Cannes, les prix des sections parallèles

Du côté de la Quinzaine des Réalisateurs ou de la Semaine de la Critique, les courts métrages ont aussi droit à leurs  Jurys et à leurs prix.

Quinzaine des Réalisateurs

Depuis trois ans, la marque Illy récompense l’un des courts métrages sélectionné à la Quinzaine. Un prix et deux mentions ont été attribués par le Jury 2014 composé de Maud Ameline (scénariste), Carlo Bach (illycaffè), Jacques Kermabon (Rédacteur en chef de Bref Magazine), Antonin Peretjatko (réalisateur) et Anna Mouglalis (actrice).

Prix illy du court métrage : Sem Coração (Heartless) de Nara Normande et Tião – Brésil

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Synopsis : Léo va passer les vacances chez son cousin dans un village de pêcheurs. Là-bas, il rencontre une fille surnommée ‘Sans Coeur’.

Mention : Trece si prin perete (It can pass through the wall) de Radu Jude – Roumanie

Synopsis : « – J’ai peur, grand-père !… Tu entends ? […]
– C’est les gens de la maison qui pleurent, dit-il. Ils regrettent le mort, c’est pour ça qu’ils pleurent. »
(« Dans la remise » par Anton Tchekhov)

Semaine de la Critique

Un film de la sélection 2014 a été élu par le Jury du Prix Découverte Sony CineAlta du court métrage composé de Rebecca Zlotowski (réalisatrice), Tine Fischer (fondatrice et directrice du Festival international de films CPH:DOX, Danemark), Abi Sakamoto (responsable cinéma de l’Institut Français du Japon), Benny Drechsel (producteur, Allemagne) et Pablo Giorgelli (réalisateur, Argentine).

Prix Découverte Sony CineAlta du court métrage : A Ciambra (Young Lions of Gipsy) de Jonas Carpignano – Italie, France

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Synopsis : A ciambra raconte une nuit dans la vie de Pio, un jeune Rom qui vit en Calabre.

Prix Canal+ du court métrage : Crocodile de Gaëlle Denis (Royaume-Uni)

Synopsis : Un proviseur de lycée en deuil lutte contre un crocodile.

Stone Cars de Reinaldo Marcus Green

« Stone Cars » captive notre attention dès la première image qui nous est donnée, sans introduction aucune. On y est confronté, en plan très serré, à une main masculine se faufilant sous une jupe d’écolière, aussitôt repoussée. Elle n’insiste que peu, ou du moins le fait en douceur. Puis, lentement, la caméra s’écarte et montre un couple d’adolescents qui se câline amoureusement sur une colline surplombant la ville du Cap, en Afrique du Sud. Cette première scène annonce le mélange entre violence et amour qui se poursuivra tout au long du film.

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« Stone Cars » est percutant et assez court. En moins d’un quart d’heure, nous partageons les moments les plus importants de la vie d’April via les quelques jours qui précèdent son dépucelage et ses appréhensions devant le passage de l’acte.

Parallèlement, le film nous montre les conditions de vie d’une jeune adolescente dans un endroit parmi les plus dangereux du monde. Il prend place au sein du bidonville de Khayelitsha, un des plus peuplés d’Afrique du Sud. On y suit le quotidien violent d’April, harcelée par une bande de jeunes qui l’incitera à prendre une décision importante pour elle. En réponse à l’animosité ambiante, April fera preuve de force et de ténacité et s’accrochera à son histoire d’amour.

Reinaldo Marcus Green, réalisateur et producteur, a choisi de travailler avec une lumière pure et sans artifice pour nous plonger le plus naturellement possible dans le décor impressionnant de cette ville, dans la foule de Khayelitsha. Le temps du film, on se sent vivre parmi ces enfants qui jouent aux petites voitures avec des briques, des « stone cars », ou dans ce marché où April vend des gâteaux avec sa mère pendant le week-end.

La caméra portée à l’épaule, souvent très proche des personnages, laisse aux personnages et aux spectateurs peu d’espace pour respirer, et renforce cette violence et le sentiment de mal-être que l’on peut éprouver pour April. C’est dans un premier rôle bouleversant qu’Olwethu April, la jeune comédienne, porte ce film et assoit la justification de sa sélection à la Cinéfondation du Festival de Cannes, cette année.

Zoé Libault

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S Comme Stone Cars

Fiche technique

Synopsis : Une adolescente qui grandit dans le dangereux township de Khayelitsha est confrontée à une décision difficile à la suite d’un événement traumatique.

Genre : Fiction

Durée : 14’

Pays : Afrique Du Sud, Etats-Unis

Année : 2013

Réalisation : Reinaldo Marcus Green

Scénario : Reinaldo Marcus Green

Image : Federico Martin Cesca

Montage : Justin Chan

Musique : Stefan Swanson

Interprétation : Olwethu April, Lungisani Dyalvani

Production : New York University, Tisch School Of Arts

Article associé : la critique du film

Petit Frère de Rémi St-Michel

Une note de jazz, des références de producteurs improbables (Romance Polanski, Klaus Kinky), une image en noir et blanc, des corps, des potes, une vanne. D’emblée avec « Petit Frère », présenté à la Semaine de la Critique, le ton est donné.

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Antoine, jeune provocateur, retrouve Julien, son tuteur, son « grand frère », pour passer la journée avec lui. Après s’être insultés mutuellement, ils se baladent en ville et se lancent des défis pour leur dernier moment passé ensemble avant le départ de Julien pour la Russie.

Rares sont les films décalés retenus ces dernière années par la Semaine de la Critique mis à part « Ce n’est pas un film de cow-boys » de Benjamin Parent (France) ou « Blue » de Stephen Kang (Nouvelle-Zélande). « Petit Frère » est l’envolée humoristique et le souffle d’air frais de cette édition.

Le réalisateur de cette chronique québécoise, « Petit Frère », Rémi St-Michel , avait déjà réalisé « Le Chevreuil », un film d’écoles découvert au Festival d’Aubagne l’an passé. Dans ce film, une famille éplorée côtoyait un chevreuil et le drame n’était jamais très loin de l’humour absurde et de la musique fun & rock.

« Petit Frère » suit la même logique, avec une attention toujours aussi marquée pour les anti-héros du quotidien, personnages ordinaires mais résolument touchants. Si l’humour est très présent, l’émotion s’invite également dans ce film qui suit la journée de deux individus avant leur ultime séparation.

Habillé par une bande-son jazzy absolument pétillante, le film fait preuve d’une légèreté et d’un joli grain noir et blanc (en hommage à Jim Jarmusch et à Kevin Smith). Tour à tour chorégraphique, burlesque, touchant, « Petit frère » s’affranchit de son cadre en baladant ses personnages dans la ville de Montréal et en bénéficiant d’une chouette spontanéité, proposée conjointement par deux « frères » à la ville comme à l’écran, Étienne Galloy et Éric K. Boulianne.

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Tourné sans moyens, le film fait preuve d’une fraîcheur intéressante parmi les courts prétentieux qu’on peut trouver en abondance à Cannes ou ailleurs. Bien écrit, joliment interprété, musicalement nourri, « Petit Frère » dispose de moments de joie inédits comme les raps peu inspirés, les chorés citadines ou les défis échangés dans le jardin public. Sans oublier la tendresse, l’amitié et la proximité entre les deux comédiens, captée avec intelligence par Rémi St-Michel.

Katia Bayer

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Article associé : l’interview de Rémi St-Michel et Eric K. Boulianne

P comme Petit Frère

Fiche technique

Synopsis : Antoine, jeune cas à problèmes de 14 ans, passe une journée avec son tuteur, Julien. Pour une dernière fois avant le départ de ce dernier pour la Russie, les deux « frères » déconnent dans les rues de la métropole.

Genre : Fiction

Durée : 14′

Pays : Canada

Année : 2014

Réalisation : Rémi St-Michel

Scénario : Eric K. Boulianne

Image : François Messier-Rheault

Montage : Sophie B. Sylvestre

Son : Jean-Sébastien B. Gagnon

Musique : Peter Venne

Interprétation : Étienne Galloy, Eric K. Boulianne

Production : Romance Polanski & Klaus Kinky

Articles associés : la critique du film, l’interview de Rémi St-Michel et Eric K. Boulianne

T comme True Love Story

Fiche technique

Synopsis : True Love Story est un voyage à travers les ruelles ensorcelantes et sournoises de Bombay. Dans cette ville imprégnée de rêves bollywoodiens, le fantastique s’efface pour laisser place à la réalité viscérale. True Love Story est une ode aux histoires d’amour.

Genre : Animation

Durée : 19′

Pays : Inde

Année : 2014

Réalisation : Gitanjali Rao

Scénatrio : Gitanjali Rao

Image : Gitanjali Rao

Montage : Kurro González

Son : P M Satheesh, Manoj Goswami

Décors : Ruplali Gatti, Gitanjali Rao

Musique : EarthSync

Animation : Sangita Khatu, Vishruta Churi, Rekha Thorat

Production : Gitanjali Rao Productions, Les Films de Ka

Articles associés : la critique du film, l’interview de Gitanjali Rao

True Love Story de Gitanjali Rao

Gitanjali Rao n’est pas une inconnue dans le circuit de l’animation et des festivals. En 2006, la réalisatrice présentait son très beau court métrage, « Printed Rainbow » à la Semaine de la Critique et y recevait trois prix : Prix Découverte Kodak du meilleur court métrage, Prix de la (Toute) Jeune Critique et  Petit Rail d’Or du court métrage. Elle y était à nouveau sélectionnée cette année avec son nouveau film, « True Love Story », un court extrait d’un projet de long-métrage.

« True Love Story » montre un Bombay différent, à la fois séduisant et sournois. Un jeune vendeur de fleurs repère une jeune femme pauvre dans la rue, il l’approche, s’en éloigne. Derrière les apparences, se cache une autre réalité : il vole, elle vend ses charmes. Ils s’aiment mais la vie est difficile dans cette ville d’ombres et de différences sociales, imprégnée de rêves aux couleurs de Bollywood.

Dans ses films, Gitanjali Rao nous parle de son pays, l’Inde. Pour ce faire, elle nous emmène à chaque fois en voyage tant esthétiquement qu’auditivement. Ses films sont en réalité des expériences sensorielles fondées sur les mythes, la société actuelle, les couleurs, le son et la musique.

Pour illustrer ses histoires, Gitanjali Rao se sert de la peinture animée et d’une palette graphique extrêmement riche. Ses films, remplis de détails, sont extrêmement visuels et musicaux. Si elle n’hésite pas à oser des choses à l’image (comme effacer les visages ou illustrer la dure réalité par des nuances de gris), elle réussit, film après film, à maintenir et à amplifier une émotion sans pareil, sans beaucoup de moyens financiers.

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Ode à l’amour, invitation à l’évasion, reflet sociétal, « True Love Story » est un projet à part dans le travail de la réalisatrice. Le film est un fragment d’un potentiel long-métrage à venir, en recherche de financements. Il aurait pu ne pas exister sous sa forme actuelle.

Après l’avoir vu, le comité court de la Semaine de la Critique a souhaité le sélectionner pour son mélange de dureté, de fantaisie et de beauté. On ne peut que s’en réjouir. « True Love Story » est bel et bien l’animation la plus vivante et libre de Cannes cette année.

Katia Bayer

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Article associé : l’interview de Gitanjali Rao

La Semaine de la Critique lance un nouveau programme NEXT STEP

La Semaine de la Critique lance Next Step, un nouveau programme conçu pour les 10 réalisateurs de courts métrages sélectionnés lors de sa 53e édition afin de les soutenir dans le passage au long métrage.

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Conçu en collaboration du TorinoFilmLab et le soutien du CNC, de la CCAS et du Moulin d’Andé-CÉCI, ce programme consiste en un atelier de 5 jours qui aura lieu à Paris à l’automne 2014. L’objectif affiché de ce dispositif inédit est d’accompagner les 10 réalisateurs découverts par la Semaine de la Critique dans la génèse du projet de premier long métrage qu’ils souhaitent réaliser. Lors de cet atelier, les 10 cinéastes auront l’occasion de discuter de leur projet avec des experts et tuteurs internationaux afin d’être conseillés sur leur choix de premier long métrage, de confronter leur idée de scénario à la réalité du marché et de définir la stratégie de développement adaptée à leur projet. A l’issue de cet atelier de pré-écriture, le Moulin d’Andé-CÉCI proposera une résidence d’écriture de 1 mois à l’un des 10 cinéastes.

Sélectionnés chaque année parmi plus de 1 700 courts métrages soumis à la Semaine de la Critique, les 10 jeunes réalisateurs bénéficieront ainsi d’un soutien au delà de l’exposition de leur film à Cannes. La Semaine de la Critique réaffirme son positionnement de découverte de nouveaux talents en proposant aux jeunes cinéastes de sa sélection un accompagnement personnalisé dont l’originalité consiste à placer le cinéaste et la mise-en-scène au cœur de la réflexion du développement d’un premier long métrage.

Depuis plus de 50 ans, la section parallèle du festival de Cannes consacrée à l’émergence de nouveaux auteurs réserve une place et une attention particulière au format court qui lui a permis de révéler des cinéastes comme Andrea Arnold, François Ozon, Gaspar Noé ou plus récemment Justin Kurzel (sélectionné ensuite 2011 avec son long métrage Snowtown), Juliana Rojas (sélectionné ensuite à Un certain Regard avec Travailler fatigue en 2011) ou Claire Burger et Marie Amachoukeli (dont le premier long métrage Party Girl a ouvert Un Certain Regard lors de cette édition 2014).

Tarkovsky’s House de Christos Palamidis

Expérimental, 4’33 », 2008, Grèce

Synopsis : Court métrage dédié au grand réalisateur russe Andrei Tarkovsky. Un travelling à travers un espace virtuel, où toutes les images sont issues des films de Tarkovsky.

Ce film-hommage digne de Tarkovsky lui-même, construit une nouvelle narration à partir d’images récupérées de la courte mais puissante filmographie du grand maître. Bien loin du pastiche, le film revisite son univers singulier, à la lisière du psychologique et du mystique, et le transpose à une autre réalité.

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Skunk d’Annie Silverstein

« Skunk » est un court métrage de fin d’études écrit et réalisé par Annie Silverstein de l’université d’Austin au Texas, présenté à la Cinéfondation, section compétitive du festival de Cannes qui regroupe des films issus de différentes écoles de cinéma à travers le monde. Le film introduit Leila, adolescente dont les principales interactions dans sa banlieue du Texas semblent se passer avec ses chiens. Après que l’un d’entre eux ait tué un putois (« skunk » en anglais), Leila, qui se dirige vers la rivière pour le laver, rencontre Marco.

Lorsque les choses dégénèrent et que Marco vole le chien de Leila pour le soumettre à des combats, cette dernière doit s’affirmer afin de défendre ce qui compte le plus pour elle. La narration explore des thèmes tels que les relations de pouvoirs, la sexualité et l’isolation. Les interprètes du film explorent ces questions avec justesse, n’ayant pourtant aucune expérience en tant qu’acteurs. Annie Silverstein, elle-même novice dans le monde du cinéma avant d’intégrer l’université d’Austin, a déclaré s’être appuyée sur ses expériences en tant qu’éducatrice auprès d’adolescents de milieu défavorisés. La performance de ses acteurs, elle l’a voulue spontanée, naturelle, reflétant une démarche proche du cinéma documentaire.

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Dans « Skunk », Leila est une outsider isolée, effleurée par cette possibilité avortée de s’intégrer à un groupe de jeunes de son âge, et confrontée à la violence des rapports de force qui s’y jouent. À part une courte apparition de la mère de la jeune fille, les adultes sont absents du film et les échanges sont réduits à quelques mots, à des regards, des caresses, des moqueries puis des insultes. Ces éléments permettent de mieux montrer les relations en place dans cette petite ville où les personnages oscillent entre séduction et rejet. Le film dresse le portrait d’une adolescence complexe où la recherche d’une identité génère des attitudes parfois cruelles.

« Skunk » est filmé en décor naturel avec des personnages dénués de romantisme et d’artifices, sublimés par l’utilisation habile de la lumière naturelle qui éclaire le visage tantôt angélique tantôt impassible de son héroïne. La singularité du film tient à cette esthétique naturaliste ainsi qu’à cette identité provinciale que l’on retrouve dans les films situés dans les villes périphériques de classes moyennes. Ces éléments s’inscrivent dans un dynamisme cinématographique du Sud américain, avec en son cœur Austin, Texas : son festival (Austin Film Festival), qui met à l’honneur les scénaristes et la qualité de l’écriture, ses studios, et les producteurs des films de Jeff Nichols et de Terence Malick.

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On retrouve par exemple dans « Skunk » l’univers du magnifique « Shotgun Stories » de Jeff Nichols, où la désolation du lieu et la violence des personnages trouvent un contre-pied dans la beauté simple d’une vérité exposée avec un réalisme cru. La caméra, quant à elle, est bancale, suivant les personnages dans leurs déplacements tantôt hésitants tantôt francs et nerveux, souvent au plus proche d’eux, comme pour mieux capturer leurs émotions.

« Skunk » évoque les difficultés de l’adolescence mais aussi l’isolation propre à un certain milieu rural, et n’est pas sans rappeler un autre court métrage américain, « Going South » de Jefferson Moneo, qui avait été présenté dans la même section compétitive lors du festival de Cannes 2013, et dans lequel une jeune femme élevée dans un ranch des grandes plaines poursuivait ses rêves d’ailleurs. À suivre de près, ces étudiants s’inscrivent avec brio dans la lignée de grands réalisateurs du cinéma indépendant américain et de ses histoires douces-amères d’une nation délaissée, qui dépeint un environnement parfois austère où la nature et les grands espaces écrasent et absorbent les hommes.

Agathe Demanneville

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Pour information, « Skunk » est projeté dans le programme 1 de la Cinéfondation, le mercredi 21 mai à 11h, à la Salle Buñuel

S comme Skunk

Fiche technique

Synopsis : Élevée par une mère célibataire dans une région rurale isolée du Texas, c’est avec les chiens qu’elle a recueillis que Leila, 14 ans, communique le mieux. Quand un dresseur de chiens de combat en herbe lui vole son pit-bull bien-aimé, Leila n’a d’autre choix que de se défendre, au prix de son innocence.

Genre : Fiction

Durée : 16’

Pays : Etats-Unis

Année : 2014

Réalisation : Annie Silverstein

Scénario : Annie Silverstein

Image : Nathan Duncan

Montage : Josh Melrod

Musique : William Ryan Fritch

Interprétation : Jenivieve Nugent, Kiowa Tucker, Heather Kafka, Sam Stinson

Production : Monique Walton

Ecole : Columbia University (Etats-Unis)

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Guy Moquet de Demis Herenger

Difficile de ne pas remarquer le formidable « Guy Moquet » parmi les pâles courts sélectionnés à la Quinzaine des Réalisateurs cette année. Avec cette histoire d’amour, de fierté et de jugement entre des jeunes Noirs de banlieue, Demis Herenger se singularise et nous offre un pur moment de cinéma.

guy-moquet4 La rumeur se propage vite dans la cité. Guy Moquet alias Guimo alias Guim’s souhaite emballer Ticky devant tout le quartier. Seulement, la technique, ça compte et tout le monde ne désire pas voir cette idée se concrétiser.

Peut-on aimer librement quand on vit en banlieue ? A-t-on le droit d’y avoir des rêves et de se construire ses propres films ? Est-ce aisé de faire exister son individualité au sein du groupe ?

Demis Herenger soulève ces questions avec son film tourné à Grenoble dans un quartier mixte, La Villeneuve. Sur ce projet, il convie romantisme, cinéma, spontanéité des comédiens (non professionnels) et intelligence du scénario.

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Le pote qui n’embrasse pas avec la langue, les copines qui se projettent dans cette histoire, le quartier qui se réveille, les opinions formulées par chacun… : le film fait mouche à chaque plan. « Guy Moquet » dure 32 minutes et une fois de plus, le format du moyen métrage fait ses preuves pour installer et développer un univers, une histoire et des personnages.

L’intrigue du film est finalement assez simple : un gars cherche à impressionner une fille en public et à aller au bout de son rêve, celle-ci est tiraillée entre son attirance et sa réputation.

Seulement, « Guy Moquet » va plus loin. Il évite en premier lieu les clichés fréquents associés à la banlieue. Ensuite, il capte l’attention par la solide énergie qui s’en dégage et par l’interprétation sans failles de ses jeunes comédiens, à commencer par les deux personnages principaux, Teddy Lukunku (Guy Moquet) et Samrah Botsy (Ticky).

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Face à l’humour, à la difficile expression de soi, à la question du jugement et au désir de cinéma (omniprésent dans ce film), « Guy Moquet » fait penser à deux films de qualité tournés en banlieue : « Fais croquer » de Yassine Qnia et « Bande de filles » de Céline Sciamma, proposé il y a quelques jours en ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs.

Malgré ces rapprochements, « Guy Moquet » cultive ses propres qualités. Touchant, gracieux, drôle et spontané, il prend le temps de nous parler de soi, de la société du romantisme, de la liberté et du regard de l’autre. Justesse et poésie, un cocktail agréable à Cannes.

Katia Bayer

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Article associé : l’interview de Demis Herenger

G comme Guy Moquet

Fiche technique

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Synopsis : Guy Moquet ou Guimo ou Guim’s a promis à Ticky de l’embrasser au crépuscule en plein milieu du quartier devant tout le monde. Peut-être pas si fou… mais peut-être pas si simple.

Genre : Fiction

Durée : 32’

Pays : France

Année : 2014

Réalisation : Demis Herenger

Scénario : Demis Herenger

Image : Julien Perrin, Renaud Hauray

Son : Samuel Ripault

Montage : Demis Herenger

Musique : Stéphane Damiano

Interprétation : Teddy Lukunku, Samrah Botsy, Eric Botsy

Production : Baldanders Films

Articles associés : la critique du film, l’interview de Demis Herenger

Bourse Auteur de film d’animation (30 000€) de la Fondation Jean-Luc Lagardère

VOUS ÊTES UN JEUNE AUTEUR DE 30 ANS AU PLUS, ayant déjà réalisé un film d’animation à titre professionnel ou dans le cadre de vos études, vous avez un projet de court-métrage ou souhaitez réaliser le pilote d’un long-métrage ou d’une série (que ce soit en 2D, 3D, en images de synthèse, avec des marionnettes…), votre projet est un film d’animation adapté à une diffusion pour la télévision ou le cinéma…

Postulez à la bourse Auteur de film d’animation de la Fondation Jean-Luc Lagardère. luc-lagarde2014-1

Attribuée par un jury prestigieux, cette bourse de 30 000 € permet chaque année à un jeune Auteur de moins de 30 ans de développer un projet de film d’animation, en France ou à l’étranger (court métrage, pilote d’un long métrage ou série).

Dépôt des candidatures avant le samedi 21 juin 2014

La Fondation accorde également des bourses dans les domaines suivants : Libraire, Écrivain, Auteur de documentaire, Producteur cinéma, Créateur numérique, Scénariste TV, Journaliste de presse écrite, Musicien, Photographe.

Modalités de candidature sur le site : www.fondation-jeanluclagardere.com

A comme Aïssa

Fiche technique

Synopsis : Aïssa est congolaise. Elle est en situation irrégulière sur le territoire français. Elle dit avoir moins de dix-huit ans, mais les autorités la croient majeure. Afin de déterminer si elle est expulsable, un médecin va examiner son anatomie.

Genre : Fiction

Durée : 8’

Pays : France

Année : 2014

Réalisation : Clément Tréhin-Lalanne

Scénario : Clément Tréhin-Lalanne

Image : Romain Le Bonniec

Montage : Mona-Lise Lanfant

Son : Gérard Mailleau

Interprétation : Manda Touré, Bernard Campan

Production : Takami Productions

Article associé : la critique du film

Aïssa de Clément Tréhin-Lalanne

Aïssa est une jeune fille congolaise en situation irrégulière. À partir de ce pitch du deuxième film de Clément Tréhin-Lalanne en compétition officielle au 67e Festival de Cannes, on imagine que l’on va encore avoir affaire à un énième film sur les sans-papiers. Pourtant, le point de vue du réalisateur est bien différent de ce que l’on a pu voir auparavant.

En 2008, le réalisateur réalise son premier film, « Lucien » (produit par Fulldawa Productions) qui sera projeté, entre autres, au festival Paris Cinéma. Il choisit déjà un prénom pour seul titre et laisse planer un certain mystère sur le sujet du film. Lucien, environ huit ans, rentre de l’école légèrement angoissé à l’idée de demander une simple signature à sa mère. Lorsqu’on découvre le comportement de ladite mère, on comprend aisément le désarroi du jeune garçon.

Tout comme « Aïssa » (produit par Takami), le film est court. Il dure sept minutes qui ne passent pas pour autant rapidement, bien au contraire. La force des deux films est de créer une atmosphère particulièrement tendue sans pour autant qu’il y ait une réelle violence des actes. De la même manière, son regard sur ses personnages principaux, aussi bien Lucien qu’Aïssa, est suffisamment aiguisé pour que nous nous mettions à leur place, dans des situations inconfortables.

Il aura fallu cinq ans à Clément Tréhin-Lalanne pour passer de nouveau derrière la caméra et nous offrir « Aïssa », un film court à nouveau (huit minutes), mais très efficace pour ne pas dire tranchant. Le réalisateur dit avoir réagi à un article lu dans le quotidien Rue 89 à propos de deux jeunes Congolaises ayant été examinées minutieusement par un médecin à la demande d’un officier de police pour déterminer leur âge réel. Cet âge réel, c’est celui qui permettra de décider de leur destin : se verront-elles accorder un titre de séjour ou bien seront-elles expulsées ? La violence de la situation se retrouve exactement dans le court-métrage de Clément Tréhin-Lalanne. À la différence de nombreux films sur le thème des sans-papiers où l’on voit des immigrés traqués et des forces de l’ordre agressives, ici, point de brutalité, mais une situation qui glace, celle de la visite médicale avec l’analyse détaillée de l’ossature et de l’anatomie d’Aïssa.

Dès le générique d’ouverture, la police anticipe le destin d’Aïssa : un cas supplémentaire parmi tant d’autres, un dossier juridique à traiter de la manière la plus détachée, un simple numéro. Puis, on découvre la nuque de la jeune fille. La caméra ne la quittera d’ailleurs plus jusqu’à la dernière image du film. On apprend qu’Aïssa a 17 ans, qu’elle termine un CAP d’esthéticienne et qu’elle est en pleine santé. Mais alors qu’a-t-elle fait de mal pour se retrouver là ? La voix off du médecin enregistrée sur son dictaphone décrit avec impassibilité les différentes parties du corps d’Aïssa, montrées ici de la manière la plus crue. La jeune fille est mise à nue, est apeurée devant cet examen froid et clinique.

Le rôle de « bête curieuse » étudiée sous tous les angles est campé par l’incroyable Manda Touré. Sans un mot, elle transmet une immense pudeur associée à de la frayeur. Le diagnostic du médecin vient ensuite clore le film avec la plus grande froideur. S’ensuit un cut qui laisse la gorge sèche, sans musique et sans compassion aucune. Clément Tréhin-Lalanne a encore une fois réussi à nous mettre mal à l’aise.

Camille Monin

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Master Class Ciné-Guinguette

Info cannoise. Des Master class dédiées à l’univers du cinéma sont organisées pendant le festival, en partenariat avec WeLoveWords et le Short Film Corner, sur la plage Ciné-Guinguette, située en face du Grand Hôtel.

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Des intervenants de M6 Films, Memento Films, Watchever, Studio Canal ou encore Under The Milky Way parleront de leur métier, de leur vision du marché et discuteront autour de thématiques aussi diverses que la production, l’exploitation ou l’avenir du cinéma à l’heure de a distribution numérique.

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Ouvertes à tous, elles s’adressent particulièrement à la « jeune » génération de producteurs et de réalisateurs qui souhaitent par exemple passer au long métrage ou qui veulent en savoir plus sur ces sujets.

L’accès est gratuit. Tous les participants bénéficient d’un badge « Ciné Guinguette – Short Film Corner » qui permet d’accéder à la plage pendant tout le festival et de bénéficier de réductions sur les consommations.

C comme La Contre-allée

Fiche technique

Synopsis : Suzanne se prostitue depuis 15 ans. Elle a son bout de trottoir, ses habitués, sa liberté. Un jour, de jeunes prostituées africaines s’installent en périphérie. Suzanne est menacée.

Genre : Fiction

Durée : 28’50’’

Pays : France

Année : 2014

Réalisation : Cécile Ducrocq

Scénario : Cécile Ducrocq

Image : Martin Rit

Montage : Damien Maestraggi

Son : Francis Bernard

Décors : Jean-François Sturm

Musique : Sébastien Pouderoux

Interprétation : Laure Calamy

Production : Année Zéro Production

Articles associés : la critique du film, l’interview de Laure Calamy

La Contre-allée de Cécile Ducrocq

« La Contre-allée », quatrième film écrit et réalisé par Cécile Ducrocq, est sélectionné à la 53e Semaine de la Critique et il y a des chances pour qu’il fasse parler de lui sur la Croisette cette année. En effet, rares sont les films qui ont traité de la prostitution sous cet angle.

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On a connu Cécile Ducrocq avec des films au ton plus doux, même s’ils traitaient déjà des désillusions face aux hommes. Petite contrariété d’abord, au niveau de l’amour, dans « Tout le monde dit je t’aime » où deux amies de 16 ans se demandent si le fait de dire « je t’aime » trop tôt, ne dévalorisait pas ce sentiment.

Désenchantement ensuite, face aux garçons dans « Fille modèle » où Marion, après avoir passé en cachette un concours de mannequins, se rendait compte bien malgré elle, que les garçons ne la voyaient plus comme une petite fille. Déception encore, cette fois face au père, dans « Le pays qui n’existe pas » où Jeanne, en week-end à Disneyland avec ses parents, découvrait que son père trompait sa mère.

Plusieurs désillusions qui permettent finalement de passer de l’enfance à l’âge adulte et que maîtrise parfaitement la réalisatrice en cernant avec finesse et justesse ces petits moments de la vie. Elle suit ses personnages avec une immense intimité et réussit ainsi à nous toucher avec des scènes du quotidien. Elle possède cette patte féminine, qui mêle la fragilité à la dureté sans concession.

Avec « La Contre-allée », Cécile Ducrocq passe la vitesse supérieure quant aux désillusions face aux hommes. En effet, il n’est plus question d’adolescentes de bonnes familles, mais de Suzanne, une femme d’une quarantaine d’années, prostituée de son état. Interprétée par la talentueuse Laure Calamy (vue dans « Ce qu’il restera de nous » de Vincent Macaigne), cette femme a choisi sa condition et mène ses activités de manière professionnelle. Attentionnée avec ses clients, elle tient sa comptabilité sur un petit carnet et son appartement est accueillant. La caméra suit les gestes maitrisés et organisés de Suzanne à la manière d’un documentaire sur une profession pas glauque pour un sou. Si bien que le film pose la question toujours aussi délicate : lorsqu’elle est volontaire, la prostitution est-elle un métier comme un autre ? C’est en tout cas ce que semble dire la réalisatrice et c’est d’ailleurs ce qui fait l’originalité de son point de vue en comparaison avec tous les films déjà faits autour de la prostitution, où les femmes subissent bien souvent cette condition ou bien sont montrées avec tous les clichés vulgaires qu’on leur attribue.

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Qui dit métier comme les autres sous-entend qu’il est confronté aux mêmes problèmes que les autres : la crise. Suzanne souffre du départ de ses clients pour une concurrence meilleur marché, celle illégale organisée par des étrangers, avec des femmes plus jeunes, plus exotiques qui exercent dans des camionnettes en périphérie de la ville. La contre-allée, c’est la contrefaçon, la différence entre une pute et une prostituée et ce qui fait de l’ombre aux activités conformes. Un beau jour, Suzanne ne supporte plus cette menace qui fait fuir ses habitués alors qu’elle fait bien son travail depuis 20 ans. Pour ce faire, elle demande de l’aide à deux clients du bistrot où elle se rend souvent pendant ses pauses. Les deux hommes se montrent sympathiques avec Suzanne et surtout compréhensifs de sa situation. Pour retrouver la sérénité dans ses activités, Suzanne leur fait confiance. Mais une prostituée est-elle une femme comme une autre ?

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Cécile Ducrocq signe avec « La Contre-allée », un film extrêmement fort sur une profession encore taboue, sur la condition de la femme et finalement, sur les désillusions de ceux qui pensent bien faire. Comme dans le film de Manuel Schapira, « Les Meutes », là aussi il est difficile de déterminer les gentils et les méchants.

Laure Calamy y est incroyable d’authenticité, jouant à merveille toutes les facettes de cette prostituée, à la fois mère, fantasme sexuel, copine de bistrot et femme d’entreprise, déterminée mais fragile, émouvante à souhait. On est très loin de « Pretty Woman » avec ce film qui ne laisse pas indemne qui prend aux tripes. Cécile Ducrocq arrive à cerner ce moment de retournement si bref dans l’existence qui fait que rien ne sera plus jamais comme avant.

Camille Monin

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Article associé : l’interview de Laure Calamy

Pour information, « La Contre-allée » sera projeté le jeudi 18/2 à 20h30 au Studio des Ursulines (Paris, 5ème), en présence de Laure Calamy et Cécile Ducrocq

En Août de Jenna Hasse

À l’origine, la Suissesse Jenna Hasse est comédienne et sait comment diriger les acteurs. Dans son premier film, « En Août » en sélection à la Quinzaine des Réalisateurs, l’interprétation de David Lemoine dans le rôle du père et de Clarisse Moussa dans celui de sa petite fille, est excellente. Certes, dans ce film, tout paraît un peu trop beau et idyllique : le décor des montagnes suisses à couper le souffle, la jolie maison familiale avec le chant des oiseaux autour, le cabriolet, le père ayant des allures de flambeur et la fillette à la bouille craquante. La situation n’en est pas moins crédible et poignante.

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Ce matin d’août, la petite Margaux se réveille et découvre par la fenêtre que son père remplit sa voiture de tout un tas de cartons, tandis que sa mère dort encore. Pas besoin d’en dire plus, la fillette comprend que son père quitte la maison. Sa tristesse passe d’abord par de la colère envers son père et si elle l’observe avec fascination lorsqu’il se rase, elle refuse pourtant qu’il s’occupe d’elle et le repousse violemment. S’ensuit la peur de le perdre avec une scène où Margaux rattrape son père in extremis avec un regard suppliant et celui-ci lui propose alors une dernière virée en voiture avec lui en la plaçant sur ses genoux, les mains sur le volant. Moment d’une douceur extrême, ici au son d’une bossa nova, où la complicité entre le père et l’enfant passe par le jeu et la protection. Ils en profitent d’autant plus qu’ils sont tous les deux conscients chacun de leur côté, que ce sera un de leurs derniers moments de bonheur passés ensemble.

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En rentrant à la maison, le petit ange blond retient ses larmes de voir partir son papa et finira par se réfugier dans les bras de sa mère. À l’évidence, cette ballade entre père et fille aurait pu être anodine, mais elle restera gravée à jamais dans la tête de l’enfant dont la vie ne sera plus jamais la même. La force de Jenna Hasse avec ce film d’à peine 9 minutes, réalisé sans trop de moyens est d’avoir su cerner ce dernier moment d’intimité avec un ton si juste, si sensible que l’on aimerait précisément qu’il ne s’arrête jamais.

Camille Monin

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