Il silenzio d’Ali Asgari et Farnoosh Samadi Frooshani

Le Colombien Simón Mesa Soto, évoqué il y a quelques jours sur notre site, n’est pas le seul court-métragiste à revenir en compétiton officielle à Cannes cette année. L’auteur de « Leidi » (Palme d’Or il y a 2 ans) et de « Madre » (en lice cette année) se retrouve en effet dans la même catégorie qu’Ali Asgari, un auteur iranien que nous avions repéré il y a trois ans à Cannes avec le très beau « Bishtar Az Do Saat » (More than two hours). Depuis cette première sélection en 2013, Ali Asgari a réalisé un autre court-métrage remarqué, « The Baby » avant d’opter pour la co-réalisation avec sa compagne Farnoosh Samadi Frooshani avec qui il a signé « La Douleur » avant de tourner « Il Silenzio », retenu à l’officielle cette année.

Ali Asgari est un sans conteste un auteur à suivre. Mêlant simplicité, émotions, famille d’acteurs et véritable sens de la mise en scène, il arrive, de film en film, à toucher son spectateur. En solo, il a tourné deux films co-écrits avec Farnoosh Samadi Frooshani qui ont retenu l’attention des festivals. Dans « Bishtar Az Do Saat », ayant fait ses débuts à Cannes, deux jeunes gens tentaient, envers et contre tout, de lutter contre l’administration hospitalière (et en filigrane contre la société iranienne) après une première nuit passés ensemble.

Dans « The Baby », découvert à Venise, deux jeunes femmes cherchaient vainement une baby-sitter pour s’occuper d’un nourrisson devant resté caché aux yeux de tous. Dans « La Douleur » dans lequel Asgari s’est initié à la co-réalisation, un jeune homme atteint d’une rage de dents essaye tant bien que mal d’être reçu par un dentiste qui refuse obstinément de le prendre en consultation. Dans « Il silenzio », une mère et sa fille, réfugiées kurdes, se rendent à une consultation médicale. L’enfant se retrouve dans la délicate position de devoir traduire les mots du médecin à sa mère malade, mais reste murée dans le silence.

silence

D’un court à l’autre, des constances apparaissent : l’envie de filmer l’hôpital, de tourner de temps à autre avec les mêmes comédiens, de s’intéresser à l’intime, au secret, au tabou (la perte de la virginité, une naissance hors mariage, la séropositivité, la maladie), de travailler dans un cadre et une durée déterminée (15 minutes), d’aborder la question de la responsabilité de l’individu face au système, de parier sur une mise en scène simple et pudique.

« Il silenzio », montré ces jours-ci à Cannes, touche juste, directement, comme les films précédents. Sans fioritures, le film va à l’essentiel. Le personnage de la jeune Fatma est désarmant, cherchant sans cesse à reculer le moment fatidique où elle devra surmonter sa peur et révéler à sa mère la précieuse information qu’elle détient. Ce moment de silence qui s’éternise, les yeux grands ouverts de sa comédienne (touchante Fatma Alakuş), son plan et sa musique de fin, fort en émotions, laissent présager au film une Palme bien méritée, tant le reste de la sélection officielle se révèle bien décevant (hormis « La Laine sur le dos » de Lotfi Achour) et le désir de cinéma puissant chez ce duo de cinéastes n’ayant pas fini de d’explorer la question de l’intime et de la simplicité.

Katia Bayer

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