un film choral, avec beaucoup de personnages.

Souvent, dans tes films, tu utilises des animaux pour interpréter des êtres vivants. Pourquoi ?

A.V. :C’est typique dans l’histoire de l’animation, comme Disney par exemple. Je ne sais pas pourquoi je fais ça, j’aime bien dessiner les animaux (rires !). Ils sont plus drôles et doux. Peut-être qu’ils sont iconiques et on peut ressentir plus d’empathie pour des icônes (rires) ! Pour le moment, je me sens bien avec les animaux, peut-être à l’avenir, je m’en désintéresserai.

En illustration, ton style est pourtant différent..

A.V. :En animation, je préfère garder un seul style. Les choses différentes, je les fais en illustration. Là, j’ai d’autres styles. J’ai travaillé pour El Pais pendant 8 ans, je devais illustrer des articles et des histoires différentes portant sur la politique, la psychologie, …. J’ai illustré aussi des livres pour enfants et pour adultes. À chaque fois, cela demandait un autre style. Mais en animation, je préfère faire les choses d’une seule manière.

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Qu’est-ce qui a changé depuis que tu fais des courts ?

A.V. :Cela me rend très heureux. J’aime beaucoup les courts-métrages. J’aime bien que le dessin de manière générale raconte une histoire, peu importe que ce soit de l’illustration, de l’animation, de la BD. Comme je l’ai dit précédemment, la BD et l’animation sont cousins. La seule chose qui a changé, c’est que maintenant, quand je lis une BD, j’imagine la musique et le film derrière (rires) !

Tes films précédents étaient souvent imprégnés de couleur. « Decorado » est un film entièrement en noir et blanc. Pour quelle raison ?

A.V. :Nicolas Schmerkin (co-producteur du film, Autour de Minuit) m’a proposé de mettre de la couleur, mais comme mon film a recours à la gravure du 19ème siècle, je préférais maintenir le noir et blanc d’origine. Si je le fais, c’est pour mieux intégrer les formes, les figures, les arrière-plans. Pour moi, le noir et blanc est élégant, classique, atemporel.

Souvent, tes histoires se passent dans la campagne, les bois, les lieux sombres…

A.V. :Les animaux vivent dans les forêts, non (rires) ? Quand j’étais enfant, j’adorais Bambi mais j’étais aussi très curieux. Les classiques, comme Fantasia ou Dragon Ball Z, me passionnaient !

Pourquoi est-ce que ça t’a tellement plu ?

A.V. :Je ne sais pas, j’aime la capacité de raconter des histoires (rires) ! À 18 ans, j’ai publié ma première BD; si je n’avais pas dessiné, j’aurais essayé d’écrire.

Qu’as-tu l’impression d’avoir appris en animation ?

A.V. :À la base, j’ai étudié aux Beaux-Arts en Espagne. Je ne suis pas animateur, mais réalisateur. Je travaille avec Khris Cembé, un directeur d’animation, je fais toute la pré-production, le story-board, le scénario, le layout, les arrière-plans. On a une bonne communication avec Khris, je crois en lui, il croit en moi (rires) et je travaille avec des bons artistes. J’apprends beaucoup grâce à eux.

Tu sors en même temps un court et un long. Quelles en sont les différences ?

A.V. :Il y a beaucoup de différence entre un court et un long. « Psiconautas » a été très dur, le projet m’a fort fatigué. Même en étant deux réalisateurs et en se répartissant le travail, on a travaillé avec seulement 8 animateurs en 10 mois de production avec un financement de low-budget. Sur un long, il y a beaucoup de personnages et d’histoires à maîtriser, pour cela, tu dois avoir un bon storyboard et une animatique qui tienne la route. Heureusement, mon expérience de dessinateur de BD m’a beaucoup aidé car la narration m’a beaucoup appris.

Penses-tu faire d’autres courts ?

A.V. :Oui ! Quand tu fais un long, l’art est plus grand, plein de couleurs, de transitions, de scènes. La complexité est plus grande, c’est comme faire 8 courts ensemble, c’est super dur (rires) ! Après, je suis super heureux d’avoir pu mener à bien ce projet. Faire ce long en valait la peine, c’était réaliser un rêve d’enfant.

Comment le cinéma d’animation s’apprend-il en Espagne ?

A.V. :En Espagne, il n’y a pas d’écoles d’animation mais des écoles d’art ou des formations privées. Les films d’animation produits sont des films commerciaux ou des films en 3D. Il n’y a pas beaucoup d’animateurs, mais maintenant, une nouvelle génération d’animateurs apparaît et se forme, notamment avec le Net. C’est grisant !

Propos recueillis par Katia Bayer

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