Cannes, le Petit Journal

13 mai, premier jour du Festival de Cannes. Gare de Lyon, 7h36. Le quai du TGV est envahi de voyageurs endormis, chargés comme des boeufs estoniens, se dépêchant d’embarquer, avant le coup de sifflet fatidique. Dans cinq heures, ils seront à Cannes. Penélope Cruz y est déjà, du moins en couverture de nombreux magazines. Curieusement, si les médias ont retenu une actrice pour cette 62ème édition, c’est bien elle.

Le Festival commence dans le train. On se reconnait, on se salue, on se donne rendez-vous à la cafétéria, on fait la file pour un café, avant de se rabattre sur un jus de pomme, (la machine est en panne.) On sort son ordinateur (un Mac), ses lunettes (noires), et les derniers potins (tu savais, toi, que Monique fréquentait Jean-Jacques ?).

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Le n° 114 de TGV Magazine, avant le café

 À l’entrée du wagon, une femme d’un certain âge attend le démarrage du train. Elle a deux grandes valises, l’une pleine, l’autre, quasi vide. Elle explique : “On part en croisière. C’est pour les souvenirs.” Pendant le voyage, à chaque arrêt, elle vérifie que ses bagages restent bien dans le train. C’est vrai qu’en cas de problème, elle ne pourra pas rapporter de tapis d’Orient ou de Sphinx miniature… Entre deux villes, elle rejoint son mari qui est un pro du voyage. Ce matin, il a embarqué un énorme thermos, et verse maintenant du café pour deux dans une minuscule tasse. La suite est prévisible : le café s’éparpille partout. Même sur la table, même sur les notes personnelles, même sur les taches de rousseur de Sandrine Kiberlain, en couverture de TGV Magazine. On s’éloigne, on revient : le pro du voyage est aussi un sacré ronfleur. Cannes, c’est parti… Plus que 4h30, en musique. Pas de bol, un retard d’1h40 est annoncé. Le voisin se réveille, et demande : “il reste du café ?”. Par prudence, on retire l’ordinateur, et on va voir si il y a encore du jus de pomme.

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Le Grand Théâtre Lumière, la salle de projection de la Sélection officielle, et Monica Vitti, offrant son dos à l’affiche du Festival (image extraite de « L’Avventura », de Michelangelo Antonioni) © KB

Une fois à Cannes, le voyage n’est plus qu’un lointain souvenir (oui madame, vous pouvez le ranger dans votre malle). Très vite, les journées se remplissent et les nuits se raccourcissent : il y a les films à voir, les tickets à gratter pour l’officielle, les repas à adjectifs (irréguliers, catastrophiques, solitaires), les files d’attente à faire, les rendez-vous à obtenir, les tenues à porter, …. Ah, les tenues à porter. Ayant eu la lumineuse idée d’emporter un bagage ventripotent, on a décidé de tout mettre, vu l’épreuve pour le tracter jusqu’à destination. Résultat : même si il s’agit de porter une robe du soir au Mac Do et un short à la Quinzaine, on met TOUT!

À Cannes, rien ne vaut les fraises au sucre sur la plage, rien ne remplace les ampoules aux pieds des filles, rien n’est plus classique que le coup de soleil sur le nez, rien ne détourne plus le regard que les tenues invraisemblables des femmes, rien n’est plus soudain qu’une apparition/disparition furtive de célébrité, et rien ne suscite plus de commentaires que le sac d’accrédité que tout le monde critique et que personne ne porte.

Et le court métrage, dans tout ça ? Même si Cannes n’a pas pour vocation d’être un festival de films courts, ceux-ci s’affichent dans toutes les sections, officielles comme parallèles. Bémol, toutefois : de manière générale, les courts passent tard, à la fin du festival. Pour les voir, on se rabat sur les postes du Short Film Corner (SFC pour les initiés), l’espace dédié au court, pris d’assaut par les pros (réalisateurs, comédiens, producteurs, programmateurs, acheteurs, …). L’astuce, pour dégoter un poste de libre, est de réserver le matin, quand les pros dorment encore, et au moment des Happy Hour, quand ils ont soif.

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Le Short Film Corner © KB

Sur la Côte, la semaine s’écoule très vite. Le jour du départ, on dit au revoir aux autres festivaliers, on libère les lieux, et on rend la clé. En attendant le train, sur le quai de la gare, on avale des Dragibus, en faisant le point sur la semaine (degré de fatigue, nombre de films au compteur, classement des réjouissances, …). Penélope est toujours là, cette fois en une de Télérama. Péniblement, on hisse le ventripotent dans le wagon. Paris, c’est parti… Au bar, il y a du café. Par contre, l’absence du Monsieur au thermos et de la dame aux souvenirs se fait ressentir. Après une semaine tachetée par la course et le paraître, leur authenticité/simplicité auraient été fort appréciées au retour….

24 mai, dernier jour du Festival de Cannes. Bruxelles, 19h30. Même si l’aspect vaseux n’est pas complètement parti, le décalage avec la réalité s’est estompé et les nuits sont redevenues à peu près normales. On regarde la remise des prix, retransmise en clair et en direct. Après quelques minutes, la cérémonie s‘interrompt soudainement pour faire place à un match de foot (Anderlecht-Standard), et Isabelle Huppert se métamorphose en commentateur sportif. Le Festival de Cannes est peut-être l’événement culturel le plus médiatisé du monde, mais le foot reste le foot. Il n’y a rien à faire, c’est comme ça. Ce soir, un palmarès en évince un autre. Le Petit Journal de Cannes a son point.

Katia Bayer

Lien associé : Cannes, les quelques photos

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