Vendredi soir, devant les César, vous étiez peut-être hésitants entre « The Artist », « Polisse » et « Intouchables ». Et pour le court, pronostics à la main, vous penchiez peut-être pour l’un ou l’autre nommé (« L’Accordeur », « La France qui se lève tôt », « J’aurais pu être une pute », « Je pourrais être votre grand-mère », « Un monde sans femmes »).
On ne vous apprendra donc pas que les bides et que les décolletés se sont succédés, que Jean Dujardin s’est fait doubler par Omar Sy, que Maïween a pleuré comme une baleine, qu’Alice Taglioni a fait sa maligne en citant Nietzsche, que Michel Blanc s’est montré très classe face à Mathilde Seigner, et que « L’Accordeur » a glané le César, suite à de nouveaux jeux de mots bien limités sur le mot « court ».
Après le très remarqué « When the days breaks », court métrage multiprimé, nous retrouvons avec plaisir le dernier film d’Amanda Forbis et de Wendy Tilby, « Wild Life », nominé aux Oscars et sélectionné en compétition internationale à Anima cette année. Les deux réalisatrices qui nous amènent à suivre la trajectoire d’un jeune immigré anglais, parti découvrir les vastes prairies d’Alberta, au Canada en 1909. Mais son amour du badminton, du thé et son flegme naturel perdront ce gentleman.
Parti pour devenir rancher et se lancer dans l’élevage de bétail, il découvre que rien dans son éducation raffinée ne l’avait préparé aux difficiles conditions de vie du Nouveau Monde. Le court métrage met cette trajectoire en perspective, avec des jeux et entrelacs narratifs. Plusieurs procédés nous permettent de saisir le décalage entre la « vie sauvage », rêve romantique d’un jeune anglais, et la réalité d’une vie au Canada. Mais, et il faut le souligner, jamais cela n’entame la fraicheur du court métrage, ni la fluidité d’une narration à l’esprit délicieusement ironique.
L’animation devient une enquête sur le terrain mêlant des témoignages moitié amusés, moitié inquiets des autochtones ayant fréquenté le gentleman, et la relecture des lettres laissées par le rancher. Les « locaux » commentent brièvement son désintérêt pour la religion, pour le travail et nous dressent le portrait d’un doux rêveur, avec une vision romantique de ce que peut être la vie d’un cow-boy. Ainsi, le film emprunte allègrement aux codes du western, définition universelle du grand ouest américain, avec ses vastes étendues désertes et ses chemins de fer.
Si au premier abord, on s’amuse du décalage entre les lettres romanesques qu’il envoie à ses parents et la réalité de sa situation, on ressent vite un certain malaise, une empathie avec ce personnage qui dit avoir acquis un «ranch» là où il n’y a, en fait, qu’une petite cabane au milieu d’un champ. On le voit flâner, plus occuper à regarder les oiseaux et méditer sur le sens de la vie que de se mettre effectivement au travail. Peu à peu, cet entêtement dans le mensonge d’une vie qui ne lui correspond pas lui fait perdre pied; on le voit errant, démuni face à la réalité de sa situation, face à son isolement. Les lettres deviennent alors le seul lien avec une société et, en même temps, le reflet de ce qu’aurait dû être sa «vie sauvage». Car c’est une des caractéristiques appréciables de l’imagination romantique de toujours entraîner le rêveur au-delà de la réalité.
Une autre des mises en perspective utilisées dans la narration est l’utilisation de textes, apparaissant à plusieurs reprises, pour commenter la trajectoire d’une comète, « amas de glace et de poussière, qui n’est pas parvenu à s’intégrer à une planète ». Le parallèle est ainsi créé dès la première image, et c’est bien de cela qu’il s’agit; de la collision entre un esprit cultivé mais détaché de la réalité matérielle, et la « vie sauvage » canadienne. Cela on le comprend vite en voyant le décalage entre les autochtones et le jeune rêveur. En voyant sa « cabane » noyée sous la pluie, la neige, on comprend aussi que la nature n’est ni romantique, ni clémente mais bien au contraire rude et sans pitié.
En intégrant des répliques de photos d’époques, de chansons traditionnelles, « Wild Life » dépasse le récit d’une trajectoire individuelle devient le reflet d’un phénomène de l’époque. Sur les photos jaunies, on voit les visages de ces conquérants d’un «Nouveau Monde» imaginaire, qui connaitront, eux aussi sûrement, les affres du mal du pays. Le contraste entre civilisation et espace sauvage est ainsi constamment présent; les plans du film se répondent : immensité des champs / tasse de thé, ou lorsque le héros joue du golf sur un pâturage criblé de terriers. Autant de détails loin d’être anodins… Finalement, comme la comète, le «rancher» ne peut s’intégrer à son environnement et restera définitivement dans la marge, jusqu’à sa mort, issue certaine de ce changement de vie, radical et dangereux.
Synopsis : Réalisatrice Marie-Margaux Tsakiri-Scanatovits livre un Documentaire sur sa mère italienne, ses expériences d’immigrée en Grèce dans les années 70 post-dicature et sa nostalgie sur sa petite ville natale.
Comme de coutume à Anima, une bonne part de la programmation de courts métrages en compétition se consacre aux films d’écoles. Position entièrement défendable, vu que le format court est après tout le principal medium d’expression employé dans le cadre scolaire, et que l’animation est le genre qui requiert le plus de connaissances techniques précises.
Premier constat : une grande partie des films ressemble plutôt à des expériences singulières en techniques d’animation, et, vu la prolifération exponentielle de celles-ci, leur exploitation au cinéma mérite assurément d’être encouragée. Ces films impressionnent donc sur le plan formel mais, en raison de leur parti pris de faire abstraction du contenu, ils laissent le spectateur sur sa faim. « Connan O’Brian » de Jacob Gilbreath (USA), par exemple, est un exercice de style en typographie cinétique fort louable, mais dont l’intérêt cinématographique, au-delà de l’illustration du discours d’adieu du présentateur américain, nous échappe. De même, « Graffitiger » (du Tchèque Libor Pixa), le tigre-graffiti déambulant sur les façades de la jungle urbaine pendant une dizaine de minutes, évoque et dépasse même le travail « mutant » de l’animateur italien Blu. Cependant, ici, on pourrait se poser la même question que dans « Muto » quant au manque de contenu cohérent en dehors de la technique prodigieuse.
D’autres films de la sélection montrent une tendance à associer le genre animé à un candide romantisme quasi enfantin. Ce resurgissement de l’héritage Disney paraîtrait pourtant anachronique. Dans cette veine passéiste se trouvent notamment « Reflet » et « Swing of Change », tous deux des projets collectifs de taille. Le premier, signé Josselin Bailly, Nastasia Bois, Jeremy Celeste, Thomas Dufresne, Brian Gossart, raconte le voyage d’une restauratrice des tableaux à travers le temps et l’espace (et les mediums) pour rencontrer le peintre de l’œuvre à laquelle elle est en train de redonner un nouveau souffle. Le deuxième, réalisé par Andy Le Cocq, Harmony Bouchard, Joakim Riedinger, Raphael Cenzi, dépeint le changement de cœur d’un très méchant monsieur raciste, lorsqu’il confisque la trompette d’un mendiant noir dans les rues de New York des années 30. Ces dessins et ce travail d’animation sont irréprochables, mais face à un tel manichéisme, on a l’impression que Scrooge vit toujours et que tout le discours sur la psychologie nuancée n’est que de l’hérésie postmoderniste.
« Galeria » de Robert Proch (Pologne) est un court métrage délectable sur la société de la surconsommation, avec un dessin riche et une mise en scène soignée, et rythmé par une partition cocasse et sensuelle. Le travail formel, et notamment musical, est très réussi mais ne parvient malheureusement pas à combler les lacunes narratives ou à pousser la critique suffisamment loin. Le film reste au stade de l’esthétisation et son récit est dès lors d’autant plus fragilisé par le traitement frustrant d’un thème très pertinent et très courant.
« Galeria » de Robert Proch
Trois titres se démarquent toutefois du lot, en ce qu’ils réussissent de manière plus approfondie et plus aboutie à respecter un équilibre entre forme et contenu et à amener à l’animation toute la distinction dont elle est digne en tant que genre cinématographique à part entier.
« I’m Fine Thanks » de Eamonn O’Neill (Irlande) suit la vie d’un jeune homme pas comme les autres, dans un environnement hostile à sa différence. L’étudiant du Royal College of Arts de Londres dresse dans son film un portrait interpellant de la délinquance et des limites parfois très fines qui poussent un être au bord du gouffre. Comme dans « Ben X », « Elephant » ou plus récemment « We Need to Talk About Kevin », le résultat est aussi dramatique que crédible. Cependant, le ton reste particulièrement léger grâce notamment au dessin naïf, à un regard distancié et à un certain humour noir, qui parviennent à éliciter toute l’empathie du spectateur. Les questions de l’incommunicabilité et l’ostracisme et la socio-pathologie, ainsi que la juxtaposition de plusieurs scénarios tragiques, rendent la narration bien plus intelligente que ne laisse soupçonner l’image simpliste.
« My Mother’s Coat » de Marie-Margaux Tsakiri-Scanatovits (GB/Irlande) se fait d’emblée remarquer par son image époustouflante, à laquelle s’ajoute un récit touchant et sobrement rendu. Largement (auto)biographique, ce documentaire se base sur le témoignage intime de la mère de la réalisatrice, qui à quitté Italie pour suivre son mari en Grèce. Là, elle a souffert du dépaysement et d’une certaine exclusion en raison de son statut d’étrangère. Le spectateur est surtout frappé par la ressemblance à la situation en Europe aujourd’hui, où ces formes de discriminations demeurent mais se sont déplacées vers d’autres sortes d’étrangers, la notion même d’expatrié ayant pris une connotation nettement plus positive que celle d’immigré. L’usage d’une voix-off dans un anglais articulé trahit une sensibilité au multiculturel chez la réalisatrice aux noms multiples. Le discours traduit admirablement le ressenti d’une femme qui raconte à sa fille adulte les difficultés rencontrées lors de son enfance, sans rancune ni doléance. Les dessins fins et élusifs en noir et blanc s’entachent subtilement de couleurs pour évoquer la tristesse, le passage du temps, le flou du souvenir. Telles les esquisses de Picasso, les plans laissent apercevoir les personnages seulement partiellement au lieu de les exposer. Ce n’est qu’à la fin, la narration en off terminée, qu’apparaît la live-action, pour donner enfin un visage à cette femme courageuse, qui pareille à un marsupial, protégea son enfant du monde inhospitalier derrière son manteau en fourrure.
« Conte de faits » de Jumi Yoon
Si les contes de fées sont nés dans la conscience collective humaine à partir d’un besoin d’échapper à la dure et laide réalité, le court métrage de Jumi Yoon est un exemple parfait du genre folklorique. Situé dans une maison close d’une Corée déchirée par la guerre 50-53, le récit suit les tentatives d’une mère de préserver l’innocence de son enfant face à la rapacité des GI envahisseurs. La petite, au prénom révélateur Nana, apprend très vite à se réfugier dans le monde imaginaire raconté par sa mère. Pour se sauver de l’emprise des clients saouls, elle plonge tête d’abord dans le décolleté ou les jupons de sa mère et des prostituées autour d’elle. Ces échappatoires, symboles matriciels à l’instar du manteau du film précédent, sont comme des portails permettant de passer d’un univers à l’autre. Au-delà du sordide, c’est la nature, l’idylle, et Nana est une biche qui savoure la beauté de ce monde. Yoon livre avec « Contes de faits » un magnifique tableau en peinture animée, mêlant esthétique, psychologie et social.
Synopsis : Inés part pour l’Inde afin de revoir son ami Ámár, qui a vécu pendant quatre ans dans un asile. Inés se remémore les derniers jours qu’ils ont passés ensemble et sa promesse de revenir.
« Ámár » est la dernière animation de Isabel Herguera, présente au Festival Anima en tant que membre du jury international. Son film est comme un carnet de voyage que l’on retrouve avec émotion, après des années, un petit livre composé de fragments de visages, de noms de personnes et de lieux, d’impressions sur une ville, sur un pays, de sentiments confus pour un amour perdu puis retrouvé.
Sélectionné l’an dernier au même festival bruxellois, le court métrage de la réalisatrice basque faisait partie cette année des 24 films composant les programmes consacrés à l’Espagne. On l’a dit, “Cortos de España”, de manière générale, dégage une sombre obscurité. « Ámár », en revanche évoque plus une tendresse nostalgique que le surréalisme fantastique.
Le film est un peu comme une déclaration d’amour à l’Inde, un pays que la réalisatrice connaît bien puisqu’elle y enseigne l’animation à l’Université d’Ahmedabad (National Institute of Design) depuis quelques années. Dès les premières images, le dessin est fluide, le trait se fait sensuel et fuyant, noir et délicat comme un pinceau trempé dans l’encre de chine contrastant avec la blancheur du fond. Par-ci, par-là, des touches colorées viennent souligner une atmosphère particulière et puis les sons, ceux de la rue surtout, envahissent l’animation comme une vague qui s’échoue sur une plage de souvenirs doux-amers.
Une voix off, celle de la réalisatrice raconte comment elle a rencontré, aimé et quitté Ámár, devenu fou et ayant été interné dans un asile. Comment ? Pourquoi ? On ne le saura jamais. Herguera laisse le récit ouvert à toutes les interprétations, esquissant les pistes sans les confirmer.
Comme ses premiers films réalisés à l’aide de découpures de photos, de collages et d’assemblages composites (« Spain Loves You » (1988), « Los Muertitos » (1994)), la créatrice aime expérimenter les formes pour rendre compte d’une œuvre mosaïque, plurielle et éclatée où l’histoire naît d’une technique ou peut-être que c’est le contraire. Avec « Ámár », Isabel Herguera confirme à nouveau son talent d’artiste conteuse.
Synopsis : Alfredo est mort sans avoir révélé à sa femme la cachette d’une fabuleuse fortune gagnée à la loterie. Vicenta a cherché partout, en vain ; sa dernière chance est de demander à son mari décédé. Ramener les morts à la vie n’a jamais été chose facile, mais avec l’aide de son neveu tout est possible.
Qu’ont en commun Pedro Almodóvar et Peter Lord ? Pas grand chose a priori et pourtant, c’est bien à eux que l’on pense quand on découvre les films de Samuel Orti Marti (dit Sam), l’un des maîtres de la pâte à modeler. Au premier, il emprunte le côté folklorique et au second, la technique. Le Festival Anima qui met l’Espagne à l’honneur, n’allait pas faire l’impasse sur cet ingénieux hidalgo de l’animation ibérique.
Au programme de la carte blanche, des films d’une insolence savoureuse, n’hésitant pas à flirter avec le trash du cinéma de série B. Les héroïnes de prédilection se prénomment Encarna ou Vincenta, des ménagères de moins de 50 ans, condamnées aux tâches domestiques qui peuvent se révéler très dangereuses quand leur coupe commence à déborder. Pittoresques et hautes en couleur, les histoires sont bien ancrées dans la culture espagnole. Sam en parsème les clichés dans tous ses récits. Ce peut être un accent savoureux dans « The Werepig », quelques notes de piano accompagnant le mari en costume de Torero dans « Encarna » ou un comportement bien machiste dans « Vicenta ». Car Sam aime mettre en scène l’Espagne profonde, celle des hommes qui aiment la Corrida et qui se méfient des banquiers et celle des femmes qui regardent des feuilletons à l’eau de rose tout en repassant le linge de la famille et en jetant un œil furtif à la mère alitée dans la pièce à côté. C’est la vieille génération qu’il croque avec un humour coquin et parfois cru mais derrière lequel on sent une infinie tendresse. Bienvenue en Hispanie !
Encarna
Encarna est une femme au foyer tout ce qui a de plus normal. Sa seule véritable envie est de pouvoir regarder le dernier épisode de sa série préférée « Une femme de courage ». Seulement, elle est sans cesse dérangée par sa mère qui la réclame toutes les cinq minutes, par le plombier qui répète que son intervention ne sera pas gratuite et par sa sœur, persuadée qu’elle ne s’occupe pas bien de leur génitrice. Et lorsqu’elle découvre la liaison extraconjugale qu’entretient son mari avec la voisine anglaise, la télévision se coupe pour des raisons de factures impayées. La goutte d’eau fait déborder le vase bien plein d’Encarna. Le facteur vient justement de livrer une caisse remplie d’armes à feu pour son fils. Mitraillettes et grenades font la joie de cette mère désespérée, ce Rambo en jupon tire alors sur tout ce qui bouge. Sa jungle à elle, c’est son appartement et ses ennemis, sa famille. Une crise de nerfs délicieusement mis en scène où la pâte à modeler se déploie, se forme et se déforme sous les tirs exutoires de la ménagère. « Encarna » tout comme le film suivant« El ataque de los kriters asesinos » où notre Desperate Housewife se retrouve à combattre des boules de poussière carnivores, développe un univers jouissif.
The Werepig
On connaissait la légende du loup-garou, les nuits de pleine lune, mais moins celle de l’homme qui se transforme en cochon. C’est chose faite grâce à un Sam toujours aussi déjanté. Les nouvelles du journal annoncent (technique scénaristique récurrente dans ses animations) l’arrivée d’une horde de touristes venue visiter l’Espagne. Du troupeau on ne verra qu’une paire de jeunes Américains, assis à l’arrière d’un bus les menant à Levante, en Galice. Naturellement, les deux garçons, seuls étrangers dans ce transport local, se nourrissent de chips, d’hamburgers, de chocolat et font du bruit pour quatre. N’en pouvant plus, un prêtre décide de les faire descendre avec toute la délicatesse que l’énervement peut conférer à une personne pieuse. Nos Américains se retrouvent perdus au beau milieu d’un désert où il fait mourant. C’est alors qu’au loin, ils aperçoivent un Eden, une petite fermette au charme fou, habitée par un couple de vieilles personnes à qui l’on donnerait le Bon Dieu sans confession. Mais ne l’oublions pas, dans l’univers de l’Espagnol, point de gentillesse sincère et gratuite. En offrant l’asile aux étrangers, les septuagénaires doivent forcément cacher quelque chose: un amour immodéré pour la cochonnaille par exemple, au point de transformer nos touristes inoffensifs en porcelets bien appétissants.
Vicenta
Avec « Vicenta », sélectionné à Clermont-Ferrand l’an dernier, nous retrouvons la fameuse ménagère de moins de 50 ans, mariée à un vieux bougon macho et radin. Tout pour plaire, cet individu rêve d’approfondir une relation intime avec la charmante voisine, ex-braqueuse de banques. C’est que l’homme aurait gagné à la loterie 20 ans auparavant et qu’il garderait l’argent chez lui dans l’ignorance de sa femme. « Ce que tu ignores ne te fera aucun mal », s’avise-t-il de lui répondre quand elle émet le souhait de connaître la cachette du magot. Après tout, n’est-ce pas sa mère à elle qui a acheté le billet gagnant ? Mais quand l’horrible mari meurt sans mot dire, c’est sans compter sur l’ingéniosité de la récente veuve qui fera tout (même l’impossible) pour récupérer ce qui lui appartient. Avec ses incursions réussies dans le film noir et la science-fiction, « Vicenta » est un clin d’œil à l’œuvre de Sam en général, reprenant des décors utilisés dans d’autres films. Ainsi, peut-on apercevoir le bus qui transportait nos deux lascars mal élevés de « The Werepig » ou encore la scène de résurrection forcée est directement reprise de « Frankenstien » et l’assistant du Docteur dans ce dernier film se retrouve être le neveu demeuré de Vicenta. Un monde à découvrir absolument.
Synopsis : Une vieille femme vit seule dans sa ferme en attendant que la Mort l’amène auprès de son défunt mari. Une nuit pendant le sommeil, la Mort l’invite à la rejoindre. Alors qu’elle est sur le point de revoir son mari, la vieille femme se réveille dans la salle d’urgence d’un hôpital.
Synopsis : Pommades, élixirs et potions. Enriqueta et Ramoneta vous serviront avec discrétion, réserve et éducation, rue de Ponent, numéro 17A , Barcelone.
À la table des convives privilégiés du Festival Anima cette année, nous retrouvons le plus castillan des pays de la péninsule ibérique. L’Espagne s’offre une jolie mise en valeur avec deux programmes de courts métrages, des avant-premières de longs, un focus sur Sam Orti, l’un des maîtres de la pâte à modeler et une rétrospective consacrée au pionnier de l’animation espagnole, Segundo de Chomón.
On constate que dès les premiers temps, le cinéma espagnol montre un certain penchant pour le morbide, l’obscur et le ténébreux. De « Satan s’amuse » (de Chomón, 1907) à « Los Otros » (Amenábar, 2001), « Le Labyrinthe de Pan » (del Toro, 2006) en passant par « Un Chien andalou » (Buñuel, 1929), une grande partie des cinéastes espagnols se nourrit des peurs et des fantasmes collectifs pour créer des histoires dont l’intrigue évolue aux frontières du réel. L’animation contemporaine semble être marquée du même sceau car à y regarder de plus près, il se dégage de la sélection “Cortos de España”, une odeur de soufre, un parfum d’angoisse funéraire où la mort et ses nombreuses allégories s’abreuvent du surréalisme fantastique que l’on retrouve dans les peintures de Goya et de Dalí notamment.
“This is the end”
Les thèmes de l’angoisse, de la déliquescence, de la désillusion et du désenchantement se conjuguent à tous les temps du passé et du présent pour signaler les dangers qui pèsent sur un futur incertain. Les héros des films sont souvent représentés comme des individus perdus, seuls face à une fin véloce et pernicieuse.
Dans “Birdboy” qui est une adaptation de la B.D “Psiconautas” de Alberto Vázquez, Pedro Rivero et Alberto Vázquez dénoncent les abus d’une industrialisation effrénée menant à la destruction de la planète. La petite souris Dinki se rend à l’école avec son papa chéri. Sur le chemin, elle croise son compagnon de classe Birdboy, un hibou qui essaye de voler mais en vain. Quand survient une terrible explosion qui ravage toute l’île, Dinki n’a plus que Birdboy et ses ailes pour la sauver. Ayant recours à un graphisme stylisé: après la catastrophe, les visages des personnages tels ceux parsemant les peintures de Munch sont pareils à des fantômes arborant d’immenses trous à la place des yeux, et jouant sur les contrastes de couleurs chaudes et froides, de la simplicité naïve du début et de la cruelle dureté de la suite, Rivero et Vázquez signent une animation fascinante et glaçante. Un conte apocalyptique (l’envol de Birdboy vers un soleil couchant rappelle l’affiche du film de Coppola) qui ne laisse pas indifférent.
L’angoissant « Les Bessones del Carrer de Ponent » plonge dans les profondeurs du mal. En s’inspirant de la vie de Enriqueta Martí (1868-1913), célèbre tueuse d’enfants du début du siècle dernier, à Barcelone, Marc Riba et Anna Solanas ne s’y sont pas trompés. D’un fait-divers diabolique, ils livrent un film d’animation terrible et fantastique. La jeune femme désaxée se convertit en un couple de vieilles sœurs jumelles castratrices (Enriqueta et Ramoneta) qui enlèvent des enfants pour les manger. Les poupées de bois sont animées grâce à la technique de l’animation en volume. Métaphore cruelle de la fin de l’enfance ou de la fin d’un monde rêvé, le film opère des incursions dans la psychologie freudienne en ajoutant un peu de piment saphique dans la relation qui unit les marâtres.
Kafka dans le coin
Sur un fond bleu Klein et des accords de violon, les mains squelettiques de Janus Harper se confessent sur le clavier de son ordinateur. Depuis un certain temps, la “chose” est apparue en haut, dans le coin de son appartement. Il a beau en parler aux autres et s’en plaindre, il semble être le seul à apercevoir le cyclope octopode qui le suit partout (même chez son psy). « La Cosa de la Esquina » de Zoe Berriatúa revisite avec élégance le thème de l’étrangeté cher aux écrivains du 19ème siècle. À la différence de la “Métamorphose”, le héros ne se transforme pas en “la chose” mais est condamné à vivre avec. Du chef d’œuvre kafkaïen, on retrouve la mise en relief de l’angoisse existentielle. Narré à la première personne dans la langue de Shakespeare, ce court métrage est d’une charmante clairvoyance.
Chronique d’une mort souhaitée
« La Dama y la Muerte » est un phénomène en son genre : premier film d’animation réalisé en 3D stéréoscopique en Espagne et détenteur en 2010 du Goya du meilleur film d’animation ainsi que d’une nomination aux Oscars la même année. Le court métrage de Javier Recio Gracia, produit par Kandor Moon, la société de production andalouse d’Antonio Banderas, a fait beaucoup de bruit à sa sortie. Le film parle de la mort ou plutôt du droit à mourir dignement. Loin d’être en faveur de l’euthanasie, il dénonce davantage l’acharnement thérapeutique pratiqué par certains hôpitaux et certains médecins sous le couvert d’une prétendue éthique. Ainsi, dans un lieu d’Andalousie dont on n’ignore le nom, un moulin à vent accompagne les notes du langoureux “We’ll Meet Again” de Vera Lynn, berçant une vieille dame attendant la mort, espérant rejoindre son défunt mari. Et quand sonne sa dernière heure, c’est avec joie et soulagement qu’elle accueille la grande faucheuse. Au même moment, un fringant praticien et sa horde d’infirmières complaisantes tente de retenir l’ancêtre utilisant tous les moyens possibles et imaginables. La fin ne justifie-t-elle pas les moyens? S’ensuit alors une course-poursuite (digne des classiques du 7ème art) entre la Mort et le personnel hospitalier se disputant le corps inanimé de la patiente. Recio va jusqu’à reprendre la célèbre scène du landau du “Cuirassé Potemkine” d’Eisenstein (elle-même reprise par De Palma dans “Les Incorruptibles”). A la place du landau, la chaise roulante de la “Dame”. Traité avec beaucoup d’humour et de rythme, « La Dama y la Muerte » fait l’effet d’un rayon de soleil dans cette jolie brumaille hispanique.
Cette année encore, Anima donne beaucoup à voir et à découvrir. Pendant plus d’une semaine, les projecteurs des trois salles du Flagey tournent à plein régime pour offrir, une fois de plus, la crème de la crème. Anima 2012, ce sont, entre autres, huit programmes de courts métrages en compétition internationale, quinze nouveaux longs métrages internationaux, trois programmes de courts métrages belges inédits, mais bien plus encore. Anima met deux pays européens à l’honneur: la Suisse et l’Espagne. De nombreux films et rencontres soulignent la richesse de ces deux pays en matière d’animation.
8 mars prochain. Jour de la femme, deuxième jeudi du mois, Saint-Machin, … Mais aussi, première projection de courts métrages, organisée par Format Court au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Si l’envie vous prend de fuir la civilisation, de chercher l’inspiration dans un paquet de bonbons, d’occuper votre ancien lieu de travail, de vous mettre au nudisme et de mettre votre plus belle cape de magicien, cette séance est bel et bien pour vous.
La dérive de Matthieu Salmon, fiction, 21’, France, 2011
Synopsis : Virginie travaille dans une imprimerie en banlieue de Paris. Un jour, conjoncture économique oblige, elle est licenciée. Mais Virginie n’arrive pas à partir. Vraiment pas.
Synopsis : Un personnage grimpe une montagne, lorsque l’Art se met sur son chemin…
Fais croquer de Yassine Qnia, fiction, 24′, France, 2011
Synopsis : Yassine, jeune cinéphile passionné, veut tourner un film dans sa cité. Il souhaite associer ses amis d’enfance à son projet. Mais l’amitié a parfois ses travers…
Oh Willy de Emma de Swaef et Marc Roels, animation, 16′52″, Belgique, France, Pays-Bas, 2011
Synopsis : À la mort de sa mère, Willy retourne dans la communauté de naturistes au sein de laquelle il a grandi. Rendu mélancolique par ses souvenirs, il décide de fuir dans la nature où il trouve la protection d’une grosse bête velue.
Synopsis : Tomas est un peu âgé pour continuer de vivre chez ses parents, mais son rêve de devenir magicien ne lui laisse pas le choix. Son père voudrait simplement qu’il grandisse et qu’il trouve un vrai travail.
Infos pratiques
Projection en présence des équipes de films
Jeudi 8 mars, 20h30 Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines 75005 Paris PAF : 6 €
Pour accéder au cinéma : BUS : 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon) RER : Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Epée) Métro le plus proche : Ligne 7 (Censier Daubenton), mais apprêtez-vous à marcher un peu…
Synopsis : Lorsqu’une chanteuse d’opéra chante dans la rue enneigée et et froide, nous assistons à la rencontre entre un homme et une femme à travers des rideaux en dentelle. La musique est marquée par une tristesse, tout comme les émotions des personnages. Ceux-ci s’approchent tandis que le chanteur sombre dans une mélancolie.
Genre : Expérimental
Durée : 4’
Pays : Canada
Année : 2004
Réalisation : Guy Maddin
Scénario : Guy Maddin
Image : Guy Maddin
Montage : Guy Maddin
Interprétation : Maria de Medeiros, Sarah Constible