Plug & Play de Michael Frei

« Plug & Play » ou quand le rapport amoureux se branche sur courant alternatif…

Parmi les films de fin d’études sélectionnés au dernier Festival d’Annecy, on a retrouvé, après l’avoir vu à Clermont en Labo, « Plug & Play » du Suisse Michael Frei, essai délirant et chargé d’humour qui nous branche sur courant alternatif pour poursuivre les obsessions magnétiques des rapports complexes entre les hommes et les femmes. Dans un graphisme en 2D totalement dépouillé, où l’on joue surtout sur les contrastes, les oppositions et le noir et blanc, on entre dans un univers où les personnages ont des têtes de prises électriques, polarité mâle ou femelle. Dès lors, la lutte s’engage pour le rapport amoureux car tout tourne autour de la possibilité de s’emboîter.

Récurrence symbolique tout au long du film, un personnage mâle court droit dans un mur impalpable alors qu’au dessus de lui une porte s’ouvre, laissant entrer un personnage identique. Dans « Plug & Play », on entre et on sort par des issues secrètes, et la porte s’ouvre lorsque que l’on tombe. Pas besoin de décors, ni de beaucoup de dialogues, ces personnages ne veulent qu’une seule chose : se compléter. L’échange des flux comme besoin vital, la possibilité d’exister.

Dominant les séquences où ces individus survoltés s’affrontent en quête d’amour, des doigts divins, directement tirés du plafond de la Chapelle Sixtine, se disputent l’usage d’un bouton « master » qui passe les scènes du noir au blanc. Querelles antagoniques qui s’achèvent systématiquement dans un mystérieux accord sur le sens de la contradiction. Du oui ou du non, qui a le dernier mot ? Là encore, c’est l’affaire des genres. Alors on se branche les uns sur les autres, sans vraiment comprendre pourquoi, pourvu que la lumière soit. La charge érotique est présente mais dénuée d’intérêt, on s’emboîte par principe, bras ballants, et bien sûr, trop souvent dans le noir.

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L’unique scène dialoguée vire au pathétisme hilarant lorsque les hommes-prises, mâle et femelle, tentent d’expliquer leurs sentiments dans un refrain mécanique qu’illustrent des voix de robots. L’incompréhension s’exprime alors dans un échange de sourds où les possibilités d’aimer et d’être aimé sont dominées par l’égo. « Je crois que je t’aime. Je ne crois pas que tu m’aimes. En es-tu sûr ? Non ». Il n’y a plus rien à faire… Qu’à cela ne tienne, toutes les possibilités sont ouvertes, le monde continue de tourner, et dans un ballet circulaire où tous sont branchés, la tête rejoint la queue alors qu’on passe de la lumière à l’obscurité.

« Plug & Play » ne rate pas sa source en pointant du doigt avec un humour assumé les difficultés relationnelles du rapport amoureux et l’obsession sexuelle d’être aimé. On joue à se brancher, on se branche pour jouer, mais derrière le jeu, les questions sont posées.

Xavier Gourdet

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