Festival International du court-métrage ZubrOFFka (Białystok, Pologne), du 4 au 8 décembre prochain

Le Festival International du court-métrage ZubrOFFka organise sa huitième édition du 4 au 8 décembre prochain à Białystok (est de la Pologne). Sa spécificité est de porter une attention particulière sur les courts-métrages d’Europe de l’Est et surtout d’attiser une curiosité pour les formats courts dans une région décentralisée frappée par la crise où peu d’événements culturels ambitieux trouvent leur place.

Des dizaines de films venus du monde entier sont répartis dans cinq compétitions; une compétition régionale Eastern Window, une autre dédiée aux films réalisés dans le reste du monde Whole Wide World, ainsi que trois autres sélections spécifiquement composées de films polonais : « Films Amateurs », « Films d’études » et « Films Indépendants ».

zubroffka

Le jury international est composé des membres suivants : Agnieszka Obszańska (journaliste pour la radio polonaise), Taisia Igumentseva (réalisatrice russe), Leszek Dawid (réalisateur polonais), Emma De Swaef (réalisatrice belge de films d’animation) et Mikołaj Wawrzeniuk (représentant de la télévision régionale).

Le public est convié à voyager autour du monde, à travers des films réalisés dans les pays suivants : Lituanie, Létonie, Bulgarie, Serbie, Slovaquie, Russie, Ukraine, Georgie, Espagne, Angleterre et même les Caraïbes.

D’autres sélections comptent parmi la programmation : « Documentaires Animés », « Visages de l’Islam », « Films nommés pour les Oscars », « Les Courts de Minuits », « Les Légendes du vieux Prague », « Films de science-fiction israéliens » et « Films Hollandais pour enfants ». La programmation est complétée par des ateliers artistiques et journalistiques, une exposition de bande-dessinée, des rencontres avec les cinéastes et des concerts.

Pour plus d’informations : www.zubroffka.pl

Les Brigands d’Antoine Giorgini

Lors du dernier Festival Paris Courts Devant, Antoine Giorgini s’est vu remettre le Prix Beaumarchais-SACD pour son film « Les Brigands », reconnaissance de ses pairs pour la qualité de son scénario. Un scénario qui, soulignons-le, avait déjà reçu le premier prix du Concours de l’Eure en 2012, prouvant que dès la première étape, Antoine Giorgini, avait su retenir l’attention.

Le résultat, un an après, est un film réussi qui surprend malgré une mise en scène classique mais qui fonctionne parfaitement. Tout repose en particulier sur cette histoire incroyable de deux ados voyous qui se donnent pour mission de sauver un animal non moins sauvage qu’un sanglier touché par un chasseur, alors qu’ils se sont réfugiés dans la forêt. Le réalisateur maîtrise parfaitement le retournement émotionnel de ces deux petites brutes ratées que sont Jimmy et Limo qui, à peine remises de leur fuite après un vol sur le parking d’un supermarché, s’attendrissent rapidement face à la bête blessée.

Il faut dire que les deux jeunes comédiens, Hugo Six (Jimmy) et Alexis Delaporte (Limo), qui interprètent les rôles principaux sont absolument géniaux et d’une justesse rare. En les regardant, on a une petite pensée pour Jean-Claude et Pierrot des « Valseuses » (Bertrand Blier).

Dans son film, Antoine Giorgini, ancien étudiant de l’INRACI (Belgique), réussit à mêler la comédie au film social sans jamais trop en faire, en s’éloignant des clichés sur la jeunesse. De par leurs imperfections, Jimmy et Limo, nous font rire et réfléchir à la fois, et surtout croire à leur désir aussi improbable de sauver un animal sauvage et dangereux.

« Les Brigands » est avant tout un film sur l’amitié, sur l’affection et le soutien qu’ont ces deux personnages l’un pour l’autre, sur ce lien qui se resserre notamment dans les emmerdes. C’est cette amitié plus forte que tout qui ne les séparera jamais quoi qu’il arrive.

La musique de Richard Rosefort vient amplifier ce sentiment, et là encore, ces quelques notes grattées à la guitare rappellent le thème principal des « Valseuses ». Antoine Giorgini a choisi de placer cette musique aux sonorités tragi-comiques précisément dans les moments où les deux voyous s’embarquent ensemble dans leurs décisions irraisonnées, voire dans leurs galères.

On vous souhaite en tout cas de croiser la route de ces brigands-là dans les prochains festivals car Antoine Giorgini nous offre un court-métrage frais et étonnant, ne serait-ce que pour constater qu’il est possible de dresser un sanglier ! À Format Court, en tout cas, le film plait : il fera partie de nos deux prochaines cartes blanches, offertes par le festival de Vendôme, en décembre, et par le magazine Bref, en janvier.

Camille Monin

Consulter la fiche technique du film

B comme Les Brigands

Fiche technique

Les Brigands 2

Synopsis : Après avoir commis des vols sur un parking, Jimmy et Limo, deux jeunes voyous, se réfugient dans la forêt pour semer leurs poursuivants. Sur leur chemin, ils vont croiser un sanglier blessé par balle. Jimmy s’ordonne la mission folle de sauver l’animal.

Genre : Fiction

Durée : 17’

Pays : Belgique, France

Année : 2013

Réalisation : Antoine Giorgini

Scénario : Antoine Giorgini

Image : Julia Mingo

Montage : Cyril Slobodzian

Son : Matthieu Roche

Décors : Anthony Tochon

Musique : Richard Rosefort

Interprétation : Hugo Six, Alexis Delaporte

Production : Entre chien et loup, Petit Film

Article associé : la critique du film

Christophe Taudière : « Quand on fait ce métier, c’est important d’être curieux et d’avoir envie de découvrir de nouveaux auteurs, de nouveaux films et de nouvelles visions de l’existence et du monde »

Responsable du pôle court métrage de France Télévisions et chargé de programme de l’émission « Histoires courtes » sur France 2, Christophe Taudière soutient la forme courte depuis dix ans. À l’occasion d’un autre anniversaire, celui des dix ans du festival Court Métrange, il évoque longuement les prix France 2 remis en festival, la notion de coup de coeur, l’éclectisme, l’image du court métrage, le suivi des jeunes auteurs et la mise en valeur du court sur  le web.

Interview : Katia Bayer

Image, montage :  HaikuProd’

César du court métrage 2014 : Projection des films présélectionnés

Deux séances ouvertes au public permettront ces samedi 30 novembre et 7 décembre de découvrir la totalité des courts métrages en lice pour les César 2014. Ces projections auront toutes les deux lieu au Balzac à 10h du matin.

Samedi 30 novembre 2013 : Sélection Officielle – 1ere partie

Avant que de tout perdre de Xavier Legrand (KG Productions)

– Lisières de Grégoire Colin (Filmo, Tsilaosa Films)

Les lézards de Vincent Mariette (Kazak Productions)

– Marseille la nuit de Marie Monge (10:15 Productions !)

– Bambi de Sébastien Lifshitz (Un Monde Meilleur)

Samedi 7 décembre 2013 : Sélection Officielle – 2e partie

La lampe au beurre de yak de Hu Wei (Ama Productions)

– Rétention de Thomas Kruithof (2425 Films)

Le monde à l’envers de Sylvain Desclous (Sésame Films)

– Argile de Michaël Guerraz (Les Films du Cygne)

– La fugue de Jean-Bernard Marlin (Les Films de la Croisade)

– La dernière caravane de Fouad Mansour (C’est à Voir)

Rodri de Franco Lolli (Les Films du Worso)

Infos pratiques

Cinéma Balzac, 1 Rue Balzac

75008 Paris (Métro : George 5)

Paris Court Devant, la sélection Bord Cadre

Parmi les différentes sélections de courts métrages ayant concouru au festival Paris Court Devant, celle des films Bord Cadre proposait cette année un florilège de dix films courts explorant des formes alternatives, flirtant régulièrement avec les codes du film de genre pour une série d’expériences visuelles et sensorielles à intérêt variable. Sur la dizaine de courts métrages sélectionnés, on remarque en premier lieu une prédisposition pour les univers sombres et mortifères, où les éléments fantastiques convoqués ouvrent autant de portes sur les visions macabres des réalisateurs. Ainsi, le film d’animation « Abyssus Abysum Invocat » de Wes Simpkins (USA) a recours aux techniques de stop motion pour donner vie à d’effrayantes marionnettes dans un monde cauchemardesque où trois figures de la justice (un juge, un procureur et un avocat) doivent délibérer du sort d’un malheureux condamné à la pendaison. Le soin apporté à la confection des personnages, aux décors et à l’ambiance sonore est remarquable, mais contribue à cloisonner le film dans une vision sans relief des dérives de la justice et de la religion pour en formuler une critique finalement vue et revue.

Ce qui me fait prendre le train

Dans un autre registre, le très ludique « Ce qui me fait prendre le train » de Pierre Mazingarbe (France), le réalisateur de « Les poissons préfèrent l’eau du bain », mélange différentes techniques d’animation (stop motion, morphing, compositing) avec des prises de vues réelles pour raconter le voyage d’Orphée dans le monde des morts. Le film charme dans un premier temps par sa représentation singulière de l’au-delà : un lieu où ceux qui sont passés de l’autre côté partagent leur temps en se livrant à différents jeux aux noms et règles improbables (le « lapin carotte », la « pétanque astronomique ») dans un cadre très british, soulignant au passage l’influence du cinéma de Wes Anderson. La photographie en noir et blanc léchée et l’utilisation habile de l’animation donnent au film un cachet immédiat, même si l’émotion nous gagne rarement durant les quinze minutes que dure le film. La faute à un récit trop opaque, où l’absence totale de psychologie des personnages pose problème et laisse au final trop de questions en suspens.

L’artiste pluridisciplinaire Rosto (France) nous invite également à plonger dans un univers sombre et torturé avec son court-métrage « Lonely Bones » que l’on qualifiera plus justement de « film musical » que de « clip ». La superbe bande-son composée par Rosto lui-même joue pour beaucoup dans la réussite du film puisqu’elle dicte le rythme du récit et lui confère une ambiance électrique d’une efficacité redoutable. En suivant le parcours d’un personnage perdu dans un monde en déliquescence et condamné au sacrifice lors d’un étrange rituel, le réalisateur libère un imaginaire baroque foisonnant en mélangeant à son tour les techniques d’animation et de prises de vues réelles.

On pourrait rapprocher l’atmosphère angoissante et le récit abstrait du « Domicile » de Maéva Ranaïvajaona (France/Allemagne) aux univers des courts-métrages précédemment cités, même si la mise en scène et l’esthétique de celui-ci flirte plus avec l’installation d’art contemporain qu’avec un emprunt franc aux codes du cinéma d’horreur ou fantastique. Le film raconte la lutte d’un jeune homme dans le décor froid et fonctionnel d’un appartement avec une entité étrangère entièrement recouverte de matière noire. Sans recourir à d’autres dialogues que la dichotomie (assez lourde) des deux corps mis face-à-face (celui de l’homme blanc, habillé et rigide contre celui de la créature nue, féminine et contorsionnée), le court-métrage peine à convaincre tant il semble rabâcher sans véritable point de vue des thèmes passe-partout. On retiendra néanmoins un remarquable travail de cadre, notamment sur les inserts du corps luisant de la créature desquels se dégage une étrange sensualité.

Pour changer, les trois derniers films de la sélection sont de réjouissantes surprises issues (encore !) du cinéma d’animation. Déjà chroniqué à plusieurs reprises sur le site, « Comme des lapins » de Osman Cerfon (France) est un court animé diablement efficace sur lequel on ne s’étendra pas mais dont on savoure toujours autant l’humour noir et la beauté graphique à chaque vision.

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On retrouve une même propension à l’humour noir dans le très drôle « Us » de Ulrich Totier (France/Belgique), petite machine comique extrêmement bien huilée mettant en scène un groupe d’autochtones primitifs dont la routine vas être perturbée par l’arrivée d’un rocher tombé du ciel. Dans une logique d’emballement incontrôlable, les personnages vont expérimenter avec l’objet en question à peu près tous les usages (lancer, casser, manger, construire…), provoquant les morts accidentelles et successives de chacun d’entre eux.

Terminons avec la plus belle utilisation de l’animation : le film « Braise » de Hugo Frassetto (France), préselectionné au César et entièrement animé avec du sable. L’action se déroule dans une soirée arrosée où un jeune homme fait la rencontre d’une fille un peu « allumeuse ». Autour d’eux, ça ne fait que parler, de sexe, d’amour, ça se jauge, se provoque, s’engueule dans une cacophonie qui habille la bande-son du film et le ballet de séduction muet des futurs amants. Le choix de l’animation avec du sable se révèle idéal pour représenter la sensualité des échanges entre les deux personnages : d’habitude, on jette le sable sur le feu pour l’éteindre. Ici, le mouvement des matières granuleuses devient le miroir de l’embrasement des sens et de la passion charnelle.

Une proposition formelle poétique et singulière rendant bien compte de la diversité et de la richesse de la sélection Bord Cadre, de loin le plus stimulant des programmes du festival Paris Courts Devant !

Marc-Antoine Vaugeois

Pour information, « Us » sera projeté à la séance anniversaire de Format Court, le jeudi 16/01/2014, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème), en présence de Julie Rousset, co-réalisatrice et co-scénariste

Paris Courts Devant 2013

La neuvième édition du festival Paris Courts Devant s’est achevée le 10 novembre, au terme de cinq journées rythmées par les projections, les rencontres, débats et autres masterclass proposés à un public fidélisé.

Fiction, animation ou documentaire, français ou international, les différentes sélections de films concourant dans la compétition du festival ont offert aux festivaliers l’opportunité de découvrir un panel de propositions cinématographiques variées. L’occasion de revenir sur les quelques surprises qui ont attiré le regard de Format Court.

2013 Affiche-Paris-Courts-Devant

Retrouvez dans ce focus :

– La critique de « Coda » de Ewa Brykalska (Belgique)

La critique de « Les Brigands » d’Antoine Giorgini (Belgique, France)

Paris Court Devant, la sélection Bord Cadre

Le palmarès de la neuvième édition

Paris Courts Devant 2013, le palmarès

Les différents jurys de la neuvième édition du festival Paris Courts Devant ont dévoilé leur palmarès le 10 novembre lors de la cérémonie de clôture au Cinéma des Cinéastes. Voici la liste des courts-métrages primés.

Palmarès

Grand Prix Paris Courts Devant : Little Darling, de Igor Mirkovic (France)

Prix du Public : Betty’s Blues, de Rémi Vandenitte (France/Belgique)

Prix du Jury : Le souffle court, de Guillaume Legrand (France)

Prix de la Presse : A story for the Modlins, de Sergio Oksman (Espagne)

Prix d’Interprétation : Medina Yalaoui et Adel Bencherif, La Fugue de Jean-Bernard Marlin (France)

Prix Musique au cinéma : Cargo Cult, de Bastien Dubois (France)

Prix des Cinéastes, Prix SACD – du rififi dans les écoles d’animation : Ascension, de T. Bourdis, M. de Coudenove, C. Domergue, C. Laubry, F. Vecchione (France)

Prix Beaumarchais – SACD : Les brigands, de Antoine Guirgini (France)

Prix TV5 Monde : Anaïs, de Julie Benegmos (France)

Prix du Jury étudiants : Efimera, de Diego Modino (Espagne)

Prix des Petits courts devant : L’héritage, de Michael Terraz (France/Suisse)

Prix des Jeunes Producteurs Indépendants : Ananas Spleen, de Guillaume Miquel (France)

Prix France 2, Histoires Courtes : Baby Rush, de Tigran Rosine (France)

Prix de la fabrique en série web : Remake, de Santiago Alejos, Sébastien Chamaillard et Jeremy Guetta

Cinébanlieue, le palmarès

La 8ème édition du Festival Cinébanlieue s’est terminée ce weekend. Neuf films participaient à la compétition. Un jury de professionnels (Nabil Ben Yadir, réalisateur, Nathalie Leperlier, productrice Le Cercle, Christophe Taudiere, responsable du pôle court métrage à France Télévisions, Delphine Mantoulet, compositrice et productrice à Princes production, Katia Bayer, rédactrice en chef du webzine Format Court, Steve Achiepo, réalisateur et lauréat Cinébanlieue 2012 pour son film « En équipe ») a récompensé le travail de deux jeunes réalisateurs, accordé une Mention Spéciale et offert un Prix d’interprétation.

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La meilleure réalisation, « Chemin de Traverse » de Ahllem Bendroh a ainsi remporté le prix Cinébanlieue (d’une valeur de 15 000 €) et sera diffusé dans le cadre des soirées Format Court, à Paris. Le prix France télévision, permettant au film lauréat d’être acheté et diffusé sur France télévision, a été décerné à « Ouaga Yungo » de Uriel Jaouen Zréhen. Enfin, une Mention Spéciale a été accordée à « Marseille la nuit » de Marie Monge, et Vessale Lezouache a reçu le Prix d’interprétation pour « La Virée à Paname » de Carine May et Hakim Zouhani.

L’étrange programmation du dixième Court Métrange

Dès le début du mois d’octobre, c’est avec une effervescente impatience que nous guettions d’un œil avide le contenu de la dixième programmation de Court Métrange. À Format Court, la tradition veut que l’automne soit l’heure de cet immanquable rendez-vous breton, l’occasion de trois jours d’immersion apnéique dans le bouillon créatif du court-métrage fantastique. Autant le dire tout de suite, cette année, notre curiosité était décuplée à l’occasion de l’anniversaire du festival, et c’est le souffle court et les yeux exorbités que nous sommes ressortis des salles. Près de 65 films projetés dont 35 en compétition, un jury de choc illuminé par la stellaire présidence de Monsieur Tchéky Karyo, et des cartes blanches tonitruantes offertes à des partenaires de qualité (Format Court, Make It Short et le Neuchâtel International Fantastic Film Festival), tels furent les ingrédients du festin que Court Métrange nous avait concocté, repas de fête protopathique dont nous vous proposons un petit tour d’horizon.

Choisir c’est aussi exclure, une raison suffisante pour limiter d’ordinaire notre intérêt pour les palmarès de festivals à leur plus simple évocation tant la quantité de films qui échappent à la distinction peut paraître désolante. Mais comment aujourd’hui ne pas commencer par là, alors que la liste des films primés à ce dixième Court Métrange était particulièrement séduisante. Un palmarès très honorable donc, où l’on a pu constater toute la vigueur du cinéma hispanophone avec pas moins de trois films récompensés. Grand prix du festival, l’espagnol Chema García Ibarra, qu’on avait déjà repéré en 2010 pour son précédent film complètement décalé « Protoparticulas », signe là sa troisième œuvre avec « Misterio ».

Avec un cadrage millimétré, García Ibarra nous coince cette fois-ci dans la toile de fond déprimante d’une Espagne toute traditionnelle pour nous inviter à suivre le parcours psychologique d’une femme qui s’est définitivement réfugiée dans les derniers retranchements de son imaginaire. Car dans « Misterio », l’espoir éradiqué d’un cadre social fascisant, vain et imbécile ne semble plus exister qu’à travers l’hypothèse du salut exogène de puissances mystérieuses. Les vieilles dames font alors la queue pour écouter les messages de la vierge dans les vertèbres cervicales d’un simple d’esprit, et l’héroïne du film, elle, attend qu’enfin les extra-terrestres la libèrent. Film d’atmosphère par excellence, « Misterio » a été primé par notre équipe à l’occasion du Festival Européen du film court de Brest et fera prochainement l’objet d’une critique approfondie dans nos colonnes. D’un prix Format Court à l’autre, « Fuga », le film d’animation de l’Andalou Juan Antonio Espigares a aussi été distingué par notre site dans la compétition de Court Métrange. Racontant l’arrivée d’une jeune fille aveugle au conservatoire de musique, ce film d’animation qui mélange de façon très intéressante la 3D et la prise de vue réelle, est un conte symphonique de toute beauté où fantasme et réalité se confondent dans un jeu de perception visuelle et musicale. Là encore, ne manquez pas notre dossier spécial à paraître très prochainement et la diffusion du film dans le cadre de nos rendez-vous mensuels du Studio des Ursulines à Paris.

Nouveauté de cette dixième édition de Court Métrange, le jury du festival pouvait attribuer cette année un Méliès d’argent à l’un des films en compétition. Spécificité de ce prix tout honorifique promu par la Fédération Européenne des festivals de films fantastiques dont fait dorénavant partie Court Métrange : la participation en compétition à l’un des plus importants festivals de cinéma fantastique du monde à Sitges en Catalogne. C’est Pablo Belaubre qui profitera de cette excellente exposition pour son film « Cebu », œuvre entièrement réalisée et produite à Cuba, qui nous emmène dans l’arrière boutique d’une boucherie de La Havane pour nous raconter l’histoire d’un amour qui tourne mal. Si le thème de la boucherie au cinéma en a séduit plus d’un par le potentiel sordide qu’il offre, l’approche qu’en fait Pablo Belaubre interroge surtout notre rapport à l’érotisme à travers la question de la chair. Car quand Marushka, jeune femme d’une vingtaine d’année, entre dans la boucherie de Ivan, balançant le charme voluptueux de ses 130kg de corps de femme sublime, pleinement ouverte, il est difficile d’échapper à la troublante fascination qu’inspire en elle ce mélange de beauté et de monstruosité. Monstrueusement féminine, elle offre ses rondeurs charnues à l’appétit sexuel d’un boucher plus que jamais expert dans la manipulation de la viande. Jeu ambigu entre attraction et répulsion qui tourne au carnage lorsque dans la chambre froide, les amants sont surpris par la femme du boucher. L’intrigue bascule alors dans l’horreur d’un fait divers violent, le crime passionnel sanguinolent d’une femme jalouse qui mènera la belle obèse aux crochets de la boucherie pour une scène de dépeçage particulièrement répugnante et un final incontournable de réjouissance anthropophagique.

Au menu des abominations gastronomiques, on peut également se repaître du court-métrage de l’Américain Jason Noto « La ricetta » pour suivre un bien étrange cours particulier de cuisine. Dans ce huis-clos à l’ambiance tamisée, une grand-mère un brin autoritaire enseigne, en italien, à son petit fils âgé de 6 ans tout au plus, à découper des légumes, à assaisonner une sauce et … à égorger un cochon ! Mais dans le regard de l’enfant, entre inquiétude et fascination, les sujets s’inversent dans une perception horrifique du réel, et la grand-mère s’incarne dans la peau d’un cochon alors que le l’animal, lui, prend les traits d’un enfant. Avec « La ricetta », Jason Noto nous rappelle, dans un tableau à l’esthétique saisissante dont les nuances chromatiques ne sont pas sans rappeler les œuvres peintes de Guiseppe Arcimboldo, ce que le monde adulte peut avoir de monstrueux aux yeux d’un enfant.

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Au registre des films de science fiction pure, il ne fallait pas rater cette année « Un monde meilleur » de Sacha Feiner qui nous entraîne dans un univers d’anticipation politique et sociale tout empreint des livres de Huxley ou Orwell. Dans un monde totalitaire régie par une dictature de fer, on suit le quotidien d’un citoyen modèle qui passe ses journées derrière des écrans de vidéosurveillance, traquant le moindre signe de fantaisie sur la voie publique. Pas de rire, pas de sourire, pas de joie ni de plaisir pour ce délateur expert qui ne fait que son devoir en dénonçant les autres. Aussi, lorsque brutalement une révolution éclate, renversant le pouvoir pour l’avènement d’une société hippie-cool peut-être un peu trop naïve, c’est la faculté d’adaptation du personnage qui se retrouve en question. Chronique du conditionnement, « Un monde meilleur » est un film psychologique dont l’ambiance parfaitement réussie, est servie par des décors et une mise en scène digne du « Brazil » de Terry Gilliam.

Film sélectionné hors compétition, comment ne pas avoir remarquer également l’impressionnant « True skin » de l’Américain Stephan Zlotescu ? Tourné dans les rues d’un Bangkok transfigurée, quelque part entre le Tokyo de « Enter the Void » et l’univers de « Blade runner », « True skin » nous emmène en voyage dans un avenir peut-être pas si lointain où les êtres humains se régénèrent à l’aide de prothèses cybernétiques greffées sur le visage ou sur le corps. Avec une réalisation dynamique à la limite de l’expérimental et des effets spéciaux très aboutis, « True skin » se place dans le registre de ces thrillers futuristes qui nous ont fait tant aimer le cinéma. On regrettera toutefois que la voix-off soit le seul élément de narration, laissant le spectateur avec un goût d’inachevé. Car si l’atmosphère technologique du film est particulièrement envoutante, sa forme et sa réalisation se rapprochent davantage de celle du teaser d’un long-métrage. À quand donc « True skin » dans sa version longue ?

Concernant les films d’animation, c’est avec bonheur que nous avons pu revoir sur grand écran un certain nombre d’œuvres que nous suivons depuis un moment. C’est le cas de « Peau de Chien » de Nicolas Jacquet qui obtient le prix Beaumarchais de la SACD, du très surréaliste « Topo glassato al cioccolato » de l’Italien Donato Sansone , du deuxième opus des chroniques de la poisse d’Osman Cerfon « Comme des lapins », ou encore de « Tram » de Michaela Pavlátová. Quelques découvertes tout de même, au premier rang duquel nous citerons « Ziegenort » du Polonais Tomasz Popakul. Film d’animation en noir et blanc mélangeant les effets 2D et 3D, « Ziegenort » raconte les difficultés d’intégration d’un jeune adolescent face au monde extérieur, difficultés d’autant plus grandes que ce jeune homme a la tête d’un poisson. Le film balaye ainsi une série de situations qui mettent le jeune homme en présence de son père, qui le confronte avec le monde du travail, mais aussi à sa recherche sentimentale avec les jeunes filles ou à la rivalité avec les garçons de son âge. « Ziegenort » aborde la question de l’adolescence avec une sensibilité subtile et poétique qui nous rappelle combien il est difficile, à l’âge où le corps est difforme, de prendre sa place dans son environnement social et affectif.

Pour la deuxième année consécutive à Court Métrange, on pouvait également profiter d’une séance spéciale conçue autour par Benjamin Leroy, notre confrère de l’excellent blog Make It Short, grand spécialiste du court de genre. L’occasion de découvrir le film du Brésilien Amir Admoni « Linear », un court-métrage de 6 minutes mélangeant différentes techniques d’animation et prise de vues réelles, qui nous fait suivre les pérégrinations autoroutières d’un petit personnage tirant derrière lui le rouleau de peinture chargé de tracer les lignes blanches de la voirie. Avec humour et légèreté, Amir Admoni nous rappelle ainsi la citation de Paul Klee selon laquelle une ligne n’est rien d’autre qu’un point parti en promenade. Dans un style beaucoup plus dramatique, on est également frappé par le film américain de Jesse Atlas « Record/play », où un homme affronte le souvenir tragique de la perte de sa femme à travers les cassettes audio sur lesquelles elle avait l’habitude de s’enregistrer. Entre réalité fantasmée ou pure inversion du destin, l’homme parvient à intervenir dans la scène où sa femme est assassinée grâce au walkman qui lui sert à écouter les bandes. Avec une mise en scène efficace au service d’une narration palpitante, le film nous ballade alors dans de surprenants aller-retour entre les deux scènes qui permettent à chaque fois à l’homme de renouer avec elle pour parvenir à la sauver. Love story fantastique, « Record/play » réussit avec talent à mêler émotion et science-fiction.

Une dixième édition à la hauteur de nos attentes qui, une fois de plus, a su allier films de genre, étranges et insolites, dans un bouillon hétéroclite d’univers dérangeants, fascinants ou fantastiques. Longue vie à Court Métrange, et à l’année prochaine !

Xavier Gourdet

Film Noir Festival, films en compétition

La première édition du Film Noir Festival de Gisors, dont nous sommes partenaires, se déroulera du 5 au 8 décembre 2013. 18 films ayant pour thématique le film noir y seront présentés dans le cadre de sa toute première compétition de films courts récompensée du Grand Prix, du Prix de la Mise en Scène, du Prix du Scénario, du Prix d’Interprétation, remis par le Jury des Professionnel, et du Prix du Public.

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Films en compétition

– A Milkshake at Gina’s de Florian Ross – Allemagne – 15’
– L’Affaire Mathilda Cross de Julien Party – France – 14’50’’
– Alicia en el Paraíso Natural de Manuel Arango – Espagne – 13’30’’
– La Balle de trop de Sébastien Chaplais – France – 15’
– Le Café des veuves de Geoffroy Koberlé – France – 14’12’’
– C’est (re)parti! de Jean-Simon Mandeau – France – 5’43’’
– Chambre double de Mathieu Mortelmans – Belgique – 15’
– Le Corbac de Guillaume Agard – France – 5’45’’
– Inside the Pharma Company de Matthieu Mai – France – 3’30’’
– Matriarche de Guillaume Pierret – France – 9’
– Moustache from the moon de Sélim Atmane – France – 5’30’’
– Obsession de Jérémie Duvall et Oscar Dorby – France – 11’09’’
– Red Handed de Jordan Ray Allen – USA – 15’
– La Rue de Sami Boccara – France – 13’56’’
– Sang froid de Chakib Taleb-Bendiab – France – 15’
– Skin de Cédric Prévost – France – 13’04’’
– They bleed at midnight de Karen Ruiz – USA – 14’22’’
– Une question de vie ou de mort de Marco Chiappetta – Italie – 6’

Chema García Ibarra, Prix Format Court au Festival de Brest 2013

Malgré un premier essai peu concluant (« Miaau », visible en ligne), l’Espagnol Chema García Ibarra, réalisateur autodidacte venu de la publicité, a réussit à imposer, en l’espace de trois films (« El ataque de los robots de nebulosa-5 », « Protoparticulas », « Misterio »), un style décalé, un humour noir, une autre vision de la science-fiction – sans les moyens consacrés – et des personnages hors normes (en réalité des membres de sa famille, ses amis et ses voisins).

Si les synopsis de ses films nous plongent dans la perplexité (« Un jeune garçon nous explique pourquoi et comment bientôt, presque tout le monde va bientôt mourir », « L’expérience a failli aboutir : la protomatière existe », « On dit qu’en collant son oreille sur sa nuque, on entend parler la Vierge »), ses situations et ses personnages nous épatent à chaque fois. Que l’on suive un astronaute jouant au loto, un jeune handicapé se déguisant en robot ou une femme d’âge mur allergique aux chats, on ne peut que s’intéresser aux histoires issues de l’imaginaire de ce réalisateur ne souhaitant qu’une chose : s’amuser en faisant des films. Ce plaisir (mêlé au talent et au souci du détail) prend : les sélectionneurs de festivals s’intéressent à cet auteur, que ce soit à la Quinzaine des Réalisateurs, à la Berlinale, à Sundance comme ailleurs.

Fin 2013, nous avons pour notre part découvert et primé « Misterio », le dernier film de Chema García Ibarra, au Festival de Brest. Le film a été projeté en mars dernier au Studio des Ursulines lors de la séance spéciale consacrée au festival, en présence du réalisateur et de sa compagne et directrice artistique, Leonor Diaz. Il était essentiel pour nous de faire venir à Paris ces deux personnes drôles et généreuses afin d’évoquer ensemble leur travail et personnaliser leur univers atypique, toujours aussi présent film après film. Que vous les connaissiez ou non, nous vous invitons aujourd’hui à parcourir le focus entourant leur prix, à (re)découvrir leurs films (les deux premiers sont en ligne, le troisième est disponible en VOD) et à vous laisser séduire par leurs histoires décalées et leurs partis pris de mise en scène.

Katia Bayer

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© Laura Bénéteau

Retrouvez dans ce dossier spécial :

L’interview de Chema García Ibarra et Leonor Diaz

La critique de « Misterio »

La critique de « El ataque de los robots de nebulosa-5 »

La critique de « Protoparticulas »

Benjamin Leroy : « Le format court possède des spécificités bien particulières, comme la découverte d’un auteur, l’éclosion d’un univers, mais aussi, l’expérimentation, la liberté de tenter des choses audacieuses que l’on ne retrouve pas forcément de la même manière dans un format plus long »

Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas à un réalisateur, un acteur ou à un producteur que nous avons posé nos questions, mais à un programmateur. Benjamin Leroy, initiateur du blog Make it Short, a fait sa place depuis quelques années dans le milieu du court métrange de genre et collabore régulièrement avec les festivals les plus prestigieux (Court Métrange, PIFFF, NIFFF, Extrême Cinéma, etc.). Dans le cadre d’une carte blanche Make It Short présentée à Court Métrange, nous avons rencontré ce féru de cinema de genre qui nous parle de son travail de programmation, une activité indispensable très peu médiatisée.

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Quel est ton parcours dans le milieu de la programmation de courts métrages ?

J’ai commencé à Lyon, en 2006, en tant que stagiaire, pour le Festival Cinéma et Cultures d’Asie, organisé par l’association Asie Expo. Je me suis occupé de diverses choses et notamment de la programmation des courts métrages pendant trois ans. Parallèlement, j’étais spectateur assidu de l’Etrange Festival de Lyon, qui était une déclinaison de l’Etrange Festival de Paris, et qui depuis, a été rebaptisé Hallucinations Collectives. Je suis rentré dans l’équipe de ce festival, et petit à petit j’en suis venu à m’occuper d’une compétition internationale de courts métrages, relancée la deuxième année de mon arrivée. A partir de là, Cyril Despontin, président d’Hallucinations Collectives, a lancé le Paris International Fantastic Film Festival (PIFFF), en partenariat avec Mad Movies, et m’a demandé de m’occuper de la compétition courts métrages internationaux.

Tout cela m’a mis le pied à l’étrier et, ensuite, à force de rencontres et d’opportunités, d’autres festivals m’ont proposé de travailler ensemble, comme tout récemment le festival Extrême Cinéma à Toulouse. Cela fait également trois ans que je donne un petit coup de main à Court Métrange, dans la programmation, en leur transmettant une liste élargie de films qui me semblent intéressants pour enrichir et augmenter le nombre de propositions qu’ils reçoivent déjà. Ils m’offrent en plus la possibilité de programmer une séance en rapport avec mon blog Make It Short. J’ai aussi donné un coup de main de ce type, cette année, au Neuchâtel International Fantastic Film Festival (NIFFF). D’autres choses se font, plus informelles, mais les principaux festivals avec lesquels je travaille, sont ceux de Lyon, Paris, Toulouse et Rennes.

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Quel est ton rapport à la forme spécifique du court métrage ?

J’ai une passion pour le cinéma en général, je ne fais pas vraiment de distinction entre court et long métrage. Le format court possède des spécificités bien particulières, comme la découverte d’un auteur, l’éclosion d’un univers, mais aussi, l’expérimentation, la liberté de tenter des choses audacieuses que l’on ne retrouve pas forcément de la même manière dans un format plus long.

Qu’est-ce que Make It Short ?

Make It Short est un blog sur le court métrage que je tiens depuis à peu près deux ans, de façon très irrégulière, cela fonctionne plutôt selon mes envies et mon temps disponible. Je ne souhaite pas vraiment coller à l’actualité et juste poster des liens de films sans rien mettre autour. A force de faire des programmations, l’idée du blog m’est venue. J’avais envie de parler de certains réalisateurs dont les noms revenaient souvent, je voulais partager mon enthousiasme en quelque sorte. Je m’occupe du blog tout seul, mais j’aimerais bien essayer de l’ouvrir à d’autres gens maintenant, car je n’ai pas forcément toujours le temps de parler de tout ce qui sort et cela me frustre un peu.

Peux-tu nous dire un mot sur la carte blanche « Make It Short » à Court Métrange cette année ?

Cette carte blanche m’a permis, entre autres, de mettre des films que je n’aurais pas pour différentes raisons pu sélectionner ailleurs, mais que je trouve quand même très bons et que j’ai envie de soutenir et diffuser. Dans cette sélection, par exemple, il y a le film « Merry Little Christmas » (2010), que j’ai découvert en début d’année, un peu tard pour pouvoir le proposer moi-même en festival, mais que j’ai pu programmer sans problème ici. Il y a aussi « Yellow », qui, lui, était problématique dans mes autres programmations à cause de sa durée (26 minutes). De plus, ce sont quand même des films très particuliers, je ne savais pas trop comment ils allaient être reçus. J’ai eu des retours à la fois positifs et négatifs, mais je suis très content d’avoir pu les passer. Concernant les autres films, « Linear » est un court que j’aime beaucoup, mais que je n’avais pas pu sélectionner dans d’autres programmations. « Bio-cop » et « Record/Play » sont des films que j’ai déjà diffusés, mais qu’il me plaît toujours de reprogrammer dès que je le peux.

Dans ton travail de programmation, est-ce que tu regardes uniquement des films de genre ou tu t’intéresses à d’autres styles ?

Pour ce travail spécifique effectivement, je ne regarde que des films de genre, pour mon plaisir je regarde de tout évidemment, mais j’essaye de me concentrer avant tout sur le genre. Après, cela peut être du fantastique pur (vampires, zombies, etc.) comme une histoire juste étrange ou absurde. Mes choix sont assez larges et tentent d’englober toutes les possibilités du genre.

J’avoue que je n’aime pas trop le cinéma d’auteur, surtout en court. Quand je vais à Clermont, je suis plus sensible à la compétition labo ou internationale, mais j’ai beaucoup de mal avec la compétition nationale. Je regrette qu’il n’y ait pas assez de films de genre sélectionnés dans ce festival, souvent des séances spéciales sont organisées autour de thématiques de genre, mais c’est une manière de caser les choses. C’est un regard qui, finalement, est plutôt méprisant sur le genre. La sélection labo me fait aussi un peu cet effet-là de temps en temps, je me demande parfois si les films qui y figurent ne sont pas assez bien ou alors trop bizarres pour la sélection officielle. C’est à la fois extrêmement bien qu’ils diffusent tous ces films différents, mais en même temps c’est dommage qu’ils cloisonnent les choses de cette façon-là. Je suis plus attiré par exemple par la programmation de l’Etrange Festival, qui est à la fois très diverse, sans œillère et très complète.

Quel est ton ressenti sur le court métrage de genre actuel ?

Je trouve qu’il y a pas mal de choses qui se ressemblent, notamment à cause de l’utilisation trop systématique des mêmes appareils photos ou des mêmes caméras pour filmer et d’un rendu d’images identique qui dessert complètement les films. Il y a aussi trop de courts qui se font pour de mauvaises raisons. Beaucoup de réalisateurs ou de scénaristes se disent : « J’ai envie de faire un court métrage, qu’est-ce que je vais bien pouvoir raconter ? », alors que cela devrait plutôt être : « Tiens, j’ai quelque chose à raconter, faisons un court métrage ! ». Une autre erreur à mon sens, ce sont les films influencés par ce qui se fait en long métrage et qui ne font que dupliquer ce que les réalisateurs ont vu et aimé, c’est plutôt assez vain comme démarche. Pour ma part, j’aime que l’on me raconte une histoire, qu’il y ait une identité forte, une singularité et une recherche artistique originale.

Actuellement, il y a beaucoup plus de courts de genre, notamment sur le net, grâce aux facilités de production et de diffusion, avec l’arrivée du numérique, mais aussi avec les campagnes de crowdfunding, qui permettent cette profusion et ce large éventail. Après, il ne tient qu’à nous, en tant que programmateurs, de chercher et de trouver les perles…

Propos recueillis par Julien Savès

L’Art des Thanatier de David Le Bozec

Profession : bourreau

Découvert au festival Court Métrage, « L’Art des Thanatier », le premier film professionnel de David Le Bozec, nous a beaucoup séduits par son histoire originale (la vie et la fin d’un bourreau), son aspect fantastique, sa palette graphique et sa partition musicale.

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Cela fait un moment que nous n’avons pas fait d’intéressantes découvertes en animation. Il y a quelques mois, nous vous avions présenté « Mademoiselle Kiki et les Montparnos » d’Amélie Harrault. En cette fin d’année, nous vous proposons désormais d’en savoir plus sur « L’Art des Thanatier » de David Le Bozec.

Le film évoque l’histoire de Prosper Thanatier, né au XVIIIème siècle, digne héritier d’une longue lignée de bourreaux, considérant sa profession comme un art et une tradition. Comme ses prédécesseurs, il travaille main dans la main avec la mort et aime le travail bien fait. Il vit par et pour son métier, œuvre avec zèle à l’application des sanctions et s’entoure amoureusement de multiples instruments de belle torture. Ses mains sont en permanence rouge de sang, ses seules compagnes sont des têtes de mort : Prosper est un artisan, un artiste. Un vrai.

Un sombre jour, pourtant, cette vie parfaite change. L’industrialisation est en marche, le savoir-faire disparaît et la pratique de la mort est reconsidérée. La guillotine fait son apparition : désormais, on tue différemment, rapidement, sans douleur et égalitairement. La mode est à la Révolution française et les condamnations-exécutions s’intensifient. En peu de temps, Prosper n’occupe plus qu’une fonction banale, celle de simple technicien. Le jour de la première exécution, la guillotine déraille et la mort tarde à faire son travail. Rapidement, la nouvelle s’ébruite : l’erreur serait humaine.

Devant « L’Art des Thanatier », retraçant un destin individuel dans une période trouble (celle de la Révolution française et de ses exécutions en masse), on est capable de s’interroger sur la qualité de l’animation proposée. Les plans se succèdent à la manière d’une collection de tableaux, ce qui est certes très esthétique, mais qui manque un peu de fluidité. La faute aux moyens, probablement. On sent néanmoins dans ce conte noir un énorme travail de recherche et un projet porté de longue date par un jeune réalisateur. Le film retient aussi l’intention par la grande qualité de ses aquarelles, l’excellent travail vocal de Jean-Claude Dreyfus, l’humour du scénario (« Mais Monsieur, la mort, c’est toute ma vie »), la sublime musique originale (Olivier Calmel) et l’étrangeté du rapport étroit entre la mort et le progrès.

Katia Bayer

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Article associé : l’interview de David Le Bozec

David Le Bozec : « J’ai l’impression que de façon générale, la place de la mort dans notre société a changé. Le personnage de Prosper Thanatier est une sorte de dernier garant des valeurs traditionnelles qui mettent la mort au cœur de la société, les cimetières au cœur du village »

Tout juste auréolé du prix du public au festival Cine Fantástico y de Terror de San Sebastian, David Le Bozec revient sur la préparation et la conception de son premier court-métrage d’animation “L’Art des Thanatier” à l’occasion de sa programmation au Festival Court Métrange de Rennes.

David-Le- Bozec

Comment est né le projet ?

Au départ, je me suis demandé comment on devenait bourreau, si les choses se faisaient par vocation. Puis, en faisant des recherches, je me suis très vite aperçu que c’était héréditaire, que cela se transmettait de génération en génération, de père en fils, un peu comme n’importe quel artisan – ce qui arrangeait un peu tout le monde car personne ne voulait faire ce métier-là. Il y avait donc des familles attitrées de bourreaux pendant plusieurs siècles, ce qui a donné de véritables dynasties. A Paris, il y avait par exemple la famille des Sanson.

Je me suis intéressé plus particulièrement à l’époque de la Révolution Française, au moment de l’apparition de la guillotine. J’ai mis la main sur le journal que tenait à ce moment-là le bourreau Charles-Henri Sanson. Dans ses notes, il raconte les exécutions qu’il a réalisées, les problèmes qu’il a rencontrés. Au fur et à mesure que la Révolution prend de l’ampleur et que les exécutions se multiplient – notamment sous « La Terreur », il se demande quand le bain de sang va cesser.

J’ai choisi de me focaliser sur le cœur de la machine révolutionnaire : un bourreau, le bras armé de la justice et en même temps quelqu’un qui n’a pas de prise sur ce qu’il fait, qui se retrouve en quelque sorte, spectateur devant l’échafaud. Je me suis demandé comment on pouvait vivre quand on remplissait une telle fonction. Les bourreaux vivaient en fait comme des parias de la société, en dehors des villes. Quand on les reconnaissait en public, on les chassait immédiatement. C’est l’ambivalence de leur situation qui m’a intéressé : à la fois utile et craint. Quand j’ai créé le personnage de Prosper Thanatier, je l’ai imaginé comme une sorte d’artiste ou artisan, focalisé sur son art et détaché des conséquences de celui-ci.

Au début, j’ai imaginé ce film d’un point de vue très historique, jusqu’au développement d’un projet de fiction. Puis, j’ai décidé de condenser l’histoire dans un court métrage d’animation pour commencer, en me disant que je n’aurais jamais les décors et les figurants nécessaires pour un tel film de fiction. C’est rapidement devenu une sorte de conte assez noir, et le personnage et l’univers se sont façonnés petit à petit.

Est-ce que d’un point de vue personnel, tu ressens une fascination pour ce qui a trait à la mort ?

Disons que comme tout le monde je me pose des questions sur l’existence, sur la mort, etc. J’ai l’impression que de façon générale, la place de la mort dans notre société a changé. Le personnage de Prosper Thanatier est une sorte de dernier garant des valeurs traditionnelles qui mettent la mort au cœur de la société, les cimetières au cœur du village. La société moderne a relégué la mort au dernier plan, l’a aseptisé. Prosper Thanatier, quand il crée ces catacombes et qu’il en fait un palais d’ossements, il est seul à s’y promener. Et pourtant, on se doute que ce sont les os de tous les ancêtres de la ville située juste au dessus. Malgré cela, il n’y a que lui qui y vient. Personne ne lui rend visite. C’est pour cela qu’à la fin du film, il vient s’enfermer là tel un gardien de ces morts. C’est comme s’il était le seul à les respecter finalement, alors qu’il est le bourreau et qu’il tue les gens. Mais c’est lui le plus respectueux envers ces morts.

Le travail artisanal et l’apparition de la guillotine amenant avec elle l’industrialisation sont deux éléments très importants de ton film, peux-tu nous en dire plus ?

La guillotine fait rentrer la mort dans une ère industrielle, elle a facilité et par là même accéléré le nombre des exécutions, de par son efficacité. A la base, c’était une idée humaniste : proposer une exécution qui soit rapide, sans douleur et égalitaire, un idéal proche des valeurs de la Révolution. Du coup, comme c’était rapide et facile, on a multiplié les exécutions, ce que l’on n’aurait jamais fait avant cette invention. Pour moi, c’est une folie. Quand on lit le journal du bourreau de l’époque qui dit lui-même que c’est une aberration, c’est assez parlant !

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Peut-on faire un parallèle entre l’arrivée de cette industrialisation technique écrasante et ta vision personnelle sur un cinéma de fiction ou d’animation artisanal qui a tendance à disparaître ?

Je n’ai pas vraiment le recul nécessaire pour répondre à cette question. C’est une problématique qui m’intéresse effectivement. J’ai essayé de faire un film qui traite de l’artisanat de façon large, face au côté aseptisé, industriel. Obligatoirement quand on bosse dans le milieu du cinéma, on est amené à se poser ce genre de questions. Comme j’ai beaucoup étudié l’histoire et l’esthétique du cinéma, je me suis attaché à beaucoup de courants, à certaines idées venant d’époques spécifiques. Il me semble que ce sont des choses qui se perdent de plus en plus, en ce sens que l’on fait référence à des films qui ont été fait il y a 10 ou 20 ans maintenant. Quand je discute avec des techniciens ou des personnes qui ont la vingtaine, ils me parlent de tel film de Scorsese ou de Tarantino. D’accord, mais ces films-là font eux-mêmes références à d’autres films plus anciens…

C’était évident pour moi que ce film devait se faire de façon artisanale, en animant sur du papier, ne serait-ce que par rapport aux références que j’avais en tête, notamment par rapport à certains films muets expressionnistes. A la base, je voulais que chaque séquence ait une tonalité de couleur très forte comme les filtres que l’on mettait sur les pellicules pour éviter que cela fasse trop noir et blanc (nuit = bleu, jour = vert, etc.). Le résultat n’était pas vraiment ce que j’attendais, je me suis donc contenté de créer des dominances chromatiques très fortes, sans trop exagérer.

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Quelles ont été tes références pour ce film ?

Dans le mobilier de la maison de Prosper Thanatier, il y a ce coucou avec une faux. C’est une horloge qui se trouve dans Nosferatu de Friedrich Wilhelm Murnau. Sauf que dans celui-ci, le crâne s’ouvre et il y a un petit faucheur et sa faux qui jaillissent. Ensuite quand Werner Herzog a fait son propre remake de Nosferatu, il s’est approprié cette idée de l’horloge à son tour. Je me suis dis que je pouvais créer ma propre version, mais cette fois-ci en animation.

D’ailleurs, dans le générique du film de Herzog, il y a des momies, le premier carton du film en est rempli. Ce côté “frontal” de la mort est omniprésent dans mon film. Plusieurs références sont aussi à chercher dans la peinture : les dessins de Victor Hugo, notamment ses encres, mais aussi les peintres romantiques allemands comme Caspar David Friedrich où les paysages possédaient un vrai sens émotionnel. Cela évoquait non seulement un message (parfois politique), mais plus souvent une émotion complexe. Werner Herzog y fait d’ailleurs lui-même référence dans son film.

Quelles ont été les difficultés techniques rencontrées au niveau de l’animation ?

J’ai eu beaucoup de problèmes à animer les mains, car j’avais beaucoup de gros plans à faire sur elles, du début à la fin. Les mains de Prosper sont continuellement tachées de sang, dès qu’il pose ses mains quelque part, il laisse des traces. On ne sait pas de quelle victime cela vient, mais c’est toujours du sang frais. A l’opposé, le personnage qui lui donne des ordres porte toujours des gants blancs. L’idée, c’est : “Je ne me salis pas les mains, c’est toi qui va le faire à ma place”. La question de la main est très importante dans mon film.

Les animateurs m’avaient prévenu : “La chose la plus compliquée à animer, ce sont les mains, car il faut faire bouger tous les doigts”. Par exemple, l’animation du “petit fouineur”, l’un des instruments de torture du film, a été très compliquée. Les fils du petit fouineur répondent exactement aux mouvements des doigts de la main. Le petit fouineur est un peu un prolongement de la main de Thanatier, c’est lui-même en quelque sorte. Je crois que les mains disent beaucoup sur leur propriétaire.

La technique d’aquarelle utilisée dans le film fait penser à des coulures de sang, il y a vraiment des accointances avec le sujet même du film.

Effectivement quand je faisais mes aquarelles, je me disais que ça me faisait penser à du sang séché. En plus, tous les décors et dessins ont été faits à l’encre sépia qui a un rendu très proche du sang séché. Les couleurs ont ensuite été modifiées sur Photoshop pour créer des nuances, histoire de rendre ces décors moins uniformes. J’avais vraiment envie d’aborder l’ambivalence entre les choses manuelles et le rendu physique. Il y a un rapport physique avec la matière très prononcé dans ce film.

Peux-tu nous parler des différentes techniques utilisées dans le film ?

Il s’agit d’animation sur papier, sur table lumineuse, à l’ancienne, ce qui se fait de moins en moins parce que maintenant tout se fait par ordinateur. Deux animateurs et une stagiaire ont travaillé avec moi sur le projet, une toute petite équipe en somme. Nous avons à la fois travaillé sur palette graphique et sur table lumineuse, les animateurs arrivaient à avoir à peu près le même résultat avec les deux méthodes. Pour ce qui est du travail de colorisation, je me suis occupé des brouillons du décor, une fois que celui-ci avait été créé à la peinture. Le layout a été ensuite affiné par un décorateur chevronné, avec lequel j’ai beaucoup appris. Pour faire coïncider ces décors faits à l’encre et les personnages qui ont des contours tous simples, je ne voulais pas utiliser un aplat comme on peut en voir dans les films fait sur cellulo où c’est gouaché avec des aplats. Pour éviter un trop grand contraste, j’ai mis en place une technique sur ordinateur avec une texture et des zones d’ombres et de nuances, coloriés image par image.

Une scène a été faite en 3D sur After Effects, en compositing (la scène finale de l’exécution de Prosper, lorsqu’il se coupe la tête). Il y a des effets comme le brouillard, la pluie, le jet de sang ou la neige, que je voulais assez réalistes et que je n’aurais pas pu faire en animation traditionnelle, le rendu n’aurait pas été le même. Par exemple, la neige aurait eu un rendu plus poétique. Je la voulais très neutre, très basique. Pareil pour la pluie, je voulais qu’il tombe des cordes et que cela ne soit pas stylisé, je désirais avoir quelque chose d’assez brut. Je cherchais à confronter des effets très bruts et un rendu papier stylisé.

Mon approche de l’animation sur ce film consistait à créer comme une succession de tableaux. On m’avait fait des propositions alternatives, pour pallier à notre manque de temps et d’argent, avec des travellings qui tournent autour du personnage, des zooms, etc. En faisant ce type d’effets, on masque beaucoup de choses et cela fait illusion. Mais je n’aime pas les effets superflus, ce n’est pas ce que je recherchais. Je me suis tenu à mon idée de tableaux. Comme j’avais en tête les films muets des débuts du cinéma où l’on ne bouge pas trop la caméra, naturellement je ne voulais pas de travelling.

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Peux-tu nous parler de ton travail avec Jean-Claude Dreyfus qui prête sa voix au personnage de Prosper Thanatier ?

Avant de faire l’animation du film, on avait enregistré une première fois les voix avec des comédiens bretons, à Rennes. Mais nous n’avons pas gardé ces voix finalement, sauf celle de Mr. Schmidt dans son usine. On est parti de l’animatique du storyboard qui n’était pas très détaillée. On a commencé l’animation, on a fait le design du personnage, puis au fur et à mesure que les séquences s’animaient, se construisaient, on s’est rendu compte que le personnage prenait une allure, une attitude, une gueule qui contrastait trop avec les voix que l’on avait enregistrées au départ.

Au moment du mixage, on s’est rendu compte qu’il fallait refaire ces voix. Le film avait été préacheté par France 2 et on leur avait envoyé une première version avec les voix faites en Bretagne. Christophe Taudière est lui aussi arrivé aux mêmes conclusions concernant les voix, confirmant ainsi nos doutes. Étant dans l’urgence du mixage, on est parti à la recherche d’un acteur qui aurait l’envergure du personnage de Prosper Thanatier, avec un vrai coffre. J’ai tout de suite pensé à Jean-Claude Dreyfus. Mon producteur avait déjà fait un ou deux courts métrages avec lui, il l’a appelé et a donc pu facilement caler un rendez-vous pour enregistrer la voix. Il avait vu la première version du film qu’il avait beaucoup aimé. Une fois qu’il a accepté, tout est allé très vite, car il n’avait pas beaucoup de temps : les voix ont été enregistrées sans répétition en 2 heures, j’ai juste pu le voir 5 minutes avant, dans un café. Il s’est greffé à la fin comme quelque chose de providentiel, il a apporté la touche finale au charisme du personnage et à l’ambiance sonore voulue. Ce fût un vrai soulagement et en même temps une frayeur car je n’avais pas beaucoup d’alternatives.

Le carton final de générique porte la mention “fin” (de l’Art des Thanatier). Ce n’est plus très à la mode de terminer un film avec le mot fin, pourquoi avoir fait ce choix ?

C’est bien dommage que cela ne se fasse plus. J’ai intentionnellement mis cette mention un peu désuète à la toute fin pour souligner cela. Il y a une envie de retour au film muet, comme si c’était la fin d’un conte. Autant auparavant il y avait cette habitude, autant maintenant on ne met plus rien automatiquement. Pour ce film, il me semble que cela était vraiment justifié. C’est à la fois la fin du film, la fin de l’histoire de Prosper Thanatier, mais aussi celle de sa dynastie.

Propos recueillis par Julien Savès et Julien Beaunay

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A comme L’Art des Thanatier

Fiche technique

Synopsis : Au 18e siècle, Prosper Thanatier, dernier né d’une longue lignée de bourreaux, exerce avec passion son métier qu’il considère comme un art. À l’aube de la révolution, il se voit forcé d’abandonner ses outils et son savoir-faire ancestral, au profit d’une toute nouvelle machine d’exécution. Privé de son ancien art de vivre, Prosper ne s’adapte pas au progrès et refuse de voir son rôle d’exécuteur relégué à une simple machine.

Genre : Animation

Durée : 14’26’’

Pays : France

Année : 2012

Réalisation : David Le Bozec

Scénario: David Le Bozec

Son : Erwan Boulay, Brigitte Borjon

Montage : David Le Bozec, Gita Aslani Shahrestani

Décor : Richard Mithouard, David Le Bozec

Animation : Ludovic Hell, Amanda Minazio, Ludivine Kadikoff

Musique : Olivier Calmel

Voix : Jean-Claude Dreyfus, Benjamin Feitelson, Philippe Robert, Pauline Seigland, Vincent Spatari

Production : Butterfly Productions, Gonella Productions

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Cours, Format, Cours ! : Mission accomplie !

Depuis vendredi 15/11, notre campagne Ulule est terminée. Nous avons largement dépassé notre objectif initial de 2.000 € en atteignant 3.115 €. Notre projet « Cours, Format, Cours ! » est donc financé à 155%. Un grand merci à vous tous pour vos soutiens (financiers, photos/vidéos, relais d’information).

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Ils ont choisi de nous soutenir : Atelier Kuso, Claude Loubar Leroy, Yassine Qnia, Audren, Offshore Production, Nicolas Nithart, Bernard Tanghy, Novanima, Marie Bergeret, Hélène Klein, André Bayer, Matthieu Salmon, Augusto Zanovello, Aurélie Cardin, Marthe Sébille, Stephanie Bitton, Luc Vanden Eede, Emilie Parey, David Khalfa, Alexandre Morand, Emilie Mercier, Joseph Albert, Camille Weiss, François Hatt, Nadia Le bihen-demmou, Jérôme Descamps, Olivier Catherin, Nadia Micault, Yannick Karcher, Morgan Simon, Valery Rosier, Franck Dion, Hakim Zouhani, Léo Verrier, Hugo Chesnard, Christophe Libault, Jennifer Casadessus, Sylvain Desclous, Sylvia Filus, Fanny Barrot, Cécile Bicler, Vincent Maury, Marie Lucas, Hugues Hariche, Olivier Magis, Thomas Kruithof, Michèle van Panhuys-Sigler, olivia Basset, Claire Leblond, Thierry Malezieux, Julien Beaunay, Olivier Bretagne, Cinéma Kosmos, Khalil Cherti, Marc-Antoine Vaugeois, Nicolas Jacquet, Ed Bundy, Franz Griers, Sebastien Laudenbach, Gaëlle Bartak, Bastien Dubois, Sylvain Angiboust, Anna Cinennik, Dorothée Libes, Maud Reynaud, Julie Germain, Gilad Carmel, David Le Bozec, Nicolas Boëtard, Laure Maloisel, Gaelle Laurent, Amaury Auge, Marion Cecinas, Agathe Demanneville, Jerome Nunes, Bernard de Keyzer, Charlotte Fichou, Julia Aquili, Susie Clackson, Carine Lebrun, Carlos In, 2911Productions, Chadi Boulos, Carole Milleliri, Gaell B. Lerays, Jessica Dutour, Marie-Laure Boukredine, Katia Bayer, Adi Chesson, Maxime Feyers, Zoé Libault, Grégoire Lemoine, Camille Monin, Valentine Poutignat, Hélène Bras, Liam Engle, Association Broken, Simon Filliot, Audrey Podrini, Florian Pourchi.

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Dan Sachar : « Il n’y a pas beaucoup de films de genre en Israël, mais ces dernières années, il y a eu ce qu’on pourrait appeler une vague de films de genre dont on est vraiment fiers de faire partie »

Après une première apparition au festival Court Métrange 2012 pour présenter son film « Overture », l’Israélien Dan Sachar est revenu cette année à Rennes pour présenter en avant-première « Last of You », un film de science-fiction très maîtrisé qui nous raconte l’histoire de Yonatan, un homme ayant mis au point une machine lui permettant de revivre les souvenirs de sa femme disparue. Entre deux séances, on en a profité pour lui poser quelques question afin d’en savoir un plus sur son travail, et plus largement sur le cinéma israélien.

Dan-Sachar

Comment est né le projet de ton dernier film « Last of You » ?

Il existe en Israël un festival de films de genre, Utopia Film Festival, qui a lancé un concours de scénario pour un court métrage de vingt à trente minutes. Si tu gagnes le concours, tu remportes la somme de 30.000€ pour le réaliser. C’est vraiment exceptionnel d’obtenir ce type de budget pour un court métrage en Israël, surtout pour un film de genre. Je voulais absolument obtenir ce prix, alors mon scénariste et moi avons écrit trois scénarios. On nous a rappelé pour nous dire que deux d’entre eux étaient en lice parmi les projets finalistes et que nous pouvions choisir celui que nous voulions garder. C’était vraiment une drôle de situation, nous avons finalement choisi « Last of You ».

Est-ce difficile de trouver de l’argent pour réaliser ce type de films en Israël ?

Oui, très difficile. Je n’aurais jamais pu réaliser ce film si je n’avais pas remporté le concours, car aucun organisme de fonds ne m’aurait donné autant d’argent pour ce type de scénario. La plupart des films qui obtiennent des financements ne sont pas des films de genre. Il y a quelques possibilités de financement mais c’est très dur de les obtenir, il faut d’abord se faire un nom, et ensuite on peut espérer obtenir de l’aide.

https://vimeo.com/37373013

Est-ce commun d’y réaliser des films de science-fiction ?

Non, pas du tout. Il n’y a pas beaucoup de films de genre en Israël, mais ces dernières années, il y a eu ce qu’on pourrait appeler une vague de films de genre dont on est vraiment fiers de faire partie. Quelques longs métrages de genre sont sortis ces dernières années dont « Big Bad Wolf » très récemment, qui reçoit de très bonnes critiques à travers le monde. Mais ce n’est pas très courant. Que ce soit du côté des courts ou des longs métrages, on n’en voit pas beaucoup.

Quelles ont été tes influences pour « Last of You » ?

On a eu pas mal d’influences. Pour les séquences filmées en caméra subjective par exemple, on a regardé « Strange Days » de Kathryn Bigelow et « Enter the Void » de Gaspar Noé. On a réfléchi à la meilleure façon de montrer les expériences du personnage de Yonatan. On s’est dit qu’une vue panoramique aurait quelque chose de spécial. On a bricolé un appareil spécial avec un casque de vélo qu’on a découpé et auquel on a intégré une caméra 5D Mark III avec un objectif grand-angle. En post-production on a gommé la distorsion, ce qui aplatit l’image et donne cette impression de panoramique dont on est vraiment fier. On a voulu faire un film un peu futuriste mais avec certaines limites, de façon à ce qu’on ait l’impression que ça se passe aujourd’hui mais dans un monde différent du nôtre, un peu dans l’esprit de « Children of Men » (Les Fils de l’homme) de Alfonso Cuarón qui nous a aussi influencé.

Il y a beaucoup de points communs entre « Last of You » et ton précédent film « Overture », surtout en terme de choix esthétiques. Est-ce quelque chose de conscient ?

Ce n’est jamais vraiment conscient, c’est en moi. Beaucoup de gens me le disent, et ça me fait plaisir, je pense que c’est une bonne chose d’avoir un style que les gens reconnaissent dans mes films. Mais je vois encore plus la ressemblance entre mon premier film « When it Will Be Silent » et « Overture », qui étaient tous les deux très influencés par le travail d’Andrei Tarkovsky, qui est plus lent et atmosphérique. « Last of You » est différent en terme de style et de ton, plus « traditionnel » peut-être, et plus centré sur la narration que sur l’ambiance.

Comment travailles-tu avec ton équipe et combien de personnes étaient impliquées sur le tournage ?

Il y avait à peu près trente personnes sur le tournage, qui étaient heureuses de travailler sur un court métrage aussi stimulant. La plupart des membres de l’équipe sont des amis que j’ai rencontré à l’école de cinéma et qui pour la plupart travaillent bénévolement. L’acteur principal, Yoav Donat, est un acteur connu en Israël, il a joué dans le film « Lebanon » de Samuel Maoz. Je savais qu’il serait parfait pour mon film car la quasi totalité de « Lebanon » se passe à l’intérieur d’un tank dans lequel il a toujours les yeux rivés sur le viseur et doit réagir face à des choses qu’il ne peut pas voir clairement. C’était l’audition idéale pour moi et il a été parfait pour le rôle.

Le tournage a-t-il demandé beaucoup de préparation ?

Oui, mais la condition pour obtenir le budget qui nous a été attribué était d’avoir terminé le film en un an afin de pouvoir le montrer lors de la prochaine édition du festival. Ce n’est pas beaucoup pour une production aussi conséquente mais c’est une bonne chose d’avoir un délai à respecter. 30.000€ ça à l’air beaucoup mais par rapport au scénario qu’on avait, ce n’était finalement pas tant, il a vraiment fallu pousser le budget jusqu’à ses limites. Comme, je suppose, sur beaucoup de productions de courts métrages, on a tout fait nous-mêmes, on préparait le plateau tous ensemble, on cherchait de l’argent, on apportait notre matériel, et à la fin, on était vraiment fatigués par tout ça. J’ai fais toute la post-production moi-même également. Aujourd’hui je peux me reposer et profiter des projections en festival.

Peux-tu nous parler de ton parcours ?

J’ai étudié le cinéma au lycée, et après l’armée, je suis allé au Sapir Academic College dans le sud d’Israël. C’est un endroit très particulier pour étudier, parce que c’est juste à côté de la bande de Gaza, et il arrive que des missiles ou des roquettes tombent sur l’école, mais on s’y habitue, c’est aussi une expérience civique ! Beaucoup de films issus de cette école sont plus engagés politiquement, peut-être à cause de sa situation géographique et parce que ça fait partie du programme de l’école. Cette école est surnommée le « Hollywood den » (l’antre d’Hollywood) parce qu’on y réalise de la science-fiction, mais au bout du compte, ces films sont de plus en plus appréciés.

C’est vrai qu’on a l’impression que tes films sont imprégnés par cette atmosphère conflictuelle et par la guerre, avec des histoires qui se déroulent dans un univers post-apocalyptique. Penses-tu que ce contexte géopolitique influence directement ton travail et le contenu de tes films ?

Je ne sais pas si je pense vraiment à la situation politique lorsque je réalise un film, mais tout cela doit en effet faire partie du décor. On vit en Israël, qui n’est pas vraiment un environnement sûr, et je suppose que ça influence notre travail et la nature de nos propos. Je crois que tous mes courts métrages parlent de manière sous-jacente de la façon dont une guerre ou un événement terrible peut influencer les gens. Surtout mon premier court métrage, « When it Will Be Silent », qui est encore plus politique parce qu’il a été filmé dans le no man’s land entre Israël et la Jordanie. Je pense que tous mes films sont autant de tentatives de prévention contre ces situations afin de ne pas en arriver là. Ils décrivent des lieux dans lesquels on n’aimerait pas se retrouver. Mais ce contexte reste en arrière-plan, on ne sait jamais vraiment ce qu’il s’est passé, surtout dans « Last of You ». Le sentiment que j’en ai, c’est que ce film parle d’une catastrophe à l’échelle planétaire, et pas seulement d’Israël.

Quels sont tes futurs projets ? As-tu envie de faire un long métrage ?

Après avoir fait plusieurs courts métrages, on se dit toujours que le prochain sera un long, qu’il faut passer aux choses sérieuses. En fait, j’aime bien réaliser des courts métrages, ce sont de véritables exercices pour moi, comme pour le reste de l’équipe. Réaliser un long métrage, c’est autre chose, et il n’y a rien de tel que la pratique pour s’y préparer. J’ai quelques idées pour un long métrage et j’y travaille avec un scénariste, mais je n’ai rien de concret pour le moment. Et si je fais un long, je ne pourrai pas revenir sur un festival comme Court Métrange alors je dois encore y réfléchir !

Propos recueillis par Agathe Demanneville

Article associé : la critique de « Overture » de Dan Sachar

Court Métrange 2013

Le festival Court Métrange a déjà dix ans. Dix ans d’étrangetés filmiques, d’images insolites et de court-métrages bizarroïdes affichés sur les écrans de la capitale bretonne. Court Métrange n’est pas qu’un festival de films de genre, mais plutôt une fenêtre ouverte sur un certain imaginaire débridé, celui où la peur se mêle à la curiosité, où l’horreur côtoie le burlesque, où l’effroi joue avec les passions, où le rêve détourne la réalité pour s’exprimer dans des œuvres toujours étonnantes qui laisse le spectateur halluciné. À cette occasion, Format Court ne pouvait que s’associer à cet événement pour souhaiter un bon anniversaire à un festival qui atteint une certaine maturité et s’inscrit durablement dans le panorama des festivals européens de cinéma fantastique. Notre site a donc délégué sur place un petit jury (composé de Julien Beaunay, Julien Savès et Xavier Gourdet) pour remettre pour la troisième année consécutive son prix Format Court à « Fuga » de Juan Antonio Espigares.

courtmetrange-2013

Un anniversaire s’accompagne de cadeaux, et Court Métrange nous en a réservé un beau en programmant, pour sa séance d’ouverture, une carte blanche à notre site, l’occasion pour Format Court d’explorer sa culture de l’étrange à travers six films surprenants et énigmatiques collant à l’identité de l’événement. Une initiative riche en échanges donc, puisque Format Court organisera en février prochain une séance spéciale dédiée à Court Métrange lors de nos rendez-vous mensuels au Studio des Ursulines, histoire de faire découvrir au public parisien l’invraisemblable sens du mot Métrange.

Xavier Gourdet

Retrouvez dans ce focus :

L’interview de Mathieu Berthon, réalisateur
L’interview de Tchéky Karyo, Président du jury
L’interview de Christophe Taudière, responsable du pôle court métrage de France Télévisions et chargé de programme de l’émission « Histoires courtes » sur France 2
La chronique DVD de « Oh Willy » de Emma de Swaef et Marc Roels
L’étrange programmation du dixième Court Métrange
L’interview de Benjamin Leroy,  programmateur (France)
La critique de « L’Art des Thanatier » (France)
L’interview de David Le Bozec, réalisateur de « L’Art des Thanatier (France)
L’interview de Dan Sachar, réalisateur (« Last of You », Israël)
Festival Court Métrange, les photos
« Fuga » de Juan Antonio Espigares, Métrange du Format Court 2013 !
« Oh Willy… » de Emma de Swaef et Marc Roels : Métrange du Public – Format Court
Carte blanche Format Court au Festival Court Métrange !
Nouveau Métrange du Format Court au Festival Court Métrange !

Misterio de Chema García Ibarra, Prix Format Court au Festival de Brest 2013 !

Ce weekend, lors de la cérémonie de clôture du Festival de Brest, le Jury Format Court (composé de Fanny Barrot, Katia Bayer, Agathe Demanneville et Aziza Kaddour) a attribué son Prix à « Misterio » de Chema García Ibarra, l’un des 42 films de la compétition européenne. Ce conte fantastique espagnol a séduit les membres du jury pour son sens de l’absurde, du détail et du rêve. « Misterio » bénéficiera d’un dossier spécial et sera projeté dans le cadre de la carte blanche offerte au Festival de Brest le jeudi 13 mars 2014 au Studio des Ursulines (Paris, 5ème).

Katia Bayer, Rédactrice en chef et membre du jury Format Court, a annoncé le nom du lauréat à l’occasion de cette soirée de palmarès.

brest

 Misterio de Chema Garcia Ibarra (Espagne / 2013 / 11′)

Synopsis : On dit que si on colle son oreille à sa nuque, on entend parler la Vierge.