E comme En attendant le dégel

Fiche technique

Synopsis : Une fratrie désunie se retrouve lors d’un déménagement. Les jeunes gens prennent la route sans se douter que des embuches vont parsemer leur voyage…

Genre : Fiction

Durée : 19’50 »

Pays : Belgique

Année : 2013

Réalisation : Sarah Hirtt

Scénario : Sarah Hirtt

Images : Leonidas Arvanitis

Décors : Olivia Sprumont

Musique : Salsky Jr Le Skeleton Band

Montage : Anna Brunstein

Son : Paul Gautier, Frédéric Safin, Anton Vodenitcharov

Interprétation : Jean-Jacques Rausin, François Neycken, Claire Beugnies

Production : INSAS

Articles associés : la critique du film, l’interview de Sarah Hirtt et Jean-Jacques Rausin

Ophelia d’Annarita Zambrano

Deux garçons de 10 et 12 ans dévalent à toute allure à vélo la forêt des Landes. Il fait beau, chaud et malgré le comportement d’urgence de ces enfants, l’ambiance semble paisible, hors du temps. Voilà comment Annarita Zambrano décide d’ouvrir son film Ophelia, sélectionné en compétition officielle des courts métrages lors du 66e Festival de Cannes.

Beaucoup de suspense ou plus exactement d’attente, dans cette scène d’ouverture, où l’on avance au même rythme que les deux héros, dans ce décor à la fois céleste et angoissant. Annarita Zambrano aime nous surprendre tout au long de ses films  : être là où on ne l’attend pas, en traitant certes toujours des thèmes qui lui sont chers – l’adolescence, les relations humaines, l’identité, la sexualité – mais avec un ton résolument différent à chaque film, une proposition nouvelle et un sens très développé du détail.

On notera à cet égard que son tout dernier film, L’Heure bleue, se situe également dans les Landes et met en scène des comédiens avec qui elle a déjà travaillé. Sur le ton de la comédie, elle évoque les questions de relations amoureuses et d’infidélité et propose un film à la croisée de ses courts métrages précédents mais avec un regard nouveau et des résolutions différentes.

Dans Ophelia, lorsque les deux garçons arrivent à destination, autrement dit, sur une plage éloignée, tout aussi déserte que la forêt, on apprend enfin le motif de leur course : observer, tels deux voyeurs, une jeune femme nue qui a pour habitude de venir bronzer là. Un instant tout de même, ils retombent en enfance en jouant à se bousculer dans le sable, profitant de ce moment de liberté.

Néanmoins, le suspense reprend : où est la fille en question ? La réalisatrice réussit à nous tenir en haleine puisque ni les deux héros ni le spectateur ne connaissent la réponse. Jusqu’au moment où les garçons retrouvent le corps sans vie de la jeune femme dont la poitrine, à moitié dénudée, est caressée par les vagues qui vont et viennent. Elle est d’un blanc quasi transparent qui appelle à la peur et la fascination, de sorte que les enfants en perdent la parole. Et eux qui ont traversé la forêt pour la voir nue, se mettent à la rhabiller avec précaution comme si le jeu était fini. Le culte a finalement dépassé le voyeurisme.

Sans presque se concerter, ils vont prendre la décision d’amener la jeune femme dans un lieu où elle ne pourra pas se faire emporter par la mer. S’en suivent de longues scènes où ils traînent ce corps inerte à travers le sable et les branches. Le moment paraît même infini tant on a l’impression que les garçons ne lâcheront le corps qu’une fois arrivés à l’épuisement extrême. Une fois perdus dans la forêt, ils laissent enfin tomber la jeune fille et se mettent à lui construire avec soin, une cabane, sorte de sépulture. Un trouble entre les deux enfant vient interrompre leur tâche : le plus âgé, au blond électrique qui lui donne des allures d’ange moderne, effleure la jeune fille et tente de l’embrasser. Son geste provoque l’emportement de son camarade, comparable à de la jalousie, mais l’altération est brève. Puis, ils repartent une fois leur mission accomplie.

Annarita Zambrano dépeint ici un récit à la fois intemporel et universel. D’où viennent les héros de cette histoire ? Où vont-ils ensuite ? Qui sont-ils réellement ? Là n’est pas la question finalement. La réalisatrice préfère proposer une peinture impressionniste reprenant les codes propres à ce courant artistique, dont l’utilisation de la nature est un élément essentiel. L’intérêt porte donc plus volontiers sur le caractère emblématique de cette histoire. Et le cinéma a cela de plus que la peinture : il offre la possibilité d’intégrer du son et du mouvement, détails dont la réalisatrice ne se prive pas, exerçant un travail méticuleux sur les bruits et remous du cadre naturel (la mer, la forêt, etc).

Métaphoriquement, Annarita Zambrano nous donne sa version personnelle du mythe d’Ophélie, personnage de la tragédie d’Hamlet de Shakespeare qui appelle au symbole du souvenir, de la femme victime et de la mort. De la même manière, les deux enfants qui partent à la recherche d’Ophelia rappellent les personnages de Rosencratz et Guildenstern, des voyeurs qui espionnaient Hamlet. Ceci étant, la réalisatrice reprend plus volontiers le poème que Rimbaud avait créé autour du même mythe d’Ophélie plutôt que la vision de Shakespeare, même si sa proposition est moins lugubre que celle du poète. En effet, on retrouve dans ce court métrage les mêmes allégories liées à l’eau, la pâleur, de nudité, la liberté, etc.

Avec cette « œuvre d’art » cinématographique, Annarita Zambrano n’a pas remporté la Palme d’or du court métrage, mais son film devrait passer outre les frontières et les époques. Le parcours de la réalisatrice démontre qu’elle n’a finalement plus grand-chose à prouver si ce n’est de revenir prochainement au cinéma avec son premier longmétrage.

Camille Monin

Consultez la fiche technique du film

Article associé : l’interview d’Annarita Zambrano

O comme Ophelia

Fiche technique

Synopsis : La forêt, les dunes, l’océan. Thomas et Simon, douze et neuf ans, pédalent vite. Ils savent qu’elle vient bronzer ici tous les jours, nue, sur la plage. Loin de tout le monde.

Genre : Fiction

Durée : 15′

Pays : France

Année : 2013

Réalisation : Annarita Zambrano

Scénario : Annarita Zambrano

Image : Maura Morales Bergmann

Montage : Annalisa Schillaci

Son : Virgile Van Ginneken

Décors : Alexandre Quiroz-Martinet

Interprétation : Léo Castell, Django Desplain, Audrey Bastien

Production : Sensito Films

Articles associés : la critique du film, l’interview d’Annarita Zambrano

«  L’Aurore boréale  » par Keren Ben Raphaël, Rémi Bertrand, Ana et Hippolyte Girardot, Delphine et Élise Benroubi

Au dernier Festival de Cannes, avant la présentation de la Collection Canal + à la Semaine de la Critique, Format Court a eu l’opportunité de rencontrer l’équipe au complet – ou presque – du film « L’Aurore boréale » de Keren Ben Raphaël écrit pour Ana et Hippolyte Girardot et produit par Palikao Films.

Le film raconte l’histoire d’un père sur-protecteur qui va réveiller sa fille en pleine nuit pour aller contempler une aurore boréale. Un peu plus tard, assis dans la voiture au milieu de la forêt, père et fille se retrouvent dans une position légèrement ambiguë en cherchant une paire de lunettes, malheureusement, juste au moment où débarquent deux agents de police. Même si le film porte en lui de nombreux clichés et d’éléments déjà vus, le propos et la mise en scène se révèlent efficaces, ainsi que les comédiens suffisamment bons (mention spéciale au duo comique de flics interprétés par Marc Citti et Jonathan Cohen) pour faire rire le spectateur aux éclats et le toucher ensuite par l’intimité qui transparaît entre père et fille.

Nous avons profité à Cannes de cette rencontre avec la famille Girardot, la réalisatrice Keren Ben Rafaël, la productrice Delphine Benroubi et les scénaristes Élise Benroubi et Rémi Bertrand pour les faire parler de cet exercice de style aux allures de réelle aventure familiale. Ambiance conviviale garantie.

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De gauche à droite : Rémi Bertrand, Hippolyte et Ana Girardot, Keren Ben Raphaël, Delphine et Élise Benroubi

Ana, Hippolyte, pourriez-vous nous raconter, cette aventure, depuis l’invitation à participer au Jeu des sept familles de la part de Canal + jusqu’au choix de collaborer avec Keren Ben Rafaël ?

Ana : On a reçu en même temps la proposition de Canal de participer à ce jeu des sept familles, puis on s’est appelé dans l’heure pour en parler. On a tout de suite été d’accord pour le faire. C’était une expérience qui nous plaisait beaucoup et qui était moins compliquée que si on avait accepté de faire un long-métrage ensemble  puisque avant ça, nous n’avions jamais travaillé tous les deux ensemble. (Se tournant vers son père) Non ?

Hippolyte : Objectivement, oui (rires) !

Vous avez reçu beaucoup de scénarios  ?

Ana : 40.

Hippolyte : Oui, 40. Qu’on a tous lu.

Et vous connaissiez déjà le travail de Keren auparavant  ?

Ana et Hippolyte : Non.

Hippolyte : Mais après, elle nous a montré son film précédent qui s’appelle « I’m Your Man » (ndlr : avec Vincent Macaigne, en compétition au Festival de Clermont-Ferrand en 2012) et qui est très bien. Très belle performance d’acteur.

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Comment avez-vous procédé au choix du scénario ? Le principe de la Collection Canal veut que chaque personnalité qui se prête au jeu, émette des envies, des attentes concernant ce que vont écrire les « candidats » pour eux. Avez-vous lu de nombreux projets correspondant à ce que vous attendiez ?

Ana : En réalité, ce qu’on a reçu ne correspondait pas vraiment à nos attentes, ou tout du moins, à ce qu’on avait réellement envie de faire. On a reçu beaucoup de scénarios où on était père et fille, alors que ce n’était pas ce qu’on voulait à la base. Celui de Keren, c’est le premier qui a fait tilt chez tous les deux, donc on s’est dit que c’était celui-là qu’il fallait choisir. Ensuite, on a rencontré toute la fine équipe et on a vraiment trouvé qu’elle comprenait notre humour. Inversement, on comprenait aussi leur humour et leur univers. Qui plus est, elles se sont présentées à trois filles (ndlr : Keren Ben Rafaël, la réalisatrice, Delphine Benroubi, la productrice et Élise Benroubi, une des deux scénaristes) et j’étais ravie de ne travailler qu’avec des filles  (rires) !

Hippolyte : Ce qui est intéressant en fait c’est que l’idée qu’on avait c’était de ne justement pas interpréter des rôles père-fille, et les scénarios qu’on a reçu dans ce sens, n’était en réalité pas très pertinent. Par conséquent, à un moment donné, on s’est dit qu’on allait être obligé de passer par cette case. On n’arrivait pas échapper à ce truc là. Après, on s’est dit qu’on allait se diriger vers des choses qui nous faisaient plutôt rire et vers des histoires éloignées de nous. En fait, dans le scénario écrit par Élise et Rémi, on ressent quelque chose de très personnel, c’est un peu autobiographique, avec quelque chose de très censé et de très juste pour moi. Donc, ça valait vraiment le coup de travailler là-dessus avec eux.

Ana : En effet, on l’a adoré et on l’a mis de côté très vite. Pourtant, on a réfléchi : c’était un tournage de nuit…

Hippolyte : … En hiver…

Ana : … En T-shirt alors qu’on était au mois de novembre. Du coup, il nous plaisait, mais pour ces raisons, on l’avait écarté. Puis on est revenu dessus parce qu’on l’appréciait finalement bien plus que les autres.

Hippolyte : Moi, ce qui m’intéressait, c’était d’interpréter le rôle d’une mère juive. Je n’avais jamais joué ce rôle et je trouvais que c’était un must dans les archétypes du cinéma. Dans la littérature aussi, la mère juive représente quelqu’un de très emblématique. Alors, je ne suis pas encore au point et je pense qu’il me manque encore des éléments, mais j’y travaille (rires) !

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Élise et Rémi, lorsque vous avez entamé l’écriture du scénario, vous connaissiez déjà Keren et vous aviez pensé à elle comme réalisatrice  ?

Rémi : On a commencé par l’écriture tous les deux. Ensuite, c’est notre « jolie production » qui a orienté le scénario vers Keren qui a lu le script déjà écrit.

Élise : En fait, j’étais à l’école avec Keren (ndlr : La Fémis). J’étais en scénario, elle en réalisation, par conséquent, on avait déjà écrit un court-métrage ensemble. Si bien qu’on peut dire que la rencontre n’était pas forcée ! (rires)

Vous aviez déjà écrit ensemble tous les deux ?

Rémi : Oui, on écrit beaucoup ensemble. Là, l’écriture s’est faite rapidement, mais c’était le jeu.

Delphine : Pour résumer toutes ces collaborations, Élise et moi, nous sommes sœurs et nous avons rencontré Keren à La Fémis. D’un autre côté, Élise et Rémi ont écrit plusieurs choses ensemble, dont leur long-métrage, actuellement en développement. Et depuis ce court, Élise et Keren travaillent ensemble sur un long-métrage également. On avait donc déjà tous travaillé ensemble, plus ou moins, et là, on a réuni la famille !

Keren : Oui, c’est comme une famille. D’ailleurs, c’était amusant de penser que pour participer à cette collection autour de la famille, on a réuni Élise et Delphine qui sont sœurs, Hippolyte et Ana, père et fille, et moi, je tourne avec mon mari qui est chef opérateur.

Élise : Et Rémi, c’est un peu « l’adopté » du groupe (rires) ! Plus sérieusement, il est vrai que dès l’annonce du sujet par Canal +, ça nous a interpellés. Ça faisait un bout de temps qu’on souhaitait participer à la Collection, mais sans jamais se lancer ou prendre le temps de le tenter. Puis, lorsque nous avons appris qu’il fallait travailler sur le thème de la famille, ça nous a tous intéressés et motivés.

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Combien de jours a duré le tournage ?

Delphine : Trois nuits, en Haute-Normandie puisqu’il s’agit du seul film à avoir été aidé par la région. Celle-ci s’engage à aider un des sept films de la Collection. Après, tout s’est fait très vite puisqu’on a tourné aux alentours du 10 décembre et qu’il fallait avoir livré le film pour janvier 2013. De toutes manières, Keren est une réalisatrice très efficace ; c’est une fonceuse qui sait ce qu’elle veut.

Keren : En même temps, ça a été le résultat de l’émulsion de toute l’équipe réunie sur ce projet. Tout le monde se connaissait déjà, puisqu’on sort presque tous de La Fémis. Par conséquent, ça a été vite, mais ça a d’autant plus enrichi nos relations de travail.

Et Canal + est intervenu dans le processus du film ?

Delphine : Non, pas du tout puisqu’en fait, ils aimaient le film, donc ils nous ont laissé le feu vert.

Cette année, il semble que pour la première fois, la chaîne ait fait un réel effort sur la musique en imposant la présence d’un compositeur sur ses projets.

Delphine : Oui, c’est exact. Pour notre film, c’est Thomas Krameyer qui a fait la musique et qui avait déjà travaillé avec Keren auparavant.

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Keren : Oui, comme avec les autres membres de l’équipe, tout a été assez évident au niveau de la collaboration professionnelle et de la recherche de mélodies. Ce qui était intéressant pour moi, ici, et que je n’avais jamais fait avant, c’est que Thomas avait écrit la musique en amont du tournage. En réalité, nous n’avons pas eu beaucoup de temps pour répéter avec les comédiens avant le tournage, donc bénéficier de la musique en amont a permis de donner un certain ton, une ambiance au film avant qu’il n’existe. Évidemment, Thomas a changé certains détails après, au moment du montage, mais j’avais le principal avant le tournage.

Delphine : Au niveau du son, les ingénieurs du son avaient aussi travaillé en amont du tournage, sur le bruit de l’horloge qu’on voit et qu’on entend au début du film. D’ailleurs, on en avait beaucoup parlé avec Hippolyte avant de la manière dont le père rythmerait son comportement. C’est celui de l’horloge qui s’est imposé.

Keren : Ça a été une manière de gagner du temps puisqu’on n’en avait pas beaucoup au moment du tournage. Commencer à travailler sur certains détails en amont, sur des éléments qui se pensent généralement après, nous a permis de déterminer le caractère du film et de mieux prévoir les imprévus.

Propos recueillis par Camille Monin

Article associé : La Collection Canal 2013  : une histoire de famille  !

La Collection Canal 2013  : une histoire de famille  !

Pour ce cru 2012/ 2013, la Collection a réuni sept familles du cinéma, de la télévision et de la chanson pour se prêter au jeu du « court-métrage écrit pour… ». Le concept de la Collection Canal, rappelons-le, consiste à proposer un scénario de court-métrage n’excédant pas une douzaine de minutes, en binôme réalisateur/producteur (désormais, accompagné d’un compositeur), écrit à l’attention d’une des personnalités qui accepte de se plier à cet exercice. Chacune des personnalités choisit le scénario qui lui correspond parmi la cinquantaine qui lui est destinée. Puis, Canal + pré-achète et diffuse les sept films ainsi écrits, choisis et réalisés.

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Cette année, nous avons donc eu l’occasion de découvrir les films suivants : « L’Aurore boréale » de Keren Ben Raphaël avec Ana et Hippolyte Girardot produit par Palikao Films, « Zygomatiques » de Stephen Cafiero avec Simon et Alexandre Astier produit par Partizan Films, « L’homme à la tête de kraft » de Thierry Dupety et Sandra Joubeaud avec Emma et Antoine De Caunes produit par Tobago Films, « Welcome in China » d’Olivier Ayache Vidal avec Arié et Gad Elmaleh produit par Karé Productions, « Putain de lune » de Lou Bohringer avec Romane et Richard Bohringer produit par Bizibi Productions, « Tout doit disparaître » de Thibault Durand avec Alexandre et Joséphine De la Baume produit par Polaris Film et « Un chien de ma chienne » de Fabien Gorgeart avec Élodie, Clothilde et Annelise Hesme produit par Petit Film.

Dans chacun des sept films, l’humour est un ingrédient bien présent. De la même manière, les réalisateurs n’ont pas forcément pris en compte le lien de parenté des personnalités pour le respecter à l’écran, mais tous se sont amusés à mettre celles-ci dans des situations à la fois insolites et touchantes.

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Ainsi, on a pu voir Arié Elmaleh faire du karaoké en Chine, Emma et Antoine De Caunes échanger leurs voix, Romane Bohringer mettre le feu à la voiture de son fiancé, les chanteurs de Sing Tank retomber en enfance en « tirant » sur leurs peluches et autres souvenirs, les frères Astier se forcer à être maussades, les sœurs Hesme accoucher une chienne dans une sorte de western des temps modernes et Hippolyte Girardot se muer en mère juive/ père poule.

Après une première projection à Clermont-Ferrand et une diffusion sur Canal + le 21 février dernier, les sept films de cette collection ont été présentés lors du dernier Festival de Cannes, à la Semaine de la Critique, par Brigitte Pardo et Pascale Faure, les responsables des programmes courts sur Canal +. Format Court a eu l’opportunité d’y rencontrer l’équipe au complet – ou presque – du film « L’Aurore boréale ».

Camille Monin

Hu Wei. Rêve & réalité, désir & cinéma

En novembre dernier, nous avons découvert au Festival de Brest « Le Propriétaire », un film noir à l’esthétique très marquée. Son auteur, Hu Wei, actuellement étudiant au Fresnoy (comme Eduardo Williams, réalisateur de « Que je tombe tout le temps ? »), réapparaît dans nos fenêtres avec un nouveau film hybride dans lequel des familles tibétaines défilent devant l’objectif, sur fond d’arrières-plans diversifiés. « La Lampe au beurre de Yak » vient de commencer son parcours en festivals avec une sélection à la dernière Semaine de la Critique, à Cannes. Là où nous avons rencontré son auteur, Hu Wei et son producteur, Julien Féret (Ama Productions).

Comment vous êtes-vous rencontrés ? Pourquoi avoir eu envie de travailler ensemble ?

Hu : Il y a cinq ans déjà, en 2008, j’ai fait une formation de documentaire pendant trois mois à l’université d’été de la Fémis. On s’est croisé à ce moment-là.

Julien : Un de mes amis, chef opérateur, intervenant là-bas, m’a proposé d’assister aux projections des travaux et m’a parlé d’un jeune réalisateur chinois qui avait fait un joli documentaire. Je suis allé à la projection, le film m’a plu et on s’est vu avec Hu quelques jours après. Il parlait moins bien le français que maintenant mais on a quand même passé une heure à parler de cinéma. Sa culture du cinéma en général, et du cinéma français en particulier, était très aiguisée. Il voyait tout, il m’a parlé de Bruno Dumont, de la « La Vie de Jésus ».

Hu repartait en Chine, son désir était de venir étudier le cinéma en France, ce qui m’a intéressé. Finalement, quelques temps plus tard, il m’a recontacté en me disant qu’il venait s’installer en France, parce qu’il rentrait aux Beaux-Arts à Paris. On a commencé à travailler tout de suite sur ce projet, ce court-métrage.

Hu, pourquoi t’es-tu dirigé vers les Beaux-Arts et non vers une école de cinéma « classique » ?

Hu : J’aime beaucoup étudier des choses différentes. Avant, à Pékin, j’ai fait des études cinématographiques pendant quatre ans, j’avais donc une base dans ce domaine. Là, je voulais découvrir une autre culture, une autre forme d’art. En allant aux Beaux-Arts, je voulais développer mon propre chemin entre cinéma et art plastique, comme le film « La Lampe au beurre de Yak », qui dialogue entre photo, image fixe et image en mouvement, ce qui est d’avantage un concept d’art plastique.

De quoi parlait le documentaire que tu as fait à la Fémis ?

Hu : « Sans toi » parle d’une femme chinoise sans-papiers vivant en France depuis sept ans avec son ami. Tous deux vendent des choses au marché pour vivre et pour nourrir le fils resté en Chine, étudiant à l’université.

Julien : Cette femme est au chômage en Chine et pour gagner de l’argent en France, elle fait tout de même les poubelles et elle vend des chaussures. C’est un joli film.

Dans « Le Propriétaire », ton film précédent, comme dans celui-ci, on peut se demander si les frontières entre réel et fiction ne sont pas poreuses et dans quel genre tu te situes exactement.

Hu : J’ai toujours trouvé très intéressant les films hybrides, entre deux genres.

Julien, qu’est-ce qui t’a intéressé dans le travail de Hu ?

Julien : J’avais vu ses films d’école dont un très joli court métrage évoquant poétiquement l’histoire d’un enfant et de son père. J’étais vraiment attiré parce qu’il faisait, son univers et en même temps, j’étais curieux devant son amour pour le cinéma et cette grosse envie de faire des films, notamment en France. De mon côté, cela me plaît de travailler avec des réalisateurs étrangers, parce que cela casse les barrières culturelles, les stéréotypes et les réflexes dans la façon de faire des films. J’aime l’idée d’une réunion de personnes venant d’horizons complètement différents. Avant de faire la connaissance de Hu, je ne connaissais rien de la Chine et il y a eu une vraie rencontre.

Depuis combien de temps portez-vous ce projet de court ?

Julien : Quand Hu est entré aux Beaux-Arts, en 2009, on avait le scénario. Fin 2010, on a eu l’aide du CNC puis Arte a pré-acheté le film, et nous sommes partis dans cette aventure qui nous amène ici aujourd’hui, à Cannes.

Qu’y avait-il dans votre note d’intention, que vouliez-vous raconter  ?

Hu : J’ai été très touché par deux séries de photos. Les premières, en noir et banc, datant des années 1960, ont été faites dans une petite ville en Chine. Elles représentent un vieux couple se prenant en photo tout en changeant le fond de l’image. Les deuxièmes montrent une femme photographiant des ruines en Pologne. Il y a des choses communes entre l’Orient et l’Occident.

À quoi est due, selon vous, cette pratique de changement de fond, d’arrière-plan ?

Hu : Pour moi, le fond de la photo, c’est le rêve. On ne peut pas se déplacer en France, avoir l’opportunité de voir la Tour Eiffel, mais ce n’est pas grave : on prend une fausse photo avec un faux fond, pour réaliser un rêve. Mon film dialogue entre la réalité et le rêve.

Julien : Quand j’ai lu le scénario au début, j’ai tout de suite été séduit par la simplicité de la chose, et c’est cela qui fonctionne, il y a un coté complètement universel qui marche pour tout le monde. On est tous dans la projection de quelque chose que l’on n’a pas, et souvent cela nous fait oublier les choses importantes que l’on a à coté de soi. Cela m’a séduit par ce coté très simple.

Mais pour que cela fonctionne, il fallait que les personnages soient authentiques. On a des arrières-plans, il y a du faux partout mais les personnages doivent être vrais. Il fallait donc vraiment trouver des vrais Tibétains. Nous avons tourné en Chine, dans une province limitrophe du Tibet, car tourner là-bas était impensable.

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Comment avez-vous expliqué le film aux figurants acceptant de se laisser prendre en photo ?

Julien : Les gens du film sont de vrais nomades. Ils n’ont pas conscience du tournage de film, de la caméra.

Hu : Néanmoins, à l’aide du scénario, le tournage était orienté. Pendant qu’on tournait, les gens étaient invités à se faire prendre en photo. Ils jouent ainsi le fait qu’on va les prendre en photo.

Qu’est-ce que le court métrage t’apporte, Hu, pour raconter tes histoires ?

Hu : Le changement. Ce que j’ai voulu exprimer, c’est le changement du monde. Quinze minutes pour un film, c’est suffisant. C’est direct, simple.

Julien : Ce qui est intéressant chez lui, c’est sa maitrise du timing.

Il n’y a pas de musique dans « Le Propriétaire » ni dans « La Lampe au beurre de Yak ». Tu te concentres juste sur l’image ?

Hu : Je n’aime pas trop la musique extra-diégétique. Par exemple, un portable qui sonne, je le filme, je peux l’accepter, mais je ne veux pas rajouter de musique. Je garde le réel.

Propos recueillis par Katia Bayer. Retranscription : Carine Lebrun

Consultez la fiche technique du film

Article associé : la critique du film

Pour information, « La Lampe au beurre de Yak »  sera projeté à la Soirée Format Court, le jeudi 10 octobre 2013, en présence de l’équipe

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Fiche technique

Synopsis : Un jeune photographe ambulant et son assistant proposent à des nomades tibétains de les prendre en photo devant différents fonds.

Genre : Fiction

Durée : 15′

Pays : Chine, France

Année : 2013

Réalisation : Hu Wei

Scénario : Hu Wei

Image : Jean Legrand, Stéphane Degnieau

Montage : Hu Wei

Son : Liu Cheng – Hervé Guyader

Décors : Hu Wei

Interprètes : Genden Punstock

Production : Ama Productions

Articles associés : l’interview de Hu Wei et de  Julien Féret, la critique du film

Que je tombe tout le temps ? d’Eduardo Williams

Avec « Que je tombe tout le temps ? », sélectionné à la dernière Quinzaine des Réalisateurs, Eduardo Williams signe un film dans la continuité de « Pude ver un puma », son précédent court métrage présenté l’an passé à la Cinéfondation. Sa touche très personnelle autant visuelle que narrative lui assure un bel avenir cinématographique.

« Que je tombe tout le temps ? » parle du quotidien d’un groupe de jeunes hommes qui vivent ensemble dans un monde aux contours réalistes mais constitué d’étrangetés qui le décale dans un ailleurs difficile à situer.

Ici, les garçons vivent dans une grotte, ils sont raisonnablement préoccupés par la nourriture, le travail et l’argent, mais ils ne se posent pas de questions concrètes quant à leur lieu d’habitation pour le moins incongru. Dans cet espace, les autres, ceux qui sont extérieurs au groupe, semblent également extérieurs aux préoccupations des garçons. Ensemble dans leur grotte-repère, ils discourent. Peut-être ont ils un but commun, ou est-ce seulement pour ne pas être seuls qu’ils partagent leurs vies ?

Si objectif commun il y a, il faut regarder du côté de la quête énoncée en ouverture par l’un des protagonistes. Il recherche activement une mystérieuse graine dans un marché. Celle-ci semble être le pivot de la narration. À plusieurs occurrences, on comprend que la graine détermine quelque chose d’important dans la vie des garçons, qui ne sera jamais clairement énoncé.

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« Que je tombe tout le temps ? » est un film d’école, Eduardo Williams a effet intégré en 2012 l’école du Fresnoy, et par la même occasion, découvert les paysages du Nord de la France, bien loin de son Argentine natale. Dans son film d’ailleurs, il joue avec brio avec des décors qui sont juxtaposés à l’image et pourtant forts éloignés dans la réalité (la France et l’Afrique).

Le spectateur n’a jamais la possibilité de s’accrocher à quelque référence connue, qu’elle soit visuelle ou sonore, sans que celle-ci soit balayée à la séquence suivante. Ici, on parle français, créole, anglais et espagnol, les personnages déambulent sans transition dans les rues d’une ville du Nord puis dans la jungle. Tous ces éléments nous sont présentés ex nihilo. Chacun y trouvera, ou pas, au détour d’une phrase prononcée ou d’un décor incroyablement cinématographique, une piste de compréhension, une ouverture sur une réflexion plus ou moins onirique ou métaphysique, au choix.

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Eduardo Williams semble ici exceller dans la manipulation du réel pour le transcender vers un univers singulier. Il brouille les pistes, s’affranchit des codes visuels et narratifs usuels pour proposer son propre discours. La brutalité du montage très cut et la froideur des images tournées caméra à l’épaule participent à une expérience de spectateur assez aride mais maîtrisée par un réalisateur inspiré.

Fanny Barrot

Consultez la fiche technique du film

Article associé : l’interview d’Eduardo Williams et d’Amaury Ovise, le co-producteur du film

Q comme Que je tombe tout le temps ?

Fiche technique

Synopsis : À la recherche d’une graine, un jeune homme sort du souterrain où il passe du temps avec ses amis. Il débute avec eux un long voyage digestif.

Genre : Fiction

Durée : 15′

Année : 2013

Réalisation : Eduardo Williams

Pays : France

Scénario : Eduardo Williams

Image : Julien Guillery

Son : Gautier Lanedolis, Simon Apostolou

Montage : Eduardo Williams

Interprétation : Nahuel Perez Biscayart, Rachid Youcef, Nicole Payen, Omar Bensmail, Mohamed Lamine-Fofana

Production : Le Fresnoy, Kazak Productions

Articles associés : la critique du film, l’interview du réalisateur

Festival international du court métrage de Louvain, appel à films

La 19ème édition du Festival international du court métrage de Louvain (Belgique) se tiendra du 30 novembre au 7 décembre 2013. Le festival lance un appel à candidatures pour ses compétitions européenne et flamande ainsi que pour ses programmes internationaux non compétitifs.

Concours européen : conditions d’entrée

– Durée : max. 40 min
– Terminés après le 1er janvier 2012
– Production majoritairement européenne
– Date limite d’inscription : 1 août 2013 (il est fortement conseillé de soumettre vos films avant la date limite officielle)

Concours flamand : conditions d’entrée

– Durée : max. 40 min
– Terminés après le 1er octobre 2012
– Production majoritaire flamande
– Date limite d’inscription : 27 Septembre 2013 (il est fortement conseillé de soumettre vos films avant la date limite officielle)

Compilations internationales non compétitives

– Le Labo (expérimental et/ou non-narratif et vidéo)
– Courts métrages pour les enfants et courts métrages d’animation
– Seule condition d’entrée : durée max. : 40 min
– Date limite d’inscription : 1 août 2013 (il est fortement conseillé de soumettre vos films avant la date limite officielle)

Application

Enregistrez de préférence vos films sur la plateforme Reelport.

1) Inscrivez votre film sur le site de Reelport.
2) Sélectionnez « Festival international du court métrage de Louvain » dans la liste « Submit your films »
3) Assurez-vous que votre film est enregistré dans les bonnes catégories
4) Envoyez votre film et vérifier votre boîte aux lettres. Votre enregistrement n’est complet qu’après avoir reçu un courriel de confirmation de Reelport.

Bien que le festival conseille vivement le recours à Reelport, l’envoi d’un DVD (uniquement avec sous-titres anglais !) directement au festival est également encore possible. Par conséquent, remplissez le formulaire en ligne d’accès au festival, et envoyer un DVD à : Fonk Vzw / International Film Festival du Court Leuven / Maarten Alexander / Zwartzustersstraat 14/3000 Leuven / Belgique.

Important : indiquez sur le paquet la mention : « Copie de prévisualisation Festival – aucune valeur commerciale ». La valeur du contenu du colis doit être déclarée inférieure à 20 Euros.

Infos supplémentaires : www.shortfilmfestival.org, info@shortfilmfestival.org