Jean-Bernard Marlin : « Ce que j’ai essayé de faire dans cette fiction, c’est avoir sans cesse une exigence de vérité et d’authenticité, c’est-à-dire ne jamais mentir sur ce que j’ai ressenti ou vu dans des foyers, avec les jeunes en difficulté »

À l’instar de sa jeune héroïne qui s’échappe d’un tribunal, le film de Jean-Bernard Marlin La Fugue, lui, court après les récompenses. Il a d’abord décroché l’Ours d’or du court métrage à Berlin en 2013. Puis, il a remporté à Clermont-Ferrand le prix Télérama ainsi que le prix ADAMI pour son acteur principal Adel Bencherif. Ce film qui dévoile à un rythme effréné la relation d’équilibriste d’un éducateur avec une jeune délinquante, est aujourd’hui nominé pour le César du Meilleur court métrage 2014. Nous avons rencontré le réalisateur pour un entretien révélant quelques secrets de fabrication de ce film urgent qui s’accommode si bien de la forme courte.

Ton précédent film, La peau dure en 2007, abordait déjà la délinquance juvénile. Qu’est-ce qui te motive à montrer cette réalité ?

C’est un peu personnel, il y avait chez ces jeunes-là des problématiques sociales et familiales qui faisaient écho aux miennes. Je n’ai pas été délinquant, je n’ai pas vécu en foyer. Mais je croisais des des éducateurs et des jeunes en foyer quand j’étais jeune. Je viens d’un milieu modeste et parfois je suis surpris par la représentation de ces gens au cinéma qui, selon moi, est très éloignée de la réalité.

Il y a une vision de la délinquance qui sonne faux. Ça me mettait un peu hors de moi car je me disais « En fait, ils ne savent pas ce que c’est et ils font des films sur des gens qu’ils ne connaissent pas ». Ils perpétuent des images fausses et l’intention de mon film, c’était justement de casser cette image et d’être au plus près de ce que moi je connaissais et de cette vérité-là. Pour moi, tenter de montrer les exclus, les gens en difficulté, ceux que l’on peut croiser dans la rue, c’est même une position politique.

Tu as donc choisi la fiction pour un abord plus réel.

Oui, parce que finalement, dans un documentaire, il y a des choses que tu ne peux pas montrer et que tu ne peux pas représenter. Parce que ces jeunes que tu filmes ont parfois des sursis, des problèmes judiciaires. Tu ne peux pas montrer un jeune qui ne respecte pas ses obligations judiciaires sinon il risque la prison. Parfois la fiction, c’est plus facile. En tout cas, je me suis senti plus limité au travers de mon expérience documentaire.

Le paradoxe de la position de l’éducateur qui se substitue aux parents, sans s’attacher est au cœur du film. Pourquoi avoir voulu définir ce lien particulier ?

Je me suis intéressé à la relation particulière de l’éducateur pendant l’élaboration de mon documentaire. J’avais suivi pendant un an un jeune et je me suis rendu compte qu’il voyait à travers moi une figure paternelle. À trente ans, ça m’a fait un choc de découvrir que je pouvais lui donner des conseils. Tout d’un coup, les rôles s’étaient inversés. D’une certaine manière, j’étais venu pour recueillir quelque chose et c’était à moi de donner. Je ne me suis pas contenté de faire un documentaire. J’ai aussi tenté de l’aider. J’ai constaté que c’était très compliqué. La Fugue reflète cette relation impossible, complexe. Ce qui m’intéressait aussi, c’est toute cette complexité, cette ambivalence. C’est comme si l’éducateur disait en permanence au jeune dont il s’occupe : « J’essaye de t’aider, mais en même temps, je dois garder mes distances professionnelles ».

Là, tu as choisi un personnage pour qui cette relation à l’éducateur est difficile. Sabrina, sans attaches, est anxieuse. Elle y croit de moins en moins, jusqu’au moment où elle craque.

C’est ce que j’ai constaté justement chez tous les jeunes que j’ai rencontrés. Ils se rattachent un moment aux éducateurs. Puis ensuite, ça craque et ils lâchent.

C’est le moment dans le film où Sabrina dit : « Je te parle comme je veux maintenant, on fait notre vie chacun de notre côté » ?

Oui, et ça je l’ai vu. Ce que j’ai essayé de faire dans cette fiction, c’est d’avoir une exigence de vérité et d’authenticité, tout le temps. C’est-à-dire de ne jamais mentir sur ce que j’ai ressenti ou vu dans des foyers, avec ces jeunes en difficulté. C’est assez représentatif de ce qui se noue et se fabrique entre un jeune et un éducateur. Après il y a plusieurs relations possibles mais c’est mon point de vue. C’est subjectif.

Comment as-tu réussi à intégrer un acteur déjà expérimenté, Adel Bencherif, (Lakdar, l’éducateur dans le film) à cet ensemble d’acteurs non professionnels ? Comment s’est articulé son travail avec Médina Yalaoui (Sabrina, qui comparait au tribunal dans le film) ?

Adel est un comédien talentueux qui communique très bien. Il a cette faculté d’un grand pouvoir d’adaptation qu’il a montrée avec des gens qui n’avaient jamais joué. Je pense que parfois, ce n’était pas facile pour lui, quand par exemple Médina ne connaissait pas son texte ou le changeait au dernier moment. C’était un peu compliqué pour lui, mais autrement il y arrivait assez facilement.

Pour Médina, Adel fut à coup sûr un exemple. C’était également son tout premier rôle. Elle n’avait fait que deux petites répétitions avant. On l’a appelée deux jours avant le tournage. À l’origine, j’avais choisi quelqu’un d’autre avec qui j’avais répété pendant deux mois. Mais il s’est désisté au dernier moment. C’était quelqu’un qui sortait de prison, qui avait de gros problèmes judiciaires. J’avais fait un casting, et j’avais déjà repéré Médina.

Tu a fais un casting au sein d’un CEF (Centre Educatif Fermé) ?

Non, j’ai fait un casting sauvage dans les rues de Marseille pendant deux ou trois mois. Je suis très exigeant au niveau du casting. On a dû voir 60 jeunes qu’on avait choisis dans la rue et dans des foyers aussi, mais vraiment dans des lieux très divers.

Les dialogues du film semblent très spontanés. As-tu écrit d’après des improvisations avec les comédiens ?

Dans ce cas précis, non. Le scénario fut un travail de longue haleine, près de deux ans, et il était très écrit, avec des dialogues qui collaient au milieu que je décrivais. On crée des situations de cinéma lors de l’écriture du scénario. Et puis, c’est à l’écriture du scénario qu’on crée des situations de cinéma sur le tournage et même au montage, on dramatise un peu. La dramatisation est importante pour le spectateur afin qu’il puisse comprendre et suivre l’histoire.

Après, rien n’était figé non plus. Il y a eu de petits moments improvisés, mais finalement on est resté très près de ce que j’avais écrit à la base. Les scènes, leur mouvement et les dialogues sont identiques. Je voulais que ça colle à ce que j’avais écrit sinon il n’y avait plus de dramatisation justement. Mon travail consistait donc à pousser les comédiens à tenir une ligne, à respecter le rôle par rapport à celui que j’ai écrit.

Tu expliques dans d’autres interviews que tes comédiens pouvaient se déplacer beaucoup. Si je simplifie, tes comédiens n’étaient pas libres de leurs dialogues mais libres de leurs mouvements ?

Oui, vraiment. C’était le directeur photo, Julien Poupard, qui devait s’adapter. Comme avec les dialogues, les comédiens étaient libres mais dans une certaine limite. Ce que je voulais éviter, c’était d’avoir des comédiens contraints de se déplacer dans un cadre. Ils n’avaient pas la conscience du cadre et je voulais préserver leur spontanéité. Tout était fait pour qu’ils n’aient pas à se soucier d’une marque au sol, du cadre ou de la lumière. Justement, j’avais envie qu’ils oublient tout ça et qu’on inverse le processus. Que ce soit la caméra qui suive les comédiens et non les comédiens qui suivent la caméra.

Ton film montre la proximité et la sincérité de visages cadrés de très près. Comment as-tu fait ce choix ?

Au début, je voulais au contraire cadrer très large et en fait j’ai trouvé la façon de filmer sur le tournage avec le directeur photo. Pour être au plus près des personnages, de leur intimité, c’est sûrement comme ça que je le voyais.

Pour moi, tu joues avec leur grain de voix, mais aussi avec leurs grains de peau. On voit toutes sortes d’éclairages. On a le sentiment de bien connaître leurs visages.

Ça, c’est purement intuitif, ce n’était pas pensé ni cérébral. Cette façon de filmer s’est vraiment décidée au moment du tournage mais c’est vrai que tout était orienté sur les acteurs et l’actrice.

Au départ de La Fugue, il y a donc un travail documentaire. Comptes-tu terminer le documentaire ? Quels sont tes projets ?

Le documentaire est déjà terminé et sortira bientôt au cinéma. C’est un long métrage où je suis le parcours d’un jeune d’un foyer à l’autre. Ils n’ont jamais de vraies maisons, d’endroits pour grandir correctement. Mon film montre ça et les coulisses de la délinquance. On ne voit jamais de délits, on voit ce qu’est le rendez-vous au tribunal, le quotidien judiciaire qui est très lourd. D’ailleurs, ces jeunes-là sont des spécialistes du droit, ils connaissent tout. J’ai eu l’impression de suivre de vrais cours de droit.
J’écris actuellement un projet de long métrage qui reprend certains thèmes du court métrage mais j’essaye d’aller beaucoup plus loin.

Propos recueillis par Georges Coste

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Bambi de Sébastien Lifshitz

Bambi, nommé aux César du Court Métrage 2014, est le onzième film de Sébastien Lifshitz et comme souvent, le réalisateur nous entraîne pour notre grand plaisir, dans une histoire autour du corps et de l’identité; et ceci qu’il navigue entre le court et le long, entre la fiction et le documentaire.

Le réalisateur aime à traiter des sujets tabous tels que la sexualité, l’homosexualité, la transsexualité, gênants pour certains, soulevant des polémiques pour d’autres, sans jamais tomber dans la rébellion ou la vulgarité. Bien au contraire, Sébastien Lifshitz maîtrise l’intime et la sensualité comme nul autre, faisant des personnages qu’il filme, des individus hors du commun extrêmement touchants.

Bambi, c’est le nom de scène de Marie-Pierre Pruvot, transsexuelle très connue des années 50-60, où des opérations de changement de sexe commençaient tout juste tandis que les cabarets de travestis défrayaient la chronique. Difficile de passer à côté de l’incroyable beauté de cette femme filmée sous tous les angles avec un immense esthétisme. Preuve que Sébastien Lifshitz aime particulièrement les personnes qu’il suit et les rend d’autant plus belles. Avant de passer au cinéma, le réalisateur baignait, il est vrai, dans le milieu de l’art contemporain et la photo, d’où son goût pour un certain esthétisme.

Le film ne parle pas uniquement de la période « cabaret » de Bambi ; il retrace en réalité toute l’existence de Marie-Pierre Pruvot depuis l’enfance où celle-ci était déjà persuadée qu’elle était une petite fille et non pas un garçon comme son entourage et son entre-jambe tendaient à lui démontrer. Dans le film de Sébastien Lifshitz, la voix posée de Bambi commente les magnifiques images d’archives d’Alger où elle est née et décrit cette lutte identitaire dès son plus jeune âge pour ne plus être le Jean-Pierre qu’on lui impose d’être.

Pour Bambi, la révélation et la liberté ont lieu lorsqu’elle découvre puis intègre un cabaret de travestis : le Carrousel à Paris. Sa vie prend alors un tournant essentiel et elle peut enfin vivre sa vie de femme comme elle l’a toujours souhaité. Elle quitte ensuite le milieu de la nuit pour se « réorienter » et devenir professeur de français investie dans sa nouvelle vie plus rangée dans l’enseignement.

Bambi 4

Le film avance dans le temps, entrecoupé de nombreuses images d’archives et d’entretiens avec Bambi. On sent entre celle-ci et Sébastien Lifshitz une grande complicité faisant que Bambi se confie naturellement et en toute sincérité. On passe alors du rire aux larmes durant ces 57 minutes tant le témoignage de Bambi est doté d’une grande sensibilité : elle possède beaucoup d’autodérision quant à ses prises d’hormones parfois démesurées et sait se montrer terriblement poignante lorsqu’elle tombe finalement amoureuse d’une autre femme remettant en cause ses choix identitaires.

Avec « Bambi », Sébastien Lifshitz signe un très beau documentaire à la fois élégant, faussement engagé et terriblement émouvant. À l’heure où les questions d’identité de genre et de sexualité provoquent des révolutions dans la rue ou sur les réseaux sociaux, « Bambi » apparaît alors comme un bijou qui prouve que le combat pour se faire reconnaître et trouver sa place selon ses choix identitaires et sexuels en vaut la peine. On souhaiterait presque que ce film fasse écho et mette fin à toutes les mauvaises idées reçues, malgré le fait que le propos de Sébastien Lifshitz ne soit en rien militant.

Nécessaire actuellement, le film, classé dans la catégorie court métrage, présente cependant une carrière faite plus volontiers de sélections et de prix en festivals de longs (dont la très réputée Berlinale) que de courts.

Aussi réussi soit le film de Sébastien Lifshitz, on ne manquera pas de remarquer que sa nomination pour le César du Meilleur Court Métrage peut en surprendre plus d’un dans la cour du court métrage, ceci, bien entendu sans remettre en question les évidentes qualités du film.

Force est de noter que le cas de Bambi est un peu unique : en effet, le film est à la limite du long-métrage documentaire avec ses 57 minutes et on sait par ailleurs, que le réalisateur maîtrise déjà parfaitement le format long, puisqu’il a remporté l’an dernier, le César du Meilleur Documentaire avec Les Invisibles, film remarquable sur les homosexuels « cachés » des années 60 et qu’il avait déjà réalisé sept autres longs-métrages auparavant. Notons que Bambi fait partie de ces rares films prévus pour une diffusion télé (ndlr : le 19 juin 2013 sur Canal+) qui possèdent des qualités inédites pour plaire et sortir en salle. La société de distribution Epicentre a ainsi pris le film sous son aile et lui a permis d’atteindre plus de 100.000 entrées. Parmi les films qui ont connu un destin un peu similaire, le long-métrage La journée de la jupe de Jean-Paul Lilienfeld avait été diffusé sur Arte avant de sortir en salle, et des moyens métrages étaient sortis finalement sur grand écran comme Un monde sans femmes, de Guillaume Brac ou encore Orléans de Virgil Vernier. Se pose alors l’éternelle question de la diffusion et de la visibilité de tous ces courts métrages qui, contrairement à des cas comme Bambi, ont très rarement une vie sur grand écran (voire sur petit écran).

Camille Monin

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B comme Bambi

Fiche technique

Synopsis : Dès sa plus tendre enfance à Alger, Marie-Pierre ne veut s’habiller qu’en robe et refuse obstinément son prénom de naissance : Jean-Pierre. Sa vie bascule à dix-sept ans lorsqu’elle découvre la revue d’un cabaret de travestis en tournée, le Carrousel de Paris. En quelques années, elle devient Bambi, figure mythique des cabarets parisiens des années 50/ 60. En recueillant le témoignage d’une des premières transsexuelles françaises, Sébastien Lifshitz poursuit le travail entamé avec Les Invisibles et trace le destin d’une personnalité hors du commun.

Genre : Documentaire

Durée : 57’

Pays : France

Année : 2013

Réalisation : Sébastien Lifshitz

Scénario : Sébastien Lifshitz

Image : Sébastien Buchmann

Montage : Tina Baz Le Gal

Son : Jean-Christophe Lion

Musique : Bambi – Coccinelle – autres

Interprétation : Marie-Pierre Pruvot (dans son propre rôle)

Production : Un Monde Meilleur

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Marie Monge : « Plus on avait des contraintes (ni CNC ni chaînes), plus le film était en danger, plus les gens se sont investis, plus on est allé à la guerre ensemble »

Réunis dans un café parisien, Charif Ounnoughene, Karim Leklou, Marie Monge et Sébastien Haguenauer, respectivement comédiens, réalisatrice et producteur du film « Marseille la nuit », évoquent leur travail en commun, les joies et les difficultés liés au film qui les a conduit à la nomination aux César du Meilleur court métrage. Discussion à plein de voix, autour de l’énergie collective, des petits plaisirs, de l’amitié, du format moyen, des emmerdes et des rêves.

Comment vous-êtes vous rencontrés ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler ensemble sur ce projet ?

Marie : Il y a six-sept ans, on s’est rencontré avec Charif sur le casting de mon premier court « Les Ombres bossues », c’était son premier film aussi. Il est arrivé, il a été assez instinctif et s’était approprié le texte d’une façon que je n’avais pas du tout imaginé pour le rôle. Ça m’a séduite, on s’est revu, on a travaillé ensemble, on est devenu amis. On était jeune, on a appris en même temps, c’était une aventure très collective et amicale. Après, j’ai fait un deuxième film, « Mia », où je lui ai écrit un rôle. Il m’a présenté son ami Karim qui nous a rejoint sur ce projet. Et puis, j’ai eu envie de faire un film avec eux et de filmer leur amitié aussi.

Qu’est-ce que Charif avait apporté sur le premier film ?

Marie : Il avait emmené le personnage ailleurs. Il lui avait apporté quelque chose de plus étrange. C’est quelqu’un qui a une présence immédiate, qui joue sur l’ambiguïté, qui prend toujours la scène à contre-pied. Il ne s’appuie jamais sur quelque chose de technique. Quand j’écris pour lui, je sais qu’on va aller chercher ailleurs.

Charif : Au casting, j’ai lu le scénario comme je le sentais, comme j’avais compris le personnage. C’était très intuitif.

Comment s’est passé la rencontre et le travail avec Marie pour toi, Karim ?

Karim : En travaillant ensemble sur « Mia », ça m’a donné très envie de tourner plus longtemps sur un autre projet. Il y avait déjà cette énergie particulière qui est vraiment spécifique aux films de Marie.

Charif : Marie est quelqu’un qui travaille énormément avec les comédiens. Ça nous met facilement en confiance, ça nous donne envie de comprendre où elle veut nous emmener. Elle est très ouverte au débat, à l’échange d’idées. Bien sûr, elle a des certitudes, elle tient à des choses mais elle n’est pas fermée. C’est très agréable pour un comédien parce qu’on sent qu’on est tous en travail, qu’on recherche tous, ça nous pousse à donner, à être plus créatif, innovant, ça nous donne une certaine responsabilité.

Karim : En termes d’énergie, elle transpire son film. Tu la sens physiquement, elle est avec toi dans la scène. Je n’ai pas vu ça chez énormément de réalisateurs. Et quand elle n’est pas contente, ça se voit (rires) ! Elle cherche, elle est impliquée, c’est physique. Après chaque scène, elle est là. Elle donne envie de redonner, comme dit Charif.

Marie : Pendant les six mois de préparation, avant même qu’on sache si le film allait être financé ou pas, on était dans mon salon à faire des impros, à travailler tous ensemble, à chercher, à faire des lectures avec tous les comédiens. C’est assez rare, cet esprit de troupe dans un court. Tout est segmenté, chacun a ses jours de tournage, alors que là, ils se parlaient des rôles les uns les autres. Chacun travaillait avec l’autre et venait avec des idées sur la façon dont on traîne dans la rue, dont on s’emmerde ensemble.

Sébastien : Dans la manière de travailler de Marie, il y a un souci du détail qui est très important et qui se voit. Le cocon créé a joué, il y a une espèce de mise en condition globale qui permet d’obtenir des choses pendant les prises. Ce travail est quasi aussi important que l’écriture. Cette implication, même celle des petits rôles, est cruciale. Tout le monde sait pourquoi il est là, précisément ce qu’il a à faire.

Karim : Ça nourrit les rôles. Tous les autres comédiens de la bande avaient vraiment le souci de partage. C’est quelque chose qu’on voit rarement : ils jouent pour toi.

Marie : Quand on ne savait pas si le film allait se faire, quand on était dans l’incertitude, j’étais toujours sure que j’avais envie de les filmer et que j’avais confiance en ce qui pouvait en sortir. Tous ceux qui sont arrivés en amont ne sont pas venus faire des heures ou de l’expérience, ils sont venus pour l’aventure. On avait peu de temps. Il fallait être très au clair sur les intentions et les répétitions. J’avais envie que dans cette urgence, on garde cette spontanéité. J’ai quasi monté à chaque fois les premières et deuxièmes prises. Ce qui était compliqué, c’est que Karim et Charif ne travaillent pas de la même manière. La deuxième prise, c’est celle où ils se retrouvent généralement. Charif part tout de suite et ce sont les fulgurances du début qui sont les plus belles alors que chez Karim, c’est toujours un peu l’esquisse, la première fois, et au bout d’un moment, il y arrive. Il a des ressources infinies, on ne peut plus l’arrêter. Du coup, travailler avec les deux, c’est hyper intéressant et ça se règle en répétition. Je vois très bien combien de temps ils ont besoin tous les deux. Et ce qui était parfait, c’est que Louise (Monge) était au milieu. Elle peut faire quelque chose de technique et se réajuster avec quelques nuances, elle est très régulière.

Sébastien, tu produis beaucoup de courts via ta boîte (10:15 Productions). Qu’est-ce qui t’a donné envie de bosser avec Marie et quelles difficultés as-tu rencontré en termes de production ?

Sébastien : J’avais vu son précédent court, « Mia », au festival Côté Court (Pantin). J’ai été bluffé par la manière dont elle gère ses comédiens. C’est hyper vivant. Je l’ai appelée pour bosser avec elle. Je ne voyais pas comment on allait monter le projet, je savais que ça allait être long. Mais l’ADN était là avec les comédiens et une camera. Il y avait du cinéma.

Quel a été l’apport de Julien Guetta, le scénariste ?

Marie : Je n’avais pas de projet écrit, j’avais envie de faire un film avec ces comédiens et de parler de cet âge-là. Avec Sébastien qui était très impliqué dans l’écriture, qui était mon seul interlocuteur, on avait envie d’aller jusqu’au bout d’une situation. Personne ne nous attendait, on voulait faire un film qui bascule dans le genre, ailleurs. Pour cela, il fallait un scénariste, on en a rencontré plusieurs, mais Julien s’est imposé avec ses envies. Il prenait sans égo ce qu’il voyait en répétition, entre le film de genre et la chronique.

En combien de temps avez-vous tourné ?

Sébastien : 12 jours de tournage étaient prévus, on en a tourné 18. Ce projet demandait cette énergie-là. J’ai senti assez vite que ça allait être un truc d’équipe. Après, pour le format moyen, on a rarement plus d’argent, donc on fait avec. C’est vite devenu l’enjeu principal. Une journée en plus ou en moins demandait beaucoup de réécriture. On savait que c’était la denrée la plus rare. Le chef op, Boris, a fait beaucoup de concessions par rapport à ce qu’il voulait à la base. À un moment, avoir une belle camera pour ne pas avoir le temps de filmer ne servait à rien, donc on a fait d’autres choix cohérents esthétiquement mais qui n’étaient pas rêvés initialement.

Karim : C’était un pari, ce film. Les techniciens nous ont beaucoup aidés. En tant que comédiens, on n’a pas ressenti tellement cette pression. Le premier assistant, Ilan Cohen, a pris énormément sur lui en termes de contraintes. Moi, j’étais dans un rêve, je croyais qu’on avait le temps.

Sébastien : Les comédiens attendaient dans des hangars entre deux prises, il faisait un froid et humide. Tout le monde restait jusqu’à la fin de la journée. D’autres personnes auraient fait la gueule ou montré qu’elles faisaient un effort. Là, personne s’est posé la question, on faisait le film.

Marie : Les machinos restaient jusqu’à 5h du matin. Quand on faisait des répétitions avec les comédiens, ils étaient là. On leur a parlé du scénario, il fallait qu’ils aillent au bout. Plus on avait des contraintes (ni CNC ni chaînes), plus le film était en danger, plus les gens se sont investis, plus on est allé à la guerre ensemble. Ils étaient là et prêts à donner beaucoup. Ce manque de moyens nous a à chaque fois plus donné de motivation. Tout le monde a puisé dans ses ressources.

Pour vous, c’est quoi ce film ?

Sébastien :  C’est un film de système D.

Karim : C’est un film qui parle de mecs qui s’emmerdent, qui essayent de faire quelque chose de leur vie. C’est un film qui parle d’une jeunesse française, d’un passage à l’âge adulte un peu tardif et à des rêves qui se cassent. La vraie histoire, c’est celle de l’amitié, la confrontation à la réalité, des choses universelles. Le scénario est fort, en ça, il m’a touché.

Marie : Ça pourrait être une histoire d’amour mais c’est une histoire d’amitié. Ces deux garçons sont les rois du monde et du quartier. Ils vivent, rêvent, ensemble, et n’ont pas besoin de partir car ils se racontent leur idéal. Quand Mona arrive, leur rêve devient très concret. Quitter Limoges pour à Marseille ne prend que deux heures de voiture. Là, ça brise leur imaginaire, là, ils sont incapable d’agir ensemble. « Marseille la nuit » est aussi un film sur la peur.

Comment s’est passé la diffusion du film ?

Sébastien : Si tu pars avec des rêves de gloire, tu risques de tomber d’un peu haut ! Avec Marie, ça a été clair dès le début. A l’étranger, c’était compliqué, très peu de festivals prennent des films au-dessus de 30 minutes. En France, on avait ciblé six festivals, on a dû en faire cinq. On savait que si on loupait ces festivals de prestige, le film serait resté dans un tiroir. On est allé à Angers, à Belfort, on n’a pas été pris à Clermont et à Brive, mais le film a finalement été préacheté par France 2. Le film a quand même été vu.

Marie : Je n’avais pas fait la Fémis, je n’étais attendue par personne. On avait vraiment besoin de faire le film, ce n’était pas dans une logique de carrière. Sébastien m’a protégée, il m’a dit que son boulot était de l’emmener le plus loin possible. Et c’est ce qu’il a fait. À chaque fois, on était content, mais ça pouvait s’arrêter là.

Sébastien : Il y a de plus en plus de moyens métrages qui se font. Il y en a trois cette année aux César (« Bambi », « Avant que de tout perdre » et « Marseille la nuit »). Obtenir cette reconnaissance, c’est super.

Karim : Quand tu fais un court ou un moyen, ce n’est pas un schéma habituel de production et de diffusion. On est hyper heureux de la vie du film. C’est un film d’énergie qui s’est fait sur beaucoup d’efforts. Parfois dans le cinéma, il faut le dire, on est heureux, on prend des petits plaisirs ! (…) La nomination aux César, c’est la réussite de tout le monde, c’est un immense honneur de partager cette joie. Tout le monde a donné le maximum de soi-même. Jouer avec Charif et voir le film arriver là, c’est de la bombe atomique ! On en a tous chié et on est aux César ! C’est de la joie, putain ! On est happy !

Propos recueillis par Katia Bayer

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Vincent Mariette : « Pour « Les Lézards », j’étais parti sur un truc beckettien, donc absurde, sur deux types qui attendent un truc qui ne vient jamais »

Après deux courts métrages déjà bien aboutis, « Le meilleur ami de l’homme » et « Double Mixte », Vincent Mariette est nommé aux César dans la catégorie « Meilleur Court Métrage » avec son troisième film, « Les Lézards ». Retour avec lui sur son parcours et ses projets.

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Peux-tu nous parler de ta formation à La Fémis et de ton premier court métrage « Le meilleur ami de l’homme » ?

Je voulais travailler dans le cinéma. La Fémis étant une école publique, je me suis dit que c’était le seul moyen pour y parvenir. J’ai tenté le concours d’entrée en scénario car c’était le plus simple pour moi : il n’y a pas de connaissances techniques à avoir. Mais je l’ai raté deux fois avant de l’avoir ! J’ai finalement intégré l’école et n’ai fait qu’écrire pendant les quatre ans de scolarité : on écrit environ cinq longs dont un en anglais et des courts divers et variés dont certains sont réalisés par les élèves réalisateurs. Je me suis rendue compte que je ne m’étais pas trompé de filière. Mais au fond je crois que j’ai toujours voulu être réalisateur.. sauf que je n’osais pas me l’avouer.

En sortant de l’école, un camarade producteur m’a demandé si je n’avais pas un court métrage pour la collection Canal. Les films du Worso où il travaillait voulaient se relancer dans les courts métrages. J’avais écrit le scénario du « Meilleur ami de l’homme » pendant ma scolarité, et même si le film n’a pas été écrit spécialement pour Jules-Édouard Moustic, j’ai été pris. J’ai réécrit le scénario et ce qui m’a vraiment motivé c’est quand Noémie Lvovsky a accepté de faire le film : c’est une personne que j’admire et je ne voulais pas la décevoir.

Ton deuxième court métrage, « Double Mixte », est assez différent du premier…

Je pensais à ces films des années 70 comme « L’épouvantail » ou « Macadam Cowboy ». Je voulais faire un film sur l’amitié dans un registre plutôt comique : dans « Double Mixte » c’est un témoin sous protection qui est protégé par un flic complètement incompétent. Ce qui m’amusait, c’était de travailler les personnages.

« Les Lézards » se démarque aussi des deux premiers courts métrages. Il s’agit d’un huis clos en noir et blanc qui se déroule dans un hammam. Comment le projet est-il apparu ?

Je suis intervenant à La Fémis auprès des premières années en scénario depuis quatre ans. Une année, on devait écrire des exemples de scénario : parmi les choix il y a avait un décor de salle de bain que j’ai interprété au départ comme étant un sauna. C’était une sorte de brouillon des « Lézards ». J’étais parti sur un truc beckettien, donc absurde, sur deux types qui attendent un truc qui ne vient jamais. C’était très radical, il n’y avait pas d’interaction entre les personnages mais c’était un bon exercice de mise en scène pour les élèves. Un an plus tard, j’ai réécrit le scénario un peu comme un défi : je voulais trouver des chevilles scénaristiques permettant de ne pas s’ennuyer tout en parlant de l’ennui et de l’attente. J’avais des désirs de mise en scène comme mettre un reptile ou une jolie femme aux seins nus. J’ai travaillé le scénario autour de ça. Les financements sont arrivés vite : j’ai eu la chance d’avoir de l’argent de Canal qui avait déjà aimé mes deux premiers courts et puis on a eu une région, et c’était parti !

Pourquoi avoir opté pour le noir et blanc ?

Pour trois raisons. Spontanément, j’ai vu le film en noir et blanc : j’ai essayé de comprendre pourquoi. Comme les corps sont quasiment nus, je ne voulais pas de crudité, je voulais que ça reste beau et que ça statufie un peu les personnages. Le noir et blanc permet cette mise à distance, ne serait-ce que par rapport à la fille qui joue seins nus. Je trouvais plus élégant de ma part de la filmer en noir et blanc que de la filmer en couleur même si la lumière peut être très belle et travaillée. Par ailleurs, je voulais que le film glisse doucement vers le lyrisme et j’avais l’impression que le noir et blanc pouvait permettre ça. C’est encore une mise à distance et ce ne sont que des intuitions. À mes yeux, ça permet de tendre vers un ailleurs. Enfin, je voulais vraiment filmer la vapeur dans le hammam, avec le noir et blanc on la ressent mieux, il y a plus de matière.

Tes films sont souvent très musicaux. Peux-tu nous parler du choix des musiques dans tes courts métrages ?

Sur « Le meilleur ami de l’homme », j’ai utilisé des chansons de Christophe. Le film se déroule dans un bistrot de gare ou de quartier : je voulais une musique crédible et qui me plaise en terme de texture. Christophe est un chanteur populaire français qui est assez pointu musicalement : c’est un entre-deux qui m’intéressait, c’est-à-dire que c’était beau et crédible.

Sur « Double Mixte », j’ai fait appel à un compositeur pour quelques morceaux et sinon il y a du classique Fauré et Mozart. Là j’avais en tête les films de Bertrand Blier, particulièrement « Préparez vos mouchoirs » et « Trop belle pour toi », dans lequel il y a beaucoup de Schubert.

Dans « Les Lézards », il y a un morceau qu’on a pris dans le film « Aguirre » de Herzog : il y a un glissement vers le lyrisme qui me plaisait bien. Et puis il y a la musique de fin qui ne correspondait pas ce que je voulais au départ ! J’avais envie d’une musique de Michael Nyman, le compositeur des films de Peter Greenaway. Mais cela n’a pas été possible. On a donc cherché autre chose avec l’aide d’un conseiller musical qui m’a proposé ce morceau (« Truth » d’Alexander) qui a une connotation un peu western et qui glisse aussi vers la légèreté. Je crois que ça fonctionne bien même si c’est un choix « par défaut » : tout le monde me parle de cette musique.

Où en es-tu sur ton projet de long-métrage ?

« Tristesse Club », sera fini fin mars. Il s’agit de mon projet de fin d’études de La Fémis qui a été très modifié ! Il parle de deux frères (interprétés par Laurent Lafitte et Vincent Macaigne) qui se retrouvent dans une ville perdue à l’occasion des funérailles de leur père. Et là ils rencontrent une jeune femme (Ludivine Sagnier) qui se présente comme étant leur demi-sœur. C’est donc l’histoire de ce trio qui va essayer de comprendre ce qu’il se passe entre eux. C’est une enquête qui n’en est pas une !

Penses-tu refaire des courts après ce film ?

J’ai assez envie d’en refaire, ne serait-ce que pour avoir le temps de tenter des trucs. C’est un terrain d’expérimentation. C’est un format qui me plait beaucoup.

Pour finir, peux-tu nous dire quels sont tes coups de cœur court et long ?

Pour les longs, je dirais « Conversation secrète » de Francis Ford Coppola. Et pour les courts, je pense à « Avec Amour » de Christophe Régin, un film de 2012 très original et très beau. On suit un personnage féminin, une actrice porno, qui se pose des questions. Le réalisateur a une patte, une vision et il y a du cinéma dans ce film !

Propos recueillis par Géraldine Pioud

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Marseille la nuit de Marie Monge

Après un important parcours en festival (Angers, Vendôme, Belfort, Pantins, entre autres) et plusieurs distinctions reçues (dont deux prix d’interprétation pour son acteur principal Karim Leklou), le film « Marseille la nuit » de Marie Monge se retrouve aujourd’hui en lice pour le César du meilleur court-métrage. L’occasion de revenir sur cette chronique amère de la vie provinciale, portrait d’une jeunesse en déroute ne sachant plus vers quels horizons se tourner.

La scène d’ouverture annonce d’emblée la couleur : confinés dans l’habitacle exigu d’une cabine téléphonique, deux larrons enchaînent les appels, faisant la promotion virale de concerts et de matchs de foot. Les lascars se prénomment Teddy et Elias, la vingtaine passée, gouailleurs petits bras à l’affût de la moindre arnaque facile. Ainsi, le récit ne nous épargnera pas certains lieux communs rattachés au « film-banlieue » (le deal de drogues et autres trafiques périphériques, un ancrage social difficile et ostracisant). Si le film nous embarque sur des chemins balisés, la réalisatrice sait néanmoins tirer le meilleur des contraintes du genre, s’autorisant même quelques bifurcations bienvenues du côté du film d’action.

« Marseille la nuit » trace l’itinéraire chaotique de Teddy, jeune lascar de Limoges multipliant les petits larcins avec son ami de toujours, Elias. Les deux compères rêvent de réunir assez d’argent pour migrer vers la grande ville, Marseille, eldorado des banlieusards en mal de reconnaissance. Le film déroule le récit d’une « bromance » scorsesienne classique, avec ce couple de malfrats à la petite semaine jouant à des jeux virils, dissimulant un malaise et une frustration qui mèneront à un inéluctable éclatement de violence dès lors qu’une jeune femme, Mona, s’immiscera dans leur petit monde. La jeune femme, électron libre et insaisissable, posera sur ces deux hommes un regard nouveau qui les poussera dans leurs retranchements jusqu’à la séparation finale.

Marie Monge orchestre ainsi une montée en puissance très efficace de la tension entre ses différents protagonistes, culminant dans une séquence de course poursuite dans une gare justifiant à elle seule un dispositif de mise en scène assez convenu dans les deux premiers tiers du film. Si la caméra à l’épaule et ce régime de filmage sont presque devenus une convention dans la production de courts-métrages actuelle, on salue ici son utilisation maîtrisée grâce au travail du chef-opérateur et cadreur Boris Levy.

Mais la qualité principale de « Marseille la nuit » tient dans sa révélation d’un acteur, Karim Leklou, véritable boule de nerfs canalisant l’attention tout le long des quarante minutes que dure le film. L’interprète de Teddy, dont la masse corporelle impressionnante dispute à son regard d’enfant perdu une caractérisation trop hâtive, convainc de bout en bout dans ce rôle de gros nounours capable d’accès de violence. Les deux prix d’interprétation obtenus au festival Premiers Plans d’Angers puis à Côté Court en 2013 ont confirmé l’enthousiasme suscité par cet acteur plus que prometteur, pour qui les portes du long-métrage semblent déjà grandes ouvertes (un second rôle dans « Les Géants » de Bouli Lanners en 2011 et dans le plus récent « Suzanne » de Katell Quillévéré en attestent).

Marie Monge révèle à la fois un comédien et un talent certain de direction d’acteurs avec ce court-métrage. Il y a fort à parier qu’en continuant de creuser des thématiques personnelles et pour peu qu’elle se détache de références un peu pesantes, elle nous réserve de vrais surprises pour la suite.

 Marc-Antoine Vaugeois

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Article associé : l’interview de l’équipe du film

M comme Marseille la nuit

Fiche technique

Synopsis : Elias et Teddy ont toujours été amis. À 25 ans, ils traînent, dealent un peu, et s’imaginent les rois de leur tout petit monde. Et puis un jour, c’est sûr, ils quitteront Limoges pour Marseille et deviendront des hommes. Simplement un soir, lors d’une énième fête, leur rencontre avec Mona va précipiter les choses.

Genre : Fiction

Durée : 40′

Pays : France

Année : 2013

Réalisation : Marie Monge

Scénario : Marie Monge, Julien Guetta

Image : Boris Levy

Son : Mathieu Villien

Montage : François Quiqueré

Interprétation : Karim Leklou, Charif Ounnoughene, Louise Monge

Production : 10:15 ! Productions

Articles associés : la critique du film, l’interview de l’équipe du film

La Fugue de Jean-Bernard Marlin

Après avoir raflé de nombreuses récompenses en festival, notamment le prestigieux Ours d’Or à la Berlinale 2013, La Fugue de Jean-Bernard Marlin concourt aujourd’hui pour le César du meilleur court métrage.

Dans cette fiction tournée comme un documentaire, caméra à l’épaule, toujours en mouvement, qui ne sait se poser que pour suggérer l’attente avant un nouveau départ, le réalisateur porte son regard sur un duo tout en tension : Médina Yalaoui, une adolescence en colère, le matin de son jugement au tribunal pour un délit, et Adel Benchérif, son éducateur autoritaire et bienveillant qui l’accompagne à son procès.

C’est un moment de vie suspendu où tout peut basculer. Et tout bascule. Elle, comme un oiseau tombé du nid, sans repère, décide sur un coup de tête de fuir le tribunal et ses conventions sans même attendre le verdict. S’en suit une fugue, brève, dans Marseille. Dans un montage au rythme soutenu, on focalise alors sur la recherche de la jeune fille par son éducateur démuni et dans l’incompréhension.

C’est toute l’ambivalence de la relation ado en rupture/éducateur qui est traitée ici. L’attachement est fort mais la confiance ne tient qu’à un fil dans ces vies qui ne sont au départ liées que par l’institution qui a punis les délinquants.

Dans La Fugue, il n’y a qu’un comédien professionnel, l’éducateur magistral d’ailleurs dans son interprétation. Les jeunes sont tous des amateurs empreints de toute la spontanéité et la violence de leur âge. On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. Dans ce microsome que nous montre Jean-Bernard Marlin, ces jeunes sont insaisissables, Sabrina est perdue quand il la filme au milieu du monde la justice. À l’opposé, lui est calme, cadré, posé dans les séquences au tribunal mais semble presque perdre pied quand il la recherche dans le quartier des jeunes…

Le réalisateur saisit ici les impressions, les émotions dans les visages des personnages, toujours filmés de biais, très proche de leurs visages comme pour ne pas se poser frontalement en juge de leurs dires. On suit littéralement l’action avec une caméra qui est toujours située à l’arrière du duo. Ce film était au départ pensé comme un documentaire selon les propos du réalisateur, et cela se ressent dans ce qui est devenu une fiction à vif. Marlin dépeint une de ces réalités toutes proches, de ces fêlures quotidiennes chez des ados fragiles.

Dans La Fugue, le réalisateur a su trouver d’intelligents ressorts de mise en scène pour proposer un récit touchant autour d’une relation compliquée entre une adolescente et son éducateur. Il s’agit presque là d’une histoire de passage de l’enfance à l’âge adulte pour cette jeune femme sans doute confrontée à l’un des premiers grands choix de vie : accepter de réparer ses erreurs passées ou fuir, toujours…

Fanny Barrot

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Article associé : l’interview de Jean-Bernard Marlin

F comme La Fugue

Fichte technique

Synopsis : Lakdar, éducateur dans un foyer pour mineurs délinquants à Marseille, accompagne au tribunal sa jeune protégée, Sabrina, jugée pour une ancienne affaire. Il part confiant, convaincu que leurs efforts seront récompensés.

Pays : France

Année : 2013

Genre : Fiction

Durée : 22’20

Réalisateur : Jean-Bernard Marlin

Scénario : Jean-Bernard Marlin

Image : Julien Poupard

Son : Laure Allary

Montage : Nicolas Desmaison

Interprétation : Médina Yalaoui, Adel Bencherif

Production : Les Films de la Croisade

Articles associés : la critique du film, l’interview de Jean-Bernard Marlin

César 2014

Ce vendredi 27 février 2014, aura lieu la 39ème cérémonie des César. Pour suivre de près la production annuelle de courts métrages français et être présent dans deux Comités de présélection de l’Académie (courts métrages et animation), Format Court vous propose de revenir aujourd’hui et demain sur les cinq nommés dans la catégorie des courts et sur les deux films retenus pour le César du Meilleur film d’animation.

cesar

Retrouvez dans ce Focus nos nouveaux sujets :

Mais également nos articles déjà parus, en lien avec les films nommés aux César :

Meilleur Film de Court Métrage

Meilleur Film d’Animation

Festival Côté Court, dernière ligne droite pour les inscriptions !

La 23ème édition du Festival Côté Court se déroulera du 11 au 21 juin 2014 à Pantin en Seine-Saint-Denis. Qu’on se le dise : les inscriptions pour les compétitions fiction et expérimental-essai-vidéo d’art sont prolongées jusqu’au 28 février 2014.

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Les modalités d’inscription sont les suivantes :

– Inscrivez-vous sur la plateforme générale du film court : http://www.filmfestplatform.com

– Puis envoyez vos films au festival avant le 7 mars

Infos : http://www.cotecourt.org/pages/inscrire_un_film.php

Festival CourtsCourts, appel à films

Loin des circuits de diffusion commerciaux, le Festival CourtsCourts, à Tourtour (un village du Haut Var), récompense depuis plusieurs années la jeune création et cherche à transporter le public dans des univers multiples, passionnés et originaux. Pour sa cinquième édition, ayant lieu du 24 au 26 juillet 2014, le festival lance son appel à films jusqu’au 25 mai.

festival-courtscourts

Sont recherchés :

– Des courts métrages français et internationaux de tous genres : fiction, documentaire, expérimental ou animation, d’une durée maximale de 20 minutes à peu près pour la compétition officielle, et de moins de 10 minutes pour les courts métrages pour enfants (4 à 12 ans) du prix des Pitchouns.

– Des films sans paroles, francophones, ou en V.O. sous-titrés en français. Pour d’autres langues, contacter l’association (festivalcourtscourts@gmail.com ou tel: 06 63 66 23 31)

Téléchargez le règlement et la fiche d’inscription

Pour plus d’informations : www.festivalcourtscourts.fr

A Tropical Sunday de Fabian Ribezzo

C’est un dimanche habituel pour Lis, Babu, Gito et Nino, enfants des rues de Maputo. Alors que la fête foraine bat son plein, ils font la manche, espérant récolter quelques piécettes pour pouvoir profiter à leur tour des attractions du parc. Sélectionné en compétition internationale à Clermont-Ferrand, « A Tropical Sunday » de Fabian Ribezzo dresse un portrait sans fard des conditions de vie de nombreux enfants au Mozambique.

Pour survivre, les quatre gamins vident les restes de nourriture laissés nonchalamment sur les assiettes des badauds venus en famille prendre du bon temps tout en regardant avec envie les chanceux dans les auto-stoppeuses. Mais quand c’est l’heure du concours de danse, Lis pousse ses comparses à une course contre la montre pour trouver en un temps record un costume qui permettra à l’un d’entre eux de monter sur scène. Du borsalino aux chaussures en passant par la ceinture et les chaussettes peintes à même les chevilles, toute la panoplie du grand Michael Jackson est ainsi subtilisée habilement à quelques visiteurs. Le petit danseur peut dès lors se déhancher sur un Beat it remixé à la sauce du coin, enflammant la petite assemblée et raflant le prix qui permet le tour de manège tant attendu.

L’intérêt du film de Fabian Ribezzo réside dans la façon dont il pose des contrastes, celui des riches et des pauvres, celui du monde des adultes qui se confronte sensiblement à celui des enfants. La réalité non sublimée est cependant mise en scène dans une sorte de fable des temps modernes. Les acteurs, non professionnels, plus vrais que nature, semblent cependant sortir d’une comédie sociale et la caméra de Ribezzo aime à les suivre en y relevant les tonalités pâles et chaleureuses de leur quotidien. Une comédie douce-amère au rythme bien senti.

Marie Bergeret

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T comme A Tropical Sunday

Fiche technique

Synopsis : Maputo, Mozambique. Lisa, Babu, Gito et Nuno vivent dans la rue. Le dimanche, ils passent leur journée à la fête foraine, espérant resquiller un petit tour de manège.

Genre : fiction

Durée : 14′

Pays : Mozambique

Année : 2012

Réalisation : Fabian Ribezzo

Son : Montage : Eduardo Serrano

Musique : Roland Pickl

Production : Silvia Bottone e Fabian Ribezzo

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Olivier Smolders : « L’image fascine et, à ce titre, il conviendrait de se méfier d’elle. Dans « fasciner » il y a presque « fascisme ». Cette étymologie fantaisiste raconte quelque chose »

Grand Prix Labo en 2010 avec son film « Petite Anatomie de l’Image », Olivier Smolders était de retour cette année au Festival de Clermont, en Labo, avec un film enquête fascinant, « La Part de l’Ombre ». Découvrez à travers cette nouvelle œuvre un auteur passionnant et radical, soucieux d’explorer notamment les problématiques liées à la représentation de l’image au cinéma et dans la photographie.

Photo Olivier Smolders

« La Part de l’Ombre », votre nouvelle œuvre, utilise la forme du documentaire d’archives et de l’enquête avec reconstitution pour raconter l’histoire mystérieuse et tragique d’un photographe hongrois, Oskar Benedek, tout en distillant un doute, pendant toute la durée du film, quant à la véracité de ce récit. Comment vous est venue l’idée d’un tel portrait « imaginaire » ?

Le film est né de deux désirs : celui de porter à l’écran des images que j’aime beaucoup, celles de Jean-François Spricigo, et par ailleurs celui de travailler à partir d’une ébauche de nouvelle que m’avait proposée Thierry Horguelin : l’histoire d’un photographe qui efface le monde en le photographiant. Oskar Benedek naît du croisement de ces deux éléments, l’un visuel, l’autre narratif.

Comment s’est passé le travail d’écriture avec Thierry Horguelin, notamment sur la structure formelle du récit ? Était-ce un défi de réaliser un tel film, avec tout le travail de contextualisation du réel à créer ?

Le pari de départ – non tenu – était de faire un film entièrement de photographies, à la manière de « La Jetée ». Puis est venue l’idée d’un récit en forme de sous-dossiers contenant des archives qui se complèteraient et se contrediraient les unes les autres, de façon à former un récit à la fois clair et complexe. La reconstitution historique faisait partie du jeu, même si la volonté de créer un leurre ne nous est jamais apparue comme une fin en soi. C’est seulement un dispositif pour mettre le spectateur dans une certaine disposition d’esprit. Finalement, la question de savoir si Benedek a vraiment existé importe assez peu. Au cinéma, tout est fiction. Si je fais un film sur Rimbaud, je crée un personnage qui s’appelle Rimbaud, un personnage qui n’a sans doute qu’un lien très éloigné avec le Rimbaud historique.

La frontière entre réalité et fantasme est très fine dans ce film et vous faites preuve d’une grande virtuosité pour brouiller les pistes. Comment avez-vous procédé pour ancrer cette histoire dans un réalisme historique aussi précis et détaillé ?

À partir du moment où le contexte fait croire qu’une image ou un récit correspond à la réalité, le spectateur s’arrange le plus souvent pour occulter les éléments incohérents ou extravagants. Les faussaires ont de tous temps compris que l’accumulation de détails joue comme autant de preuves d’authenticité. Sans compter que le réel lui-même est souvent incroyable. Dans « La part de l’ombre », les éléments les moins crédibles sont les plus vrais, notamment le rôle joué par ce médecin autrichien dans une clinique à Vienne pendant la guerre. Mais, une fois encore, cette question du référent, de l’authenticité, est assez secondaire. Si le film met en péril l’image en tant que pièce à conviction pour saisir le réel, c’est surtout pour interroger la question de l’art lui-même, de l’usage qu’on peut en faire, de sa violence légitime ou coupable, de l’effrayante liberté qui est la condition même de son existence.

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Pouvez-vous nous parler de votre collaboration artistique avec Jean-François Spricigo ? Comment avez-vous fonctionné ensemble pour donner vie aux photos du fameux photographe hongrois ?

Nous nous connaissons depuis longtemps et avions envie de travailler sur un projet de film de photographies. Une partie des images préexistaient au film. La plupart d’entre elles ont été faites en suivant le scénario, exactement comme si c’étaient des plans d’un film, en redoublant parfois la prise de vue avec du super 8. Il fallait donc à la fois réaliser un travail de réécriture de différents moments de l’histoire de la photographie et, par ailleurs, que Jean-François poursuive son travail de création originale, en y intégrant parfois des motifs qui ne lui étaient pas nécessairement familiers. Nous avons des univers très différents l’un de l’autre mais en même temps des goûts, des partis pris artistiques et des frayeurs communs. Pendant ce tournage, j’ai été impressionné par la façon dont il travaillait, allant toujours à l’essentiel, ne multipliant pas les prises de vue, maîtrisant parfaitement le support argentique dont il ne se départit pas.

En regardant « La Part de l’Ombre », on pense à plusieurs de vos œuvres précédentes, notamment « Pensées et visions d’une tête coupée », qui était le portrait imaginaire d’un peintre, mais aussi « Seuls », à cause des terribles images d’enfants opérés. Plusieurs obsessions personnelles (représentation de la mort, réflexion sur la beauté, …) se retrouvent également dans le film. Pouvez-vous nous en dire plus sur les obsessions et réflexions qui baignent vos œuvres et spécialement celle-là ?

C’est une idée reçue qui a sa part de vérité : au-delà des différences factuelles entre chaque œuvre, un écrivain écrit toujours le même livre, un peintre reprend toujours le même tableau, un réalisateur fait toujours le même film. Ce n’est en soi pas très étonnant car le travail de création consiste souvent à approcher par cercles concentriques un objet obscur, propre à chaque auteur, le plus souvent impossible à définir avec des mots. Cet objet inatteignable semble tourner sur lui-même et renvoyer de film en film ou de livre en livre, des éclats différents de lumière. Tenter de l’approcher, c’est une manière de se poser des questions sur ce que nous sommes et ce qu’est le monde qui nous entoure. Si chacun mobilise dans son travail un vocabulaire personnel, un ensemble de motifs repérables, c’est moins par obsession que par tentative de restreindre le champ d’investigation. Que les uns travaillent plutôt le motif des fleurs et les autres les cadavres ne change au bout du compte pas grand chose. Il y a des fleurs mortifères et des cadavres charmants.

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Une thématique importante transparaît au détour de quelques phrases du journal intime de Benedek comme « Je photographie pour effacer, détruire » ou encore « La photographie tue ». De plus, le photographe se prend lui-même pour modèle vers la fin du film et se sent disparaître petit à petit. L’accroche du titre l’évoque aussi : « Film en voie de disparition ». Pouvez-vous nous en dire plus cette idée de disparition grâce à/à travers l’art ?

On a beaucoup répété cette idée que la photographie sert à embaumer le temps, à garder le souvenir et donc à redonner un peu de vie au passé. Cet usage consolatoire, déniant la mort tout en la confirmant, peut être contesté : la photographie est aussi bien un acte de vie, de relation entre les personnes, de création du monde nouveau, inattendu, qui ne préexisterait nulle part. Dans les deux cas, mélancolique ou optimiste, la photographie est une arme qui nous protègerait de la dureté du réel. Et s’il en était autrement ? Et si l’image était au contraire destructrice du passé comme du présent, mangeuse d’imaginaire, de relation, de vie ? Parce qu’elle ment, parce qu’elle réduit le réel, parce qu’elle fige absurdement les choses. La question mérite d’être posée, en ces temps ou des millions d’écrans dans le monde vomissent en permanence des milliards d’images. L’image fascine et, à ce titre, il conviendrait de se méfier d’elle. Dans « fasciner », il y a presque « fascisme ». Cette étymologie fantaisiste raconte quelque chose.

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Sur ce film, vous avez travaillé avec Benoît Peeters et Bouli Lanners ? Pourquoi avoir fait appel à eux ?

« La part de l’ombre » est un film artisanal, fait soigneusement avec des bouts de ficelle, sur un coin de table, avec les amis qui voulaient bien y mettre leur grain de sel. Cela faisait longtemps que j’avais envie de tirer parti du physique singulier, un peu kafkaïen, de mon ami Benoît Peeters. Et puis est venue l’idée de solliciter, pour le rôle du complice de Benedek, la collaboration de Marcel Moreau qui est un écrivain belge de grand talent, ami de Jean-François Spricigo. Du coup, il fallait trouver une version rajeunie de ce personnage au physique impressionnant. Bouli étant le barbu le plus crédible et le plus sympathique que je connaisse, je lui ai proposé de s’y coller, ce qu’il a fait sans ciller !

La Part de l’Ombre nous a beaucoup fait penser à ce que faisait Jean-Teddy Filippe, avec sa série des Documents Interdits. Est-ce que cela a été une source d’inspiration pour vous ou avez-vous eu d’autres références ?

Oui, ses « documents interdits » font référence en la matière. « Opération Lune » de William Karel m’a aussi inspiré. Et après avoir revu dernièrement « Sans soleil » de Marker, j’ai lu la biographie du cameraman soi-disant auteur des lettres lues dans le film, un certain Sandor Krasna, né en 1932 à Kolozswar et ayant étudié le cinéma à … Budapest ! Il est fort possible qu’il y ait croisé la route d’Oskar Benedek. Ces deux-là devaient avoir des choses à se dire…

Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Je termine un film d’une vingtaine de minutes, ayant comme titre « La légende dorée ». Il combine une collection d’histoires extravagantes : assassins célèbres, monstres de foire, pétomanes, cannibales, aventuriers délirants ou anachorètes suicidaires. Bien que tous ces personnages aient vraiment existé, le narrateur du film ne fera pas toujours la part, comme dans l’œuvre de Voragine, entre l’Histoire et l’affabulation. Cette « légende dorée » portera le sous-titre « film sphérique », en hommage à Eisenstein qui rêvait d’un livre ou d’un film qui aurait pu se lire en partant de n’importe quel point pour arriver en n’importe quel autre.

Propos recueillis par Julien Savès

Retrouvez prochainement la critique du film

P comme Pork & Luna

Fiche tehnique

Pork&Luna

Synopsis : Luna est shampouineuse dans un salon de coiffure. Elle vit chez son copain Jiabao et sa mère, une femme tyrannique qui travaille dans une usine de traitement de viande porcine. Son patron l’aime bien, mais il se méfie de Jiabao.

Genre : Fiction

Durée : 28’30 »

Pays : Chine

Année : 2013

Réalisation : Xiaoyu Du

Interprètes : Guo Yue, Ai Liya

Photographie : Wang Yuhan

Musique : Guo Wenpenghao, Feng Shi

Montage : Zhu Liyun, A Siya

Production : Ning Kaiwen

Article associé : la critique du film

Pork & Luna de Xiaoyu Du

En compétition internationale du festival de Clermont Ferrand était présenté cette année le film de Xiaoyu Du, « Pork & Luna », mettant en scène la cohabitation houleuse d’une jeune fille et de sa belle-mère.

En Chine, une femme travaille dans une usine de viande porcine. Dans une brève scène d’exposition, défilent les corps entassés des cochons encore vivants, puis les morceaux de viande crue dépecée dans l’atmosphère glacée des locaux. La scène suivante dénote largement : dans un salon de coiffure, Luna, délaisse son client la tête moussue de shampoing pour aller rejoindre son copain Jilbao, venu la chercher en moto. Cela commence comme une fugue amoureuse, une échappée belle. La légèreté de la jeunesse se défie du monde adulte… pour atterrir chez la mère de Jilbao, austère et tyrannique. Le caractère de la mère semble contaminé par son mode de vie, par la violence du travail à l’usine, de la chair malmenée. Les amoureux n’en ont cure, et l’insolence de leur bonheur s’agite face à sa solitude.

Pork&Luna

Cette entrée en matière se révèle n’être que fausse piste : très vite Jilbao disparaît mystérieusement. Luna et sa belle-mère vont devoir se supporter dans une étrange atmosphère d’attente et de confrontation. Chacune voit en l’autre un mode de vie écœurant, avilissant. Elles sifflent comme des chats et leur comportement animal prend des airs de lutte de territoire. La trivialité de leurs affrontements relève d’un dégoût viscéral : rejet des dessous féminins, intrusion dans l’intimité de la douche ou des toilettes. La promiscuité dans toute son horreur : l’odeur de l’autre devient intolérable, puisqu’elle vous rentre dans le corps sans crier gare.

Pourtant, selon un schéma bien connu, l’hostilité est faite de projection et d’identification, et la ressemblance entre les deux femmes se dessine progressivement, tout comme le double jeu du fils. L’intimité de la caméra épaule et son cadre vivant, le mélange entre champs/contrechamps et plans d’ensemble modèlent une symétrie d’opposition puis se muent subtilement en symétrie associative. Le ton âpre du film se dissout. L’inquiétude et l’entraide font jaillir des liens ténus de complicité et l’empathie des corps. Les deux femmes s’apprivoisent, se soutiennent et se découvrent.

Quand le fils revient, une autre fille au bras, on ne sait laquelle des ruptures est la plus difficile… La mère et Luna prises dans la répétition d’une trahison amoureuse ne s’en ressemblent que plus.

Juliette Borel

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I comme I Love You So Hard

Fiche technique

Synospis : Joel aime Jacqui très, très fort. Espérant la conquérir, il exprime son amour en lui énumérant tout ce qu’il est prêt à faire pour elle. Mais comme il est complètement détraqué, tout cela n’est pas très ragoûtant – des histoires de vessie pleine de miel, de combats aériens de rhinocéros…

Pays : Royaume-Uni

Genre : Animation

Durée : 4’25 »

Année : 2013

Realisation : Ross Butter

Scénariste : Joel Veitch

Son : Joel Veitch

Musique : Edward Snow

Interprétation : Joel Veitch

Producteur : Joel Veitch

Article associé : la critique du film

I Love You So Hard de Ross Butter

Présentée cette année dans le programme Labo à Clermont-Ferrand, cette petite histoire d’amour a décrispé les sourires de nombreux spectateurs du festival. S’il n’a ramené aucune récompense officielle de la capitale auvergnate, « I Love You So Hard » aura brillamment contribué au très bon cru 2014 de la sélection Labo.

Aux commandes de cet objet animé, deux hommes qui se connaissent bien : Joël Veitch, scénariste, et Ross Butter, réalisateur. Ces amis et partenaires de travail ont souvent eu l’occasion de travailler ensemble avant la réalisation de « I Love You So Hard », notamment dans le cadre de leurs études à l’Edinburgh College of Art et il semblerait que ce travail bicéphale leur réussisse.

Entre le trait graphique très extrême de Butter et l’écriture sans concession, brutale et imagée de Veitch, les films qui jaillissent de leur travail sont autant de délires hallucinants et vifs. « I Love You So Hard », une animation en 2D, propose un dessin assez simple qui place au premier plan les deux protagonistes : un homme follement éperdu d’une femme plus réservée sur ses propres sentiments. Pour conquérir son cœur, il déploie des prouesses d’imagination toutes plus scabreuses et détonantes les unes que les autres.

Car c’est bien de cela dont il s’agit : une passion folle ! Le film réalisé dans une énergie furieuse dépeint la quête amoureuse d’un homme littéralement prêt à tout pour séduire l’élue de son cœur. En transformant le jeu de séduction en une traque fantasque et effrayante, le décalage proposé dans le film est délicieusement jouissif. Ici, les classiques cadeaux tels des bouquets de fleurs deviennent des dons d’organes, les chocolats de l’urine au miel… Un peu gore, assez trash, l’amour n’a plus rien d’une ode romantique…

ILYSH2

Pour compléter les ressorts narratifs comiques du film, Butter et Veitch ont également imaginé une voix particulièrement stridente – interprétée par le scénariste – pour ce personnage masculin qui en devient encore plus stressant et agressif. L’homme hurle sa passion dans une sorte de transe grotesque et inappropriée, rythmée par la récurrente phrase : « Oh, I love love you, I love you so hard ! »

Largement inspiré de la propre histoire du scénariste, celui-ci explique volontiers que le film s’ancre dans ce qu’il a vécu quand il a rencontré sa femme. L’amour pour lui était tellement évident et pour elle tellement peu présent qu’il a vécu à cause de ce décalage de sentiments des situations plutôt cocasses.

Délicieusement irrévérencieux, ce court métrage n’est rien d’autre qu’une comédie, simple, peut-être presque simpliste. Le film n’ouvre pas spécialement sur une grande réflexion intellectuelle. En revanche, le public ne boude en aucun cas ce plaisir facile qu’est de rire du ridicule et du grotesque présenté ici. « I Love You So Hard » fait partie de ces objets qu’on aime partager comme une bonne blague entre amis !

Fanny Barrot

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Short Screens #35 : de la Méditerranée

Près d’une mer toujours plus bleue dont les vagues transportent les secrets les plus lointains des paysages enchanteurs et d’une histoire ancienne, le bassin méditerranéen rassemble bon nombre de pays aux cultures et aux langues diverses. Pour sa 35ème édition, Short Screens revêt ses méditerranéennes parures et vous propose un petit tour à travers cinq contrées ensoleillées recelant dans leur écrin quelques bijoux cinématographiques venus de Turquie, du Maroc, d’Espagne, d’Italie et de Grèce ! Venez découvrir cette programmation fascinante, inspirée du Festival de court métrages méditerranéens de Tanger 2013 où Short Screens a eu la chance de faire partie du Jury.

Rendez-vous le 27 février 2014 à 19h30 au Cinéma Aventure, au 57 Galerie du Centre à 1000 Bruxelles. PAF 6€.

Un projet à l’initiative de l’asbl Artatouille et Format Court.

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PROGRAMMATION:

CAMOMILLE de Neritan Zinxhira / Grèce / 2012 / 15′

chamomile

Syn. : Elle est seule. La terre des vivants est loin, alors que le monde des morts sent la camomille.

BUHAR de Abdurrahman Öner / Turquie / 2012 / 12′

Buhar

Syn. : Une chambre sous un silence mortel. Une femme prépare le dîner à son mari. L’écho de la télévision. Une résolution finale, avec préjudice extrême, à des décennies d’hostilité dans la vie d’un couple…

I RAFI (LA COUTURE) de Sandra Fassio / Belgique / 2012 / 14′

i-rafi

Syn. : Anna coud les costumes de Nicolas depuis des années. Dans cet atelier, ils parlent grec, en souvenir du pays qu’ils ont dû fuir à l’époque de la dictature des colonels. Mais ils ne l’ont pas quitté pour les mêmes raisons. Ce soir Anna verra sa routine brisée par une nouvelle funeste, ce soir Nicolas saura pourquoi Anna ne l’a pas tué.

TERAPIA de Beatriu Vallès / Espagne / 2013 / 10′

terapia

Syn. : Emilia est une femme âgée. Elle vit seule, isolée, en laissant passer le temps. Jusqu´au jour où Miguel, un kinésithérapeute débarque dans sa vie.

MARGELLE de Omar Mouldouira / Maroc / 2012 / 29′

margelle

Syn. : A Boujaâd, bourgade marocaine ancestrale où mythes et légendes vont bon train, Karim, sept ans et fils unique de parents modestes, se débat avec ses peurs d’enfant et son désir pressant d’être un homme.

MATILDE de Vito Palmieri / Italie / 2012 / 10′

matilde

Syn. : Malgré sa timidité, Matilde est une petite fille à l’intelligence vive qui a de la suite dans les idées. Dans sa classe, quelque chose ne tourne pas rond. En s’appuyant sur les remarques de son professeur, elle utilisera à bon escient les objets de son environnement et trouvera un moyen drastique et original de retrouver la sérénité.