Reprise des Soirées Format Court, le jeudi 12 septembre 2013 au Studio des Ursulines

Du 2 au 6 juillet dernier, Format Court se rendait pour la première fois au Festival du film court en plein air de Grenoble. Après avoir consacré un focus à la plus ancienne manifestation du court encore existante en France (36 ans au compteur), nous vous proposons de découvrir le palmarès du festival à l’occasion de la première séance Format Court de l’année, le jeudi 12 septembre 2013, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème). Cette séance bénéficiera de la présence de trois équipes de films, des membres des différents jurys et de Guillaume Poulet, directeur de la Cinémathèque et du Festival de Grenoble.

Programmation

Le Mûrier noir (Shavi Tuta) de Gabriel Razmadze. Fiction, 21′, 2012, France, Géorgie, Ad Astra Films. Mention du Festival de Grenoble 2013, en compétition au Festival Côté Court 2013

Synopsis : Dans la ville minière de Chiatura (Géorgie), deux adolescents passent une journée ensemble, loin de leurs quotidiens respectifs.

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As it used to be de Clément Gonzalez. Fiction, 8′13″, 2012, France, Collectif 109. Prix d’aide à la création, Prix du public au Festival de Grenoble 2013. En présence de l’équipe

Synopsis : Dans un futur proche, les professeurs ne donnent cours que devant une classe vide et une simple webcam, retransmettant la leçon sur Internet. Un professeur d’histoire va voir son quotidien bousculé quand une élève franchit la porte de sa salle.

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Avant que de tout perdre de Xavier Legrand. Fiction, 30′, 2012, France, KG Productions. Grand Prix National, Prix du Public, Prix de la Jeunesse, Prix de la Presse Télérama au Festival de Clermont-Ferrand 2013, Prix uniFrance du court-métrage, Prix du meilleur scénario au Festival de Grenoble 2013. En présence de l’équipe

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Synopsis : Julien a dix ans. Il fait mine de se rendre à l’école mais se cache sous un pont, son cartable rempli de vêtements. À quelques kilomètres, Joséphine, 15 ans, fait de même et attend le bus.

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Lettres de femmes de Augusto Zanovello. Animation, 10′11″, 2013, France, Pictor Media Animation. Prix du public au Festival d’Annecy 2013, nomination au Cartoon d’Or 2013, Prix spécial du Grand jury, Prix du jury jeune & Mention spéciale du jury de presse au Festival de Grenoble 2013. En présence de l’équipe

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Synopsis : Sur le front de la Grande Guerre, l’infirmier Simon répare chaque jour les gueules cassées des poilus avec des lettres d’amour, des mots de femmes qui ont le pouvoir de guérir ces soldats de papier.

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The Mass of Men de Gabriel Gauchet. Fiction, 17′, 2012. Royaume-Uni, National Film and Television School. Pardino d’or au Festival de Locarno 2012, Grand prix, Prix du jury presse &  Mention spéciale du jury jeune au Festival de Grenoble 2013

Synopsis : Richard, un chômeur de 55 ans, arrive trois minutes en retard pour son rendez-vous au centre d’emploi. Sa conseillère, submergée par son travail, n’a pas d’autre choix que de le pénaliser. Pour éviter de sombrer dans la misère, Richard prend des mesures désespérées.

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En pratique

► Projection des films : jeudi 12 septembre 2013, à 20h30. Durée du programme : 87’

► Studio des Ursulines : 10 Rue des Ursulines, 75005 Paris

► Accès : RER B Luxembourg (sortie rue de l’Abbé de l’Épée), BUS 21, 27 (Feuillantines), 38 ou 82 (Auguste Comte), 84 ou 89 (Panthéon). Métro le plus proche: Ligne 7 – Censier Daubenton (mais apprêtez-vous à marcher un peu…).

Entrée : 6,50 €

Réservations vivement recommandées : soireesformatcourt@gmail.com

Festival International du Film Indépendant de Bordeaux : concours, résidence de post-production

Cette année, le Festival International du Film Indépendant de Bordeaux (3 au 9 octobre 2013) organise, en partenariat avec la Région Aquitaine, AQUITAINE FILM WORKOUT, un concours ouvert aux courts en cours de production, dont le gagnant remportera une résidence de post-production d’une valeur de 11.000 euros. La date limite de candidature est fixée au 20 septembre.

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Vous êtes en cours de production d’un court ou moyen-métrage ? Le Festival International du Film Indépendant de Bordeaux, en partenariat avec la Région Aquitaine, organise un concours dont le film gagnant sera invité en Aquitaine pour une résidence de post-production « sur mesure », d’une valeur totale de 11.000 euros. En plus du transport et de l’hébergement, le gagnant sera doté des prestations de post-production de son choix, à hauteur de 7.000 euros. Il sera également invité par la société Papaye – Cinépay à bénéficier d’une session complète d’étalonnage de 2 jours, d’une valeur de 2.000 euros.

Accessible aux productions européennes et méditerranéennes, le concours AQUITAINE FILM WORKOUT a pour ambition de soutenir la jeune création à travers cette étape essentielle qu’est la post-production d’un court ou d’un moyen métrage. Le film gagnant aura la chance de bénéficier de compétences et d’installations dont l’attractivité est appelée à s’étendre au-delà des frontières françaises.

Les inscriptions sont ouvertes jusqu’au 20 Septembre 2013. Pour connaître les modalités de participation et déposer votre candidature, rendez-vous sur : http://fifib.com/workout

Film Noir Festival, appel à films toujours en cours

La première édition du Film Noir Festival de Gisors, dont nous sommes partenaires, se déroulera du 5 au 8 décembre 2013. Parallèlement à une rétrospective très noire, le Festival lance sa toute première compétition de films courts (récompensée du Grand Prix, du Prix de la Mise en Scène, du Prix du Scénario, du Prix d’Interprétation, remis par le Jury des Professionnel et du Prix du Public). Peuvent participer à la compétition : les courts métrages de fiction, les films expérimentaux et les films d’animation ayant pour thématique le film noir.

– Sont exclus de la compétition les films publicitaires, institutionnels, les clips et films à caractères extrêmes.

– Le thème imposé pour cette première édition est le film noir.

– La compétition est ouverte à tous les courts métrages francophones finalisés depuis le 1er janvier 2012, non-soumis aux films à l’initiative d’une société de production, d’un réalisateur en autoproduction, d’une association ou d’une école.

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Les films ne doivent pas excéder quinze minutes [générique compris].

Tous les films non-francophones doivent être sous-titrés en langue française.

Tous les films doivent être envoyés impérativement avant le 30 septembre 2013 sur un support DVD ou sur clef USB à l’adresse suivante : Association Les Alibis Film Noir Festival 276, Rue de l’Eglise 59500 DORIGNIES DOUAI.

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Accéder au site du festival

Festival Partie(s) de Campagne

Depuis six ans, le village d’Ouroux en Morvan accueille en juillet le Festival Partie(s) de Campagne. À l’initiative de l’évènement, l’association Sceni Qua Non, qui tout au long de l’année met en place en milieu rural des dispositifs de diffusion, de création cinématographique et d’éducation à l’image et qui revendique sa volonté de “développer du lien social”. Grâce à Partie(s) de Campagne, le cinéma prend des airs de spectacle vivant.

Il suffit de voir ces routes sinueuses, traversant les forêts et côtoyant les lacs, pour comprendre qu’il n’est pas facile d’accéder à ce petit village du Morvan. Les festivaliers venus de tous horizons logent donc généralement sur le site pendant quatre jours. Au rythme des différentes programmations, les visages se font familiers, les relations se tissent entre les équipes de films, les bénévoles, les organisateurs et les spectateurs. Tous les matins, Jeanne, directrice de collège, offre dans son jardin un petit déjeuner copieux, autour duquel se rencontrent réalisateurs et festivaliers. Cette année, le festival s’est clôturé sur le bal populaire de la fête nationale, ses danses folk et son feu d’artifice, mêlant festivaliers et habitants des villages alentour.

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Le cinéma s’invite dans différents lieux du village qui, d’ordinaire, occupent bien d’autres fonctions (atelier de menuiserie, salle polyvalente – les plus charmants restant le bois, qui accueille les projections nocturnes et les concerts, et la grange, où une hirondelle projette régulièrement sur l’écran l’ombre de ses trajets).

La programmation kaléidoscopique multiplie les domaines et les points de vue. On retrouve les séances de compétitions francophones et jeune public (avec remises des différents prix, dont le fameux Jambon du Morvan), la sélection de l’Agence du court métrage (pour la célébration des 30 ans) et la programmation de courts du pays à l’honneur (cette année la Belgique, avec une carte blanche au festival du court de Bruxelles, à celui des films d’écoles de cinéma et au Centre Wallonie-Bruxelles).

D’anciens films burlesques, d’animation ou scopitones sont aussi diffusés en 16mm et super 8. Le festival n’oublie pas les courts métrages régionaux, les ciné-concerts, les moyens et les longs métrages, le tout en laissant place aux avant-premières et en faisant la part belle au documentaire.

Enfin, pour assurer une continuité entre les éditions successives du festival, une carte blanche est offerte à l’un des réalisateurs récompensés l’année précédente. Cette année, Maxime Feyers (« Come What May ») a proposé sa sélection de courts internationaux. On y découvre par exemple « Treffit », court finlandais de Jenni Toivoniemi. Cette comédie met en scène une rencontre féline : deux propriétaires de chats siamois font participer leurs animaux à des concours de races et organisent leur reproduction. Autour d’un hors champ sonore cocasse, les humains naviguent entre gêne et aisance badine et les adolescents sont renvoyés, en miroir, à l’éveil de leur puberté.

Toujours parmi les choix de de Maxime Fleyers, on trouve dans une toute autre veine « Zodiac », film grec de Konstantina Kotzamani. Un enfant est livré à la culpabilité et à lui-même dans une chambre d’hôtel, après avoir été abandonné par sa mère prostituée. Une transsexuelle prend Peter sous son aile, remplaçant pour un temps la figure maternelle. Les heures et les jours passent, dans une torpeur soutenue par la chaleur du jour et les néons nocturnes. Les jeux d’enfant trompent la réalité et la peur…

La carte blanche comprend aussi « Du soleil en hiver » de Samuel Collardey, en compétition à Ouroux quelques années auparavant. Se dessine ici l’esquisse de son premier long métrage, « L’Apprenti ». Le thème et le traitement sont similaires : un jeune apprenti, Francis, vient passer quelques mois de stage dans une ferme d’élevage en Franche-Comté. Entre Francis et Michel, l’éleveur, vont se nouer des liens autour du travail ralenti en hiver.

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On retrouve une certaine douceur de l’image, les plans-séquences fixes dans lequel le réalisateur laisse le temps s’installer, les silences prendre leur sens, les personnages se révéler, la lumière évoluer. Le choix du support 35mm y est pour beaucoup. La caméra, bien plus volumineuse et bruyante que l’outil numérique, impose sa présence physique, tout en restant immobile. Devant elle et grâce à elle, le minuscule, l’intangible prend vie. Et c’est aussi ce qui crée cette frontière floue entre documentaire et fiction, entre personnages et sujets/personnes, entre regard et écriture. Collardey glisse entre les genres et aime à comparer la réalisation avec le geste du peintre, plus particulièrement celui de Gustave Courbet (originaire d’Ornans, lui aussi) dont la peinture naturaliste s’attachait à représenter dans un format noble des sujets modestes, oubliés par la peinture de salon. La tendresse du regard porté au monde paysan et la place laissée au temps et au silence, s’inscrivent naturellement dans une certaine filiation avec Raymond Depardon. Depardon évoque l’art de saisir les “moments faibles”, et Collardey nous en offre ici une belle démonstration.

Arrêtons-nous maintenant sur les films de la compétition francophone. Celle-ci présentait 29 courts réalisés entre 2012 et 2013. Parmi eux, « Rétention » de Thomas Kruithof et « Fatigués d’être beaux », de Anne-Laure Daffis et Léo Marchand.

Rétention de Thomas Kruithof

Mathilde court après le temps, celui des administrations implacables qui n’attendent pas. Elle travaille dans un centre de rétention, sas de la justice, lieu intermédiaire entre les arrestations des sans-papiers et les décisions d’expulsions ou de trop rares libérations. Face au dossier de Yuri, Ukrainien employé en CDI et pourtant interné dans le centre et menacé d’être reconduit à la frontière, elle cherche la brèche où s’engouffrer et faire levier, faire s’effondrer les ressorts d’une procédure judiciaire qui porte bien mal son nom. Elle trouve enfin la faille, l’erreur qui devrait mener à la libération. Ou qui aurait dû. Car si les services ferment le vendredi à 16h, les expulsions zélées se font dans l’ombre, le week-end.

Son personnage est mécanique et efficace, elle remue les dossiers, les ressources possibles pour un homme qui a déjà baissé les bras, qui sait mieux qu’elle. Le rythme du film nous entraîne dans son tourbillon centrifuge, on pousse avec elle les portes des bureaux, mais la vacuité de l’entreprise viendra stopper net la progression. Une temporalité retenue par la pause cigarette au soleil : Mathilde accuse le coup. Elle brandit tout de même son ironie, ultime arme dans sa lutte quotidienne du pot de terre contre le pot de fer. Des points de suspension en guise de point final. Mathilde continuera sûrement sur sa lancée après… Juste le temps d’une cigarette.

Fatigués d’être beaux d’Anne-Laure Daffis et Léo Marchand

Dans un paysage désertique, deux cow-boys désœuvrés tuent le temps. Si Le Duc, la cinquantaine (Denis Lavant) est taciturne et opiniâtre, Cécile (Pablo Nicomedes), bien plus jeune, compose un personnage d’Avrel évaporé. Cécile tire une balle de revolver au hasard pour voir s’il parviendra à la retrouver dans le sable, le Duc se pique au jeu. Et voilà nos deux comparses occupés à chercher une aiguille dans une botte de foin.

Cet anti-western s’inscrit dans la veine du théâtre de l’absurde, l’ombre de Godot n’étant jamais bien loin. Comme chez Beckett, les personnages n’ont pas vraiment de réalité sociale. Piégés par une attente sans fin, ils se fixent un but artificiel pour remplir le vide. Le comique du duo repose sur le décalage, et sur l’absurdité de leur quête qui prend pour eux une importance primordiale. Le temps étiré, cyclique ou arrêté, se fond en abstraction, et prend des teintes surréalistes. Le titre du film sonne comme un écho à la réplique de Vladimir, l’un des personnages de Beckett : “On portait beaux alors. Maintenant il est trop tard. On ne nous laisserait même pas monter.” Les cow-boys sont las… S’ennuieraient-ils de n’être plus que des symboles ?

Sans doute n’est-ce pas par hasard si dans les trois films évoqués ici la notion de temporalité constitue un élément essentiel. Car le festival terminé, on prend conscience que notre rapport au temps a été insensiblement modifié, qu’il s’est modelé autrement, entre plaisir de savourer sans empressement et sensation de fugacité d’un moment vite écoulé. La particularité de Partie(s) de Campagne est bien de créer du lien, des interactions entre les différents intervenants : entre l’espace rural et les films, entre les divers participants, entre la musique et le cinéma. Tout circule et chaque élément vient prendre une dimension participative.

Juliette Borel

Short Screens #29 : Beats of Love

Amour toujours, aimer à en perdre la raison, les histoires d’amour finissent mal, je t’aime moi non plus…

Des premiers émois adolescents à la passion en passant par la rupture, c’est l’amour dans tous ses états que Short Screens vous invite à voir, en compagnie de la délicieuse Natalie Portman, à travers une sélection de 6 films issus de pays aussi différents que l’Inde, la Belgique, l’Iran, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Rendez-vous le jeudi 29 août à 19h30 au Cinéma Aventure, Galerie du Centre 57, 1000 Bruxelles. PAF 6 €.

PROGRAMMATION

HÔTEL CHEVALIER
Wes Anderson

USA, France / 2007 / fiction / 13′

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Avant de partir en voyage, Jack Whitman reçoit la visite de son ex-petite amie dans sa chambre d’hôtel parisienne.

THE IMPORTANCE OF SWEET & SALT
Benoit De Clerck

Belgique / 2012 / fiction / 13′

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En préparant le dîner pour son épouse, un homme regarde sa vie et en vient à s’interroger sur sa santé mentale. Une tragico-comédie sucrée-salée.

REVOLUTIONARY MEMORIES OF BAHMAN WHO LOVED LEILA
Farahnaz Sharifi

Iran / 2012 / documentaire XP / 15′

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Téhéran, 1978. La ville est à feu et à sang. Le jeune Bahman tombe amoureux de Leila, la soeur de son ami mort. Troubles dans la rue, tumultes du cœur.

BEAUTY
Torsha Banerjee

Inde / 2011 / fiction / 10’45

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Une tendre liaison s’installe entre Beauty, 16 ans, vierge et fille de prostituée, vivant dans une maison close, et un jeune garçon de 19 ans inexpérimenté. Mais la tendresse a-t-elle sa place dans ce genre d’endroit ?

NATASHA
Roman Klochkov

Belgique / 2012 / animation / 14′

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L’ours russe Nicolaï émigre en Europe pour prouver à l’Amour de sa vie (sa merveilleuse ex-femme Natasha) qu’il n’est pas un looser. Un film sur un ours et l’Amour de sa vie…..

LOVE YOU MORE
Sam Taylor-Wood

UK / 2008 / fiction / 15′

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Un été 1978 à Londres. Georgia et Peter sont dans la même classe. Après la classe Peter va s’acheter le dernier disque des Buzzcocks chez le disquaire le plus proche. Mais Georgia le désire aussi, et il n’en reste qu’un…

Un projet à l’initiative de l’asbl Artatouille et FormatCourt.

Matthieu Salmon : « Au départ, je voulais juste être monteur, mais rapidement, j’ai pris goût à la réalisation »

Deux années de fac ratées, un passé de facteur avec sa petite auto, de l’intérim dans une imprimerie, une pratique de la photo mais aussi du travail à la chaîne dans les labos photo avant l’avènement du numérique, des aspirations littéraires, une attirance pour l’image, une envie de quitter la province, de rejoindre la Fémis et l’univers du cinéma « inaccessible ». Matthieu Salmon a dû finir sa formation de monteur et trouver une certaine motivation pour réaliser, à 33 ans, son premier court métrage « Le Lac, la plage » (2006) suivi de « Week-end à la campagne » (2007) et  de « La Dérive » (2011), projeté lors de la toute première soirée Format Court. Mais il lui a fallu beaucoup moins de 33 ans pour, presque malgré lui, nous instruire et nous faire rire en nous faisant part de quelques unes de ces étapes qui l’ont amené à devenir réalisateur et scénariste.

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Comment est né le projet de « Le Lac, la plage », ton premier court métrage dans lequel on note l’importance du hors champs ?

Je ne sais plus comment le film est apparu. Au final, le film n’est absolument pas ce qu’il devait être à l’origine. Evidemment, c’est la même histoire. L’idée de départ, c’était qu’il y avait cette fille dont tout le monde tombait un petit peu amoureux et elle, elle, tombait amoureuse du chien. Et donc tout le monde voulait être à la place du chien. Par après, le tournage s’est passé de façon assez catastrophique. En plus, pour moi, c’était une première expérience. Je n’avais jamais rien fait avant. Je travaillais déjà dans le montage mais surtout pour la télévision. Je voulais en fait m’en extirper  et essayer de monter des courts métrages, des films de cinéma. J’avais appelé une dizaine de boîtes de productions pour savoir si elles avaient besoin d’un monteur sur des courts. Je voulais me former comme ça, mais je n’y arrivais pas, je ne trouvais rien. Je me suis donc dit : « Ce n’est pas grave, je vais écrire un film et le tourner. Comme ça, ça me fera un truc à montrer ». Au départ, je voulais juste être monteur, mais rapidement, j’ai pris goût à la réalisation. Tout le processus d’écriture, de réalisation, de tournage et de montage, finalement, m’a plu ! Beaucoup même (rires). Avant de réaliser « Le Lac, la plage », je n’avais jamais écrit de scénario. J’avais 33 ans quand j’ai réalisé mon premier film, ce qui est assez vieux en fait. Il y a des gens qui font un premier court alors qu’ils ont une vingtaine d’années. Au lieu d’emprunter une ligne droite, j’ai plutôt suivi un chemin avec des tours et des détours (sourire). À l’époque, j’écrivais des nouvelles, mais j’avais un problème de style. Le mien était beaucoup trop ampoulé. Ça ne marchait pas et puis, je ne faisais rien lire à personne. J’étais mon seul lecteur.

Pourquoi ?

Parce que j’estimais que ce n’était pas suffisamment bon (rires) pour le faire lire à d’autres gens, même à des amis. J’en ai parlé à ma copine de l’époque qui traduisait des scénarii du français vers l’anglais et qui conservait ceux qu’elle aimait bien chez elle. Elle m’a dit : « Tu devrais écrire un scénario ». Elle m’a sorti toute une pile de scénarii et j’ai commencé à les lire, à en étudier la forme, à me rendre compte que le style n’était pas si crucial. C’est ce qui m’a beaucoup plu en fait. Je me suis dit que je pouvais raconter une histoire mais sans avoir de style, que je pouvais faire des phrases avec des répétitions. Ce qui est important, c’est la façon dont l’histoire se déroule, les étapes, la progression. À l’époque, ça m’a semblé beaucoup plus simple que d’écrire des nouvelles.

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Après qu’as-tu fait ?

J’ai cherché des boîtes de production. C’était pareil : je ne connaissais personne. Je me suis alors rendu à la Maison du Film Court. Après avoir rencontré les gens là-bas, j’ai retravaillé le scénario. On m’y a donné plusieurs noms de boîtes de production susceptibles d’être intéressées par mon scénario. La plupart ne m’a pas répondu. L’une d’elles qui s’appelait Carlito m’a répondu positivement. Olivier Gastinel, le producteur avec qui j’ai fait le film, m’a rappelé deux jours après. Il était emballé. Cela m’a surpris à l’époque. Je me suis dit : « C’est bizarre, ça cache un truc… » (rires).  On s’est finalement engagé sur ce projet, Olivier et moi. Ensuite, les choses se sont compliquées. Il a fallu chercher des financements. On en a trouvé assez peu. On a envoyé le projet à plusieurs régions. Une seule nous a répondu positivement : la région Limousin avec laquelle d’ailleurs j’ai encore de bons rapports puisqu’elle soutient mon prochain film qui s’appelle pour l’instant « Les Mâles ne vivent pas ».

C’est un court ? Un long ?

Tel qu’il est, il fait une grosse trentaine de pages. Je pense que ce sera un film de 30 à 40 minutes. Plutôt un moyen donc.

Tu ne l’as pas encore tourné…

Non. J’espère le tourner dans quelques mois, à l’automne 2013. On a eu un premier financement de la Région. Avec  « La Dérive » (ndlr son dernier court métrage à ce jour), on a eu le Prix d’Aide à la Qualité, donc, c’est de l’argent que l’on va réinjecter sur le prochain tournage. Là, on va tenter le CNC début décembre mais l’aide est difficile à avoir. Je ne l’ai jamais eue.

Pourquoi ne pas tourner plus tôt ?

Parce que l’histoire doit débuter en automne et reprendre en hiver. C’est très beau, en région. Les couleurs, la nature, tout se prête à l’histoire.

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Comment s’est passé ton premier tournage ?

Sur le tournage de « Le Lac, la plage », tout le monde a travaillé de façon bénévole, les acteurs inclus. C’était très particulier car c’était une première expérience pour moi et pour beaucoup de gens, sauf pour les comédiens. J’avais besoin de me retrouver avec des amis et des gens que je connaissais un peu, pas avec des étrangers. Par exemple, un de mes amis, Fabrice Garcia, a été premier assistant. Il avait déjà tourné un court métrage qu’il avait lui-même produit, « Billy Drunk et Shitty Boy contre le Calamar killer », l’histoire d’un calamar géant qui se mettait à tuer des clochards, sur lequel il avait tout fait. Il m’a rassuré avant le tournage. Olivier Gastinel, le producteur, a ramené le chef opérateur avec qui ça a été plutôt dur humainement. Il avait l’habitude d’être assistant caméra sur des grosses productions, il travaillait beaucoup à l’époque avec EuropaCorp sur les productions Besson. Il faisait les « Taxi », Il avait l’habitude des grosses machineries avec des équipes lourdes. Il a dû être surpris quand il a débarqué sur un court métrage où personne n’y connaissait rien (rires). Ce n’était pas un projet amateur mais un projet fragile. Le tournage me faisait assez peur parce que je ne savais pas du tout comment l’aborder. Je n’ai jamais fait de théâtre, je n’ai jamais joué, je me sens mal à l’aise là- dedans, je suis de nature un peu timide. Me retrouver face aux comédiens, au départ, n’a pas été évident.

Qu’est-ce qui te faisait peur avec les comédiens ?

La façon dont il fallait que je leur parle. J’avais l’impression que comme ils avaient déjà joué, ils s’y connaissaient plus que moi. Je trouvais présomptueux de leur donner des indications de jeu alors que je découvrais tout ça. (…) Jean-Claude Montel de la Maison du Film Court m’avait conseillé quelques comédiens qu’il connaissait. Auparavant, il était directeur de casting. D’ailleurs, c’est parmi les acteurs dont il m’a parlé que j’en ai retenu quelques uns dont Pierre Mours (que l’on retrouve dans son second court métrage « Week-end à la campagne ») et Guillaume Verdier.

Dans « Le Lac, la plage » et « Week-end à la campagne », le chien a une importance particulière…

J’ai écrit les deux films de façon assez rapprochée. Je me suis toujours inspiré de mauvaises expériences personnelles (rires). J’ai très peur des chiens par exemple. Il y avait une idée assez dérisoire dans le fait que cette fille tombe amoureuse de ce chien que tout le monde tombe amoureux de cette fille et que le chien cristallise toutes les envies, tous les désirs et les peurs aussi. En plus, le chien est un animal toujours très ambivalent; c’est à la fois le meilleur ami de l’homme et un animal qui peut être potentiellement dangereux. (…) Un chien, c’est pratique pour raconter une histoire. Je me disais presque que si j’en mettais un chien dans un film, ça le rendrait intéressante. Une histoire où tout le monde aurait été amoureux de la même fille me paraissait plus plate, alors qu’avec un chien au milieu renvoyait aux extrêmes.

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Qu’est-ce qui fait que tu ne tournes pas davantage ?

Parce que je suis un type lent et parce que, finalement, c’est tout un processus. Même pour un film plus léger que je pourrais faire avec des amis, il faudrait que je les convainque de gaspiller deux ou trois jours de leur temps (rires). Rien ne se fait finalement sans travail.

Dans tes films, tu es très attentif au cadre. Est-ce que tu as fait de la photo ?

Oui. Il y a longtemps. Avant ma formation de monteur à l’AFPA, je faisais de la photo en amateur. Dans « Le Lac, la plage » et dans « Week-end à la campagne », le premier plan est important. J’essaye d’y raconter tout le film. C’est moins le cas dans  « La Dérive » car on l’a monté différemment. Le film s’ouvrait sur la main de Dominique (Reymond) qui froissait un petit billet sur lequel était écrit « Bonne chance ». Après, on a fait débuter le film avec des images d’usine.

En combien de temps « La Dérive » (2011) a-t-il été tourné ?

On l’a tourné sur cinq jours à Cap 18 qui est une zone industrielle proche du Boulevard Mac Donald, où tout est refait, où il y a plein de chantiers. C’est une zone de Paris qui est complètement en construction, en chamboulement. Quand on a tourné là-bas, il y avait encore des grues. Tout va s’y transformer visuellement. Ils sont en train de construire un complexe, des parkings, des magasins, des habitations.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de tourner là-bas ?

Au départ, je n’avais pas de lieu en tête. Je savais que j’allais tourner à Paris et puis, on a obtenu une aide de la Mairie de Paris, et j’ai commencé à chercher une imprimerie. J’ai toujours pensé le film comme ça, à la base. Il y a longtemps, pendant mon adolescence, j’ai travaillé dans une imprimerie, dans une zone industrielle comme ça, avec un côté très « usine ». (…) Je connais donc un petit peu ce milieu-là. (…). Cap 18 est aussi une zone industrielle où il y a beaucoup d’imprimeries très modernes.  Celle où nous avons tourné avait pour particularité d’avoir de vieilles machines mécaniques sur lesquelles on travaillait encore. Des machines aujourd’hui obsolètes.

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Quand tu faisais un plan fixe sur une machine, quel était ton but ?

Ce que je voulais trouver, c’était la mécanique et le rythme, les rouages, la cadence, un son…. C’est presque de la musicalité en fin de compte, quelque chose de très répétitif, de très abrutissant.

Contrairement à tes deux précédents courts, tu t’es servi d’une musique, celle d’Ayméric Hainaux. Avais-tu déjà la musique en tête ou l’as-tu trouvée après avoir réalisé le film ?

On a trouvé la musique après, je ne sais plus par quel biais. J’y ai pensé trop tard, mais je voulais que le personnage de Virginie passe devant des gens qui font de la musique. J’imaginais des gens qui faisaient une sorte de slam dans tous ces espaces désaffectés. Ce qui m’intéressait, c’était le rythme. N’ayant pas filmé ça pendant le tournage parce que ce n’était pas écrit dans le scénario, cela a été un petit peu rattrapé au montage, en discutant avec ma copine de l’époque. Je lui ai dit : « Ce serait bien de trouver un morceau de rap ou de slam, de l’ordre du souffle ». Elle a pensé à Ayméric Hainaux qu’elle connaissait et qui fait du beat box avec sa voix ; il se sert d’un micro, d’un ampli et c’est tout. Il n’a aucun instrument, il ne chante pas, et ce n’est pas plus mal. Ce qui m’intéressait, c’était lorsqu’on l’entendait respirer : cela me rappelait le rythme des machines. (….). Il y avait l’envie de rendre quelque chose d’oppressant.

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Pendant la soirée de projection Format Court, tu nous as dit t’être inspiré pour « La Dérive » d’une rupture amoureuse en t’avisant que perdre son travail pouvait être plus grave…

Oui, c’était toute l’idée au départ. J’étais un peu, voire complètement déprimé. J’allais au boulot sans vraiment avoir envie d’y aller et je me suis dit : « Qu’est-ce qui pourrait m’arriver de pire ? ». L’idée est venue comme ça : traiter de la perte du travail comme la perte d’un être cher avec le même sentiment que celui qui me traversait à l’époque : un sentiment d’incompréhension.

D’ailleurs, il y a cette phrase de l’héroïne : « Je ne comprends pas », à laquelle le chef répond :  » Mais il n’y a rien à comprendre ».

Oui ! Pendant l’écriture du scénario, chaque fois qu’il y avait un dialogue, j’essayais de repenser à ça. Même quand Virginie parle avec le personnage interprété par Farida Rahouadj : tous leurs dialogues, pour moi, sont ceux d’une scène de rupture. L’une dit : « Pourtant, ça se passait bien. Je ne comprends pas. Pourquoi ? ». En fait quand l’autre te quitte, il n’y a pas de pourquoi. Tu ne sauras jamais parce que l’autre va te donner mille explications. En fait, tu ne comprends jamais parce que c’est tellement violent et parce qu’au fond, il n’y a pas de raison. Et puis, il y a aussi ce sentiment d’être abandonné. Pour le personnage de Virginie, le plus dur n’est pas de perdre son travail mais de perdre ses collègues et ses relations sociales. Si « La Dérive » avait pu être plus long, c’est tout ce pan-là qui aurait été développé : elle, confrontée à sa solitude. (….) À un moment donné, je voulais appeler le film comme ça : « Une Revenante, La Revenante ». Mais, j’ai trouvé que ça ne sonnait pas forcément bien (rires). D’autant qu’à la fin, Virginie revient comme une sorte de fantôme, de spectre, qui hante à la fois le terrain vague, les imprimeries et tous les alentours. C’est pour ça d’ailleurs que Dominique a été beaucoup maquillée, blanchie, qu’elle portait un long manteau noir et qu’elle avait une façon de marcher comme un zombie….

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Pourquoi le titre « La Dérive » ?

Nous sommes passés par plusieurs phases. Guy Debord a écrit sur la société du spectacle un texte qui s’appelait « La Dérive » où le principe est de commencer à marcher sans aucune raison, sans aucun but, dans un territoire donné, de dériver, que ce soit en ville ou à la campagne, du matin au soir, et de découvrir un lieu comme ça. C’est une espèce de théorie qu’il a développée et que j’ai découverte en montant le film.

Propos recueillis par Franck Unimon

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La Dérive de Matthieu Salmon

Virginie, la cinquantaine, a accepté d’être licenciée de l’imprimerie où elle travaillait depuis des années. Pour fêter son départ, ses anciens collègues lui ont offert une plante accompagné de cette note : « Bonne chance ».

Bonne chance ? Pour bienveillant que soit l’encouragement de ses anciens collègues, Virginie, hélas, aurait sans doute besoin d’un peu plus que de la chance. Les vrais chanceux, c’est nous, les spectateurs de « La Dérive », troisième court métrage de Matthieu Salmon. Lequel court métrage, un an et demi après avoir été montré – en la présence de son réalisateur – à notre première soirée Format Court aux Ursulines retournait encore mes pensées. Disons-le ! Si ce focus sur Matthieu Salmon existe aujourd’hui, c’est d’abord parce qu’il m’était devenu nécessaire d’écrire sur « La Dérive ». Les paroles d’une certaine chanson disaient : « Tout pour la musique ». Aujourd’hui, j’écrirais :  » Tout pour La Dérive ». Même si la première œuvre citée est beaucoup plus légère que celle de Salmon.

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Rien de léger dans « La Dérive » donc. Aucun rapport avec l’extase que peut connaître l’apnéiste alors qu’il effectue une plongée optimale. Et pourtant, on accepte de glisser vers l’inexorable. Cela tient bien sûr à Virginie, interprétée avec pénétration par Dominique Reymond, sorte de mante religieuse qui s’auto-décapite car incapable de véritablement nuire à quiconque.

Car Virginie est surtout une victime broyée par ce destin auquel elle a donné la main en acceptant son licenciement. Un destin qu’elle ignorait durant toutes ces années où elle s’était fondue dans son lieu de travail. Un lieu de travail socialisant, structurant et rémunérateur qui la maintenait dans une cécité ordinaire et nécessaire afin de pouvoir accepter l’abrutissement et l’humiliation de son emploi. Aussi, à moins d’être capable de devenir un meurtrier pour obtenir ou sauver son emploi et sa peau tel le personnage interprété par José Garcia dans «  Le Couperet » de Costas-Gavras, dès le début du film, on s’identifie à Virginie « la vulnérable ». Et que fait Virginie au début de « La Dérive » ? Elle ferme les yeux, seule et silencieuse dans sa cuisine devant la plante que ses anciens collègues lui ont offerte. À cette première image, en plan fixe, répondent ensuite celles de l’imprimerie mécanique et du vacarme dont elle a cru pouvoir se passer. À la quiétude et la douceur plutôt charnelle du recueillement de Virginie devant sa plante, répond la violence grossière et bornée du travail à l’usine qui peut évoquer l’échafaud ou la mutilation.

Puis, c’est la déchéance. La dépendance de Virginie envers son ancien lieu de travail et ses relations avec ses anciens collègues est si inflexible qu’en vingt minutes, nous assistons à la décrépitude voire à la désintégration morale et sociale de Virginie.

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« La Dérive » est montée de telle manière qu’au départ, nous croyons que Virginie se rend à son travail comme n’importe quelle employée. Mais il s’agit d’habitudes contractées au cours des années. Des habitudes auxquelles elle se réfère telle une revenante, incapable d’en changer. Virginie croit sans doute avoir fait un mauvais rêve : elle suppose probablement qu’elle est toujours employée dans son imprimerie. Car après un mauvais rêve, tout reste réversible. D’abord accueillie avec sympathie par ses anciens collègues, elle cesse peu à peu de devenir une personne fréquentable, cesse d’avoir un prénom. Ce qu’elle a à dire n’a plus d’importance. Et puis, ce qu’elle pouvait dire ou penser avait-il vraiment de l’importance auparavant ? N’était-ce pas plutôt par politesse qu’on l’écoutait et qu’on la laissait s’exprimer ?

Alors, Virginie perd jusqu’à la parole, comme l’on perd pied, tant la raison sociale et professionnelle qui la liait à ses anciens collègues est coupée à l’image d’un cordon ombilical vicié et irrécupérable. Ancienne ouvrière dans une imprimerie, elle n’imprime plus, tourne à vide. Pire : elle devient une paria, une presque démente aux attitudes de petite fille de six ans exclue définitivement de l’école primaire et dont la maladie, hautement contagieuse ou honteuse, peut justifier qu’on la lapide ; ou un toutou quêtant peureusement et timidement du regard, et à distance, une marque de reconnaissance de celles et ceux qui avaient été ses anciens collègues. Et l’on peut alors penser au titre « Ne me quitte pas » de Jacques Brel même si Edith Piaf, mal à l’aise devant le texte de cette chanson, aurait un jour déclaré qu’on ne devrait pas chanter ce genre de choses.

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Encore pire : Virginie disparaît de l’image. À la fin de « La Dérive », on ne la voit plus. Ne subsistent que des plans fixes de friches et du trafic immobile. Dans « Le Lac, la plage », le premier court de Matthieu Salmon, la victime disparaissait dans l’eau et ne reparaissait plus. Ici, elle disparaît de l’espace.

Les plans fixes, un juste équilibre entre les séquences portées par la gouache du beat box d’Aymeric Hainaux et celles où les dialogues, millimétrés, sobres, respirés et dits juste comme il faut (bravo aux comédiens !) donnent à « La Dérive » une rythmique émotionnelle abrupte. Et juste.

Et puis, réalisé en 2011, le film nous montre un monde liquidé, obsolète. Bien sûr, à l’ère de l’électronique et de l’informatique, les imprimeries mécaniques en sont le premier indice. Mais regardons d’un peu plus près les anciens collègues de Virginie. Quel âge ont-ils en moyenne ? La quarantaine tout au plus (une des ex collègues qui aspire à obtenir un CDI a à peine 30 ans). Pourtant, aucun n’a sur lui les attributs assez caractéristiques de notre époque : pas de MP3, pas de téléphone portable, de tenue vestimentaire ou de signe particulier (piercing, boucle d’oreille, tatouage,…). Même si quelques scènes nous montrant un train de banlieue ou le trafic automobile dans l’arrière-plan nous permettent de comprendre que l’histoire se déroule vraisemblablement aujourd’hui, tous les protagonistes de « La Dérive » sont les récipients d’un passé plutôt daté des années 80, soit des années où la Crise avait été officiellement annoncée : Virginie fait définitivement partie du passé et toute possibilité de reconversion afin de « rebondir » est pour elle a priori indéfiniment inconcevable.

On peut se « contenter » de découvrir « La Dérive » comme la description réaliste d’un licenciement. Cependant, lorsque l’on apprend l’événement qui a inspiré ce film à Matthieu Salmon (cf. interview ci-dessous), on « goûte » encore plus à son film.

Franck Unimon

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Fiche technique

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Synopsis : Virginie travaille dans une imprimerie en banlieue de Paris. Un jour, conjoncture économique oblige, elle est licenciée. Mais Virginie n’arrive pas à partir, vraiment pas.

Genre : Fiction

Pays : France

Durée : 21 min

Année : 2011

Réalisation et scénario : Matthieu Salmon

Monteur : Benoît Quinon

Monteur son : Jean-François Viguié

Interprétation : Dominique Reymond, Farida Rahouadj, Morgane Hainaux, Bruno Clairefond, Xavier Maly

Directeur photo : Charles Wilhelem

Production : Stromboli

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Week-end à la campagne de Matthieu Salmon

« Week-end à la campagne » propose plusieurs correspondances avec « Le Lac, la plage », le premier court de Matthieu Salmon réalisé deux ans plus tôt. En tout premier lieu parce que  l’on  y  retrouve  l’acteur Pierre Moure (le personnage de Mark) et  aussi  parce  qu’une  certaine  atmosphère et certains thèmes sont communs aux deux films. Matthieu Salmon semble néanmoins s’amuser à brouiller un peu les rôles. Dans Le Lac, la plage », l’acteur Pierre Moure interprétait un personnage asexué et immature; sa phobie des chiens faisait de lui le témoin impuissant d’un homicide involontaire. Ici, dans « Week-end à la campagne », son personnage a « viré » : plutôt dominateur, en terrain conquis (ils vont chez son père), à l’aise avec les chiens, il est celui qui, régulièrement, va titiller le personnage de Pierre (l’acteur Théo Frilet).

Visionnez un extrait du film


Deux copains, Pierre et Mark ? Deux copains peu bavards, alors. Comme dans « Le Lac, la plage », les protagonistes  n’ont  rien  à  voir avec des personnages rohmériens à la volubilité imputrescible. De plus, le  premier  plan  fixe  l’importance du hors-champ ; ce qui est invisible est plus important que ce  que  l’on  voit.  Sur cet invisible, pend le désir de Mark pour Pierre et la peur de celui-ci pour les chiens et, vraisemblablement, pour ses propres désirs. Mais l’attirance  de  Mark pour Pierre est assez peu flagrante au premier coup  d’œil. Elle  s’exprime par petites touches,  d’abord  de  manière  civilisée,  humanisée,   puis  animale lorsqu’elle échoue. Tandis que dans « Le Lac, la plage », l’approche  de  l’être  désiré   s’était rapidement faite – après alcoolisation – de façon agitée, débridée et définitive (la quête de l’être désiré se termine par son asphyxie involontaire par noyade).

Dans « Week-end à la campagne » aussi, on ne prévoit rien du début de la relation de Mark et Pierre comme du motif réel ou officiel pour ce week-end à la campagne. Alors, on imagine que Mark a invité Pierre et que celui-ci a accepté. Dans le premier court métrage, un lac et une plage offrent un cadre paisible et intimiste, réduction  d’un  paradis sur terre. Dans celui-ci, une maison de campagne avec piscine remplit cet office. Cependant, pour avoir droit à ce paradis, il faut faire avec ses peurs (les  chiens) et  ses  désirs. Si l’homosexualité de Mark s’affirme, Pierre semble lesté par le doute et une certaine candeur. Dans « Le Lac, la plage », la personne désirée offrait une certaine assurance qui maintenait à distance son agresseur tout en l’aimantant. Ici, les contours et les motivations de la personnalité de Pierre restent assez flous. En résulte la frustration de Mark (tout ce trajet jusqu’à la maison de campagne pour finalement, devoir faire abstinence) suivie d’un rapport de forces, puis d’une vengeance assortie de l’intention d’humilier l’être désiré qui s’est dérobé (Pierre va jusqu’à refuser de se faire prêter une serviette de bain).

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Plutôt que d’opposer frontalement les deux personnages de Mark et Pierre comme l’un dont l’identité sexuelle serait pleinement assumée et l’autre niée, on peut aussi les voir comme porteurs de deux univers différents : l’un (Mark), plutôt terre-à-terre, veut « consommer » celui qu’il désire. L’autre (Pierre), inspiré par un imaginaire que l’on peut « juger » puéril ou lâche – mais aussi asexué – ressemble un peu à un extra-terrestre ou à un être assez asocial qui découvrirait certains codes plus qu’évidents pour d’autres. Pierre aurait ainsi vraisemblablement déconcerté et frustré de la même façon une jeune femme l’entreprenant ouvertement : aussi surprenant que cela puisse paraître, il est visiblement inapte, étranger, ou en tout cas immature, à toute forme de relation impliquant ici un engagement sexuel. Cet « handicap » d’abord social qui isole et rend impossible la communication et la compréhension entre les êtres laquait par ailleurs déjà le récit de « Le Lac, la plage ».

Mais Mark n’a que faire de ces théorisations socio-psychologisantes et, à la fin de « Week-end à la campagne », son verdict est sans appel : « Pédé ! » assène-t-il à Pierre à travers la vitre du train qui s’ébranle. Celle-ci est alors tel un reflet ou un miroir et Mark semble aussi se dire cela à lui-même ; autant qu’une insulte ou une menace, ce mot est peut-être aussi son aveu d’impuissance : il a échoué à séduire Pierre donc à l’atteindre. Dès que le train se sera éloigné, Mark se retrouvera seul. Avec son père, ses chiens et la piscine. Pas de quoi sauter de joie. Comment séduire ? Comment entrer en relation avec quelqu’un qui n’est pas pour soi ? S’il se trouve parmi les lecteurs de Format Court des personnes qui ont les réponses à ces questions, prière de les adresser à la rédaction qui les transmettra à Mark.

Franck Unimon

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W comme Week end à la campagne

Fiche technique

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Synopsis : Pierre et Mark, deux copains d’environ une vingtaine d’années, prennent le train pour passer un week-end dans la maison de campagne du père de ce dernier.

Genre : Fiction

Durée : 17′

Pays : France

Année : 2007

Réalisation : Matthieu Salmon

Scénario : Matthieu Salmon

Image : Hervé Labourdette

Monteur : Denis Lacono

Montage son : Julien Ravel

Interprétation : Pierre Mourre, Théo Frilet, Jean-Claude Dumas

Production : Theorem

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L comme Le Lac, la plage

Fiche technique

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Synopsis : Quatre amis et leur chien passent l’après-midi au bord d’un lac. Bronzette. Barbecue. Baignade. C’est une journée inoubliable.

Genre : Fiction

Durée : 17′

Pays : France

Année : 2006

Réalisation : Matthieu Salmon

Scénario : Matthieu Salmon

Image : Philip Lozano

Montage : Denis Lacono

Production : Theorem

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Le Lac, la plage de Matthieu Salmon

Au bord d’un lac désert, sur la plage, Antoine entraîne son chien Rezo, un rottweiler, à mordre dans un bout de bois. Son ami Christophe, effrayé, garde ses distances. La sœur d’Antoine attend la venue d’une amie. Elle tarde et Antoine s’impatiente; il a hâte de préparer le barbecue prévu. L’amie survient, caresse Rezo, et exprime son attachement pour les chiens. Les deux hommes sont surpris : la jeune femme est un dispositif de désir à haute fréquence. Et même la sœur d’Antoine lui adresse un peu plus que de l’amitié…

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Si le hors champ apparaît plusieurs fois souverain dans ce premier court de Matthieu Salmon, le boniment semble aussi relever du hors sujet. « Le Lac, la plage » dure 17 minutes et pourtant, malgré quatre protagonistes pourvus d’un organe de la parole intact, il serait facile de recenser le nombre de phrases prononcées; ainsi, les premiers sons organiques du film proviennent des grognements de Rezo, qu’Antoine entraîne, tandis qu’un plan panoramique nous « sert » le décor du lac, du ciel et de la plage. Rezo est-il donc celui qui a le plus à dire à propos du désir, sujet principal – et obsédant – du film ? Non, mais il va être le révélateur ou le témoin de l’infirmité ou de la brutale vulnérabilité de chacun face au désir.

Le lieu de l’histoire est un endroit hospitalier voire paradisiaque au bord d’un lac, près d’une forêt où les protagonistes bénéficient d’un espace et d’une tranquillité que bien des vacanciers pourraient leur envier. Plutôt que de contribuer à l’épanouissement des relations, il va plutôt les faire dégénérer. Ironie ou regard désabusé du réalisateur sur les rapports humains ?

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L’humour est cependant présent; au début du film, on s’amusera sans doute à voir la fuite de Christophe alors que décelant sa peur qu’il nie, Rezo le poursuit. Christophe trouvera son apaisement en se réfugiant dans la voiture sous l’escorte de Rezo qui, désormais mu en chien de garde, le dissuadera plus tard d’en sortir. Et personne ne viendra lui prêter secours ou lui porter ne serait-ce qu’une merguez. Dans « Le Lac, la plage », il est fortement recommandé de renoncer à l’aide de son prochain en cas de coup dur. Supposés partager un moment de convivialité, Antoine, sa sœur, l’amie de celle-ci et Christophe s’entreposent chacun dans une espèce d’indifférence ou de détachement les uns par rapport aux autres (y compris entre Antoine et sa sœur). Aucune harmonie ou dynamique de groupe n’est perceptible lors de ce barbecue. Reste le désir, une épreuve manifestement surhumaine pour nos « héros ». Nous assistons dès lors, sur la plage, au débarquement puis à la débâcle des stratégies adoptées pour l’aborder. Parmi elles, on y trouve le mensonge, la stupidité et la lâcheté. Ainsi Antoine qui, après s’être déclaré insensible aux charmes de l’amie de sa soeur, force son rôle de mâle dominant, croyant ainsi se rendre irrésistible, et parvient à se rendre, malgré lui, plus proche d’un violeur, d’un assassin ou d’un chien fou lorsqu’excité et prétendant s’amuser, il finit par noyer la jeune femme. Ou encore Christophe, demeuré passif en témoin impuissant du drame depuis la voiture dont il lui est impossible de sortir puisque Rezo, à proximité du véhicule, se met à aboyer. L’imaginaire et la rêverie solitaire (celle de la sœur d’Antoine qui semble convoler avec ses pensées dans les bois tandis que son frère commet l’irréparable) font aussi partie des stratégies de l’échec.

La « communication » et la « médiation » entre les êtres humains, des valeurs ou disciplines régulièrement vantées ? Elles disparaissent ici, comme noyées. D’où vient que l’on accepte, alors, de regarder « Le Lac, la plage » jusqu’à son terme ? Peut-être parce que, de par son réalisme et son absence de grandiloquence, il peut nous rappeler la « vérité » de certains faits divers.

Franck Unimon

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Focus Matthieu Salmon

Un court métrage de Matthieu Salmon, c’est semble-t-il un film où l’importance du cadre, souvent fixe, est primordiale et remplace bien des lignes de dialogues. Son cinéma, composé de « Le lac, la plage » (2006), « Week-end à la campagne » (2007) et « La Dérive » (2011), n’a ni peur des silences ni des hors champs ni d’une certaine  « lenteur ». Ses protagonistes, adultes, sont peu bavards ou perdent régulièrement la capacité de parler. Ils perdent aussi régulièrement pied, que ce soit dans la nature, dans l’eau ou en pleine ville, voire disparaissent (les femmes surtout) et le plus souvent sans faire de bruit. Il n’y a rien d’hystérique dans son cinéma, plutôt une espèce d’attente, de résignation, un espoir qu’une personne extérieure va intervenir dans ses histoires et faire office de sauveur. Sauf que cette personne n’existe pas et que ses protagonistes sont souvent spectateurs ou victimes de ce qui leur arrive.

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"La Dérive"

L’imaginaire qui ressort de ses films est patient, assez doux, isolant, peu tourné vers le comique de situation (hormis dans « Le lac, la plage »), davantage traversé par le drame et le tragique. Ce qui se dégage aussi, c’est le désir contrarié, l’ambivalence et les peurs qui affleurent à un moment ou à un autre. Ce qui attribue à son cinéma une bonne verve de réalisme qui, sans trop en dire, finit par nous parler.

Franck Unimon

Retrouvez dans ce Focus :

L’interview de Matthieu Salmon

La critique de « La Dérive »

La critique de « Week-end à la campagne »

La critique de « Le Lac, la plage »