Dr Nazi de Joan Chemla

Après « Mauvaise route » (2008), Joan Chemla a choisi de sortir des sentiers battus en réalisant « Dr Nazi », un court métrage inspiré de la nouvelle éponyme de Charles Bukowski. Lauréat du Prix Canal + à Clermont-Ferrand cette année et sélectionné à Créteil, au Festival International de films de femmes, le film traduit l’univers du romancier américain avec une aisance audacieuse.

« Dr Nazi » s’ouvre sur un montage élaboré d’images déclinant la signification du mot « fuck« , en anglais puis se substitue subtilement à la narration du film, en français. Si la prose bukowskienne exhale la bière et le gros rouge, le film de Joan Chemla, quant à lui, embaume l’éther et le formole des cliniques aseptisées. Charles Chinaski (alter égo fictif de l’écrivain maudit), ivrogne instable et asocial décide de consulter un médecin pour résoudre ses problèmes. Par facilité, il se rend chez le docteur Kiepenheuer situé à deux pas de chez lui.

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Au fil des consultations une étrange relation s’installe entre Chinaski, hypochondriaque croyant être atteint d’un cancer, et Kiepenheuer, ex-Nazi reconverti en thérapeute énigmatique. Les rapports entre le soigné et le soignant s’inversent vicieusement car le médecin trouve en Chinaski l’écoute idéale, l’autiste inapte et incapable de se révolter (« désolé, moi, je ne lutte pas »), sur laquelle il déverse ses frustrations et humiliations d’un mariage raté qu’il considère plus affligeant que son appartenance au nazisme.

La réalisatrice fait des choix judicieux pour rendre compte des angoisses de son personnage principal, victime d’un père tyrannique. Les pensées de Chinaski parviennent par le biais d’une voix off sensible et fragile qui expose une personnalité trouble. La blancheur immaculée répétée tout au long du film au travers de nombreux fétiches (radio, murs du cabinet de consultation, draps…) trahit une culpabilité refoulée bien au-delà d’une apparence idéale et bien comme il faut. Chemla alterne volontairement plans d’ensemble et plans rapprochés significatifs, sons d’ambiance et musique, qui tantôt participe à l’histoire, tantôt accompagne l’ascension de Chinaski vers l’éternité. Voilà un deuxième court pour Joan Chemla, chirurgicalement mis en scène.

Marie Bergeret

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