Roma d’Elisa Miller

Dans une usine mexicaine de savon, « Roma », la rencontre de deux solitudes : une jeune fugitive, un ouvrier solidaire. Prix du scénario aux Rencontres Henri Langlois de Poitiers en 2010.

Une chaine de montage : des objets qui défilent, des mains d’ouvriers au travail. C’est ainsi que commence le nouveau court métrage de la Mexicaine Elisa Miller, déjà responsable de « Ver llover », son premier film (2006) : une plongée au cœur de l’aliénation, un regard apparemment « neutre » porté sur le monde.

Le prologue de « Roma » instaure une belle dialectique entre images documentaires et fiction, une transitivité comportant à la fois une fictionalisation de fragments documentaires et une « documentarisation » de segments fictionnels : mobilité de la caméra collée aux personnages, des plans réitérés (la fissure du fourgon par laquelle les migrants en voyage gardent un lien avec le monde extérieur). Les prometteuses cinq premières minutes préfigurent un récit épuré et un dépouillement formel non gratuit.

Malheureusement, la suite dément en partie la poétique mise en acte dans le prologue. Parfois excessivement géométrique dans la mise en cadre et en espace de ses personnages (des poses théâtrales contradictoires), le film s’avère schématique dans l’écriture du rapport de solidarité entre « marginaux » et incohérent dans son minimalisme convenu et naïvement métaphorique (la guêpe enfermée à l’intérieur qui bat inutilement des ailes en se leurrant sur la possibilité d’une fuite par le vitre translucide). On a du mal à accepter, à la fois, une scansion elliptique des faits, même si concentrés dans une seule journée (présentation de l’espace de l’usine, arrivée de la migrante, fermeture de l’usine, la jeune femme profitant des douches, ouverture de l’usine, rencontre avec l’ouvrier, solidarité entre les deux, départ de la migrante) et une dilatation temporelle invraisemblable dans d’autres passages, issue d’un voyeurisme déconcertant (pourquoi tous ces plans caressant le corps nu de la femme et filmant son interminable douche ?) plutôt que de la poétique zavattinienne du cheminement. En définitive, « Roma » est un objet maladroit malgré ses (bonnes) intentions et son remarquable début.

Manuel Billi

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