Minshar for Art : Le manifeste de l’art

Sur Facebook, Minshar for Art a près de 3.000 copains. Tous ne sont pas d’anciens étudiants de cette école d’art créée à Tel-Aviv après la faillite de Camera Obscura, l’établissement le plus connu d’Israël pour son cinéma d’avant-garde et sa renommée en photographie, mais tous reconnaissent la qualité de cette jeune école vieille de seulement cinq ans. La preuve en trois coups de poing cinématographiques.

Yom mota shel Shula (Le jour de la mort de Shula) d’Asaf Korman

Présent sur le DVD de la Quinzaine des Réalisateurs édité en 2007, ce court métrage israélien est le film de fin d’études de Asaf Korman, acteur, musicien et monteur (il a notamment travaillé sur « Jaffa » de Keren Yedaya). Dans cette histoire inspirée de la réalité, le jeune réalisateur a filmé les membres de sa famille et Shula, le chien des Korman, atteint d’une tumeur et devant être piqué. Yossi, le père, transporte le corps de la bête sur le toit de sa voiture (dans le carton d’une télévision couleur), et rentre chez lui, pour l’enterrer dans les dunes. Il prévoit un pique-nique en famille pour les derniers adieux, mais ni sa femme ni ses enfants ne l’accompagnent. Seul, il porte le cercueil de carton, et s’endort sur le sable. À son réveil, les pleurs le submergent.

« Yom mota shel Shula » est un film prenant. Sa mise en abîme, son sens du cadre, son montage raffiné, son image sombre, sa pudeur, et la fragilité du père, celui du réalisateur (également comédien) en font toute sa force. On aurait peine à croire qu’un étudiant se cache derrière ce film d’une grande maturité, et pourtant, c’est le cas. Pour peu, on se mettrait bien à l’hébreu, histoire de se rapprocher encore un peu plus de ce film détonant.

Pathways de Hagar Ben-Asher

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À l’occasion des fêtes de Chavouot, une jeune femme rentre dans le village où elle a grandi et où vit encore sa mère. Son temps se partage entre la distribution de gâteaux personnalisés et la multiplication de conquêtes anonymes (homme n°1, n° 2, n° 3). Arrive un moment où elle n’est plus libre de ses choix.

Présenté à la Cinéfondation en 2007, « Pathways » (Mish’olim en hébreu, chemins en français) explore différentes thématiques : le tabou, le sexe, la violence, la rédemption, l’interdit, et la liberté. Devant et derrière la caméra, une jeune femme aux faux airs de Julia Roberts, Hagar Ben-Asher, montre la sexualité de façon crue et brutale, sans lui associer de jugement ni de morale. Son film est autant beau, dur et déroutant que son personnage est intriguant, paumé et solitaire. La curiosité peut se tranquilliser : Hagar Ben-Asher prépare son premier long métrage, « The Slut », en récupérant quinze ans plus tard, la même femme, devenue mère, toujours aussi perdue et sexuellement libre.

Sinner de Meni Philip

Yotam, un enfant de 13 ans s’enferme de temps à autre aux toilettes pour y dessiner des femmes dénudées. Si les autres adolescents laissent des traces de leur passage sur la porte ou les murs, Yotam, lui, prend son corps comme réceptacle de ses croquis. Ses tatouages ne poseraient pas problème si il n’était pas élève dans une yeshiva (école juive ultra-orthodoxe), et ne souffrait pas de honte et de culpabilité. Pour surmonter l’éveil de ses pulsions sexuelles, il s’en réfère à l’autorité, (le maître, le rabbin), en réclamant un renforcement spirituel. Celui-ci abuse de sa position et de l’innocence du jeune garçon.

Difficile de se dégager de l’impact de « Sinner », nominé aux Prix UIP pour le meilleur court métrage européen 2009 au festival de Venise. Tout participe à ce choc visuel et émotionnel : la pâleur du visage de l’adolescent, ses taches de rousseur, ses yeux grands ouverts, sa candeur, son innocence, l’amour de la religion, le mutisme de la communauté, l’impossible aveu, le tabou, la transgression, la culpabilité mêlée à la souffrance, la domination et l’immunité des adultes. Réalisé par un ancien hassidique, Meni Philip, « Sinner » autorise une vraie émotion en même temps qu’un sentiment de malaise. Peut-être parce que cette terrifiante histoire est basée sur des faits réels et que l’enfance a rarement été filmée de manière aussi fragile et démunie.

Katia Bayer

Article associé : l’interview de Hagar Ben-Asher

Consulter les fiches techniques de « Yom mota shel Shula », « Pathways », et « Sinner »

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