Kanun de Sandra Fassio

Le tout premier prix Format Court remis lors du festival Le Court en dit long cette année au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris a été attribué à Sandra Fassio pour « Kanun », un drame psychologique fin en forme de film noir.

kanun

Avec son film de début « I Rafi » datant de 2012, qui racontait le moment de découverte d’un passé partagé entre une ancienne révolutionnaire grecque devenue couturière en Belgique et son client et compatriote, Sandra Fassio s’était déjà fait remarquer pour la justesse de son écriture ainsi qu’une réalisation et une direction d’acteurs maîtrisées.

La cinéaste belge réaffirme dans ce nouveau court ses talents d’explorer des eaux profondes tout en privilégiant des moyens minimalistes et les non-dits. Le sujet, tout aussi sombre, concerne une situation d’impasse dans laquelle se retrouve une famille albanaise mafieuse installée en Belgique, tenue de venger la mort de leur fils selon la lex talionis du « kanun » albanais, mais contrainte par ce même code d’honneur de respecter le bourreau tant qu’il reste hébergé sous leur toit.

Au-delà des éléments narratifs parfois troubles liés au scénario noir – on pense notamment à la fin qui se veut plus énigmatique qu’elle ne l’est et au traitement quelque peu faible de la violence sous-jacente au récit –, Fassio livre un portrait psychologique collectif d’une grande subtilité. Ce sont les discours parallèles au récit principal qui sont particulièrement parlants, que ce soit l’opposition entre les traditions et l’intégration débattue par la mère et la fille, ou encore la féminisation d’un milieu machiste par le biais de ces deux personnages.

Kanun 2

Formellement, la proposition est renforcée par une grande maîtrise de la mise en scène et un jeu d’acteurs irréprochable. Du point de vue du montage, le film se déroule à un rythme mesuré, presqu’en temps réel. La réalisatrice plonge ainsi le spectateur dans l’histoire sans devoir recourir à une contextualisation trop détaillée, la notion de la vendetta étant ici épurée à sa dimension universelle de justice privée, une réponse viscérale à l’émotion provoquée par la perte d’un proche.

De ce point de vue, nous sommes très loin des scénarios parfaitement ficelés des films d’action confectionnés par nos voisins au nord du pays, souvent dignes du meilleur de Hollywood. La comparaison avec Dossier K. du réalisateur flamand Jan Verheyen se laisse facilement établir par son traitement à suspense plus explicite d’un sujet comparable. En revanche, le style de Fassio, réflexif, éloquent et unique, est à savourer quel que soit le thème choisi car, on le sait désormais, elle est certaine d’y apporter la touche humaine qui fait toute la différence.

Adi Chesson

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