Sylvain Desclous : « Pour la première fois, je n’ai pas eu l’idée de tout maîtriser, contrairement à mes autres films. Là, j’ai laissé le film raconter ce qu’il avait à raconter »

Après « CDD-I » (2005), « Là-bas » (2010) et « Flaubert et Buisson » (2011), co-réalisé avec Vincent Staropoli, le réalisateur Sylvain Desclous revient, avec « Le Monde à l’envers », vers un univers qu’il aime filmer, celui de l’entreprise, et offre à Myriam Boyer le rôle principal, proposant ainsi une lecture plus empathique de la société et de ses travers. Le film a touché l’équipe de Format Court, puisqu’il a reçu notre prix lors du dernier festival de Vendôme. Toujours curieux, nous avons souhaité en savoir plus sur ce réalisateur qui a su nous emporter dans son univers.

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Quel est ton parcours avant ce film ?

Sylvain Desclous : J’ai fait des études de sciences politiques à Aix, une licence de lettres modernes et un DESS de droit, gestion, économie. C’était technique et cela me destinait à passer des concours administratifs. Puis, j’ai fait mon service militaire au Laos, j’étais coopérant, je donnais des cours de français et j’animais une émission de radio. Quand je suis rentré en France, j’avais envie de tout faire sauf ce à quoi j’étais destiné. Le premier boulot que j’ai trouvé, c’était pour le guide du Petit Futé. Puis, j’ai été critique de cinéma pour un portail internet et ensuite j’ai été engagé en CDI dans une maison d’édition. Parallèlement à ça j’ai toujours écrit. En 2003, j’ai écrit un scénario de court métrage, « CDD-I », que j’ai envoyé à la société de production Sacrebleu qui m’a dit banco ! L’année d’après, j’ai été pris à l’atelier scénario de la Fémis. C’est une formation professionnelle qui dure un an pendant laquelle j’ai écrit un scénario de long-métrage. J’ai fait tout cela en poursuivant mon travail. En 2008, j’ai eu l’aide à la réécriture du CNC et j’ai arrêter de travailler pour me consacrer à ce que je voulais faire. La même année, j’ai été pris à Émergence pour mon scénario de long-métrage et j’ai rencontré Florence Borelly, la productrice de Sésame Films. On a décidé de bosser ensemble : on a fait le film « Là-bas », l’année d’après, j’ai fait « Flaubert et Buisson » avec un autre producteur et puis, « Le Monde à l’envers ». Mon parcours n’est pas très académique !

Dans les quatre courts métrages que tu as fait, tu parles beaucoup du monde de l’entreprise. Qu’est-ce qui t’incite, quasiment à chaque fois, à faire une incursion de la campagne au cœur de cet univers « bétonné »?

La campagne est une échappatoire. C’est peut-être un peu naïf et symbolique d’identifier le monde de l’entreprise à celui de la ville. C’est même caricatural. Mais j’ai cette impression qu’à la campagne, au contact de la nature, dans un environnement un peu vierge, il y a quelque chose d’idyllique. Je me dis qu’à la campagne, tout irait un peu mieux. Il m’arrive de me dire que, si les choses tournaient mal, j’irais à la campagne. J’identifie la campagne à un endroit où je pourrais être heureux.

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Cela se voit même dans l’esthétique et dans la narration.

C’est pas vraiment calculé, c’est plutôt inconscient. Les envies viennent des lieux de tournage. Je me demande ce que racontent les décors.

Quelles étaient tes intentions de départ pour « Le Monde à l’envers » ? Que voulais-tu raconter ?

L’intention de départ était de raconter l’histoire d’une femme de cet âge-là, 56/57 ans, qui prend la décision de s’en aller. Une femme qui fuit. Dans le village de mes grands-parents, un jour, près de la voie de chemin de fer, j’ai vu une silhouette s’éloigner. Au loin, on apercevait la campagne. Je me suis demandé où pouvait aller cette personne marchant sur une voie ferrée désaffectée. Ça a été le point de départ du film. Après, je me suis dit que je voulais parler d’une femme qui quitte le monde pour retourner à l’état de nature parce qu’elle sait qu’elle va mourir. Là-dessus, sont venues se greffer plusieurs choses : il s’agit d’une femme qui s’en va car elle ne supporte plus l’humiliation qu’on lui fait subir au travail, qui assume de partir sans savoir où elle va atterrir car elle sait qu’après, cela sera plus dur. Elle tient plus que tout à sa liberté et à sa dignité.

Tu évoques déjà l’humiliation au travail dans « Flaubert et Buisson ». Par contre, dans « Le Monde à l’envers », c’est la première fois qu’une femme est le personnage principal.

Ce n’est pas vraiment voulu. Mais je sais que dans mes premiers films, ce qui manque c’est l’empathie et l’émotion que l’on peut ressentir par rapport aux personnages, c’est assez froid en fait. Alors qu’avec « Le Monde à l’envers », je voulais que l’on ressente vraiment des émotions dans une histoire créée dans un quotidien. Mes autres films étaient plus proches de la science-fiction, dans un ici et maintenant pas vraiment déterminé. Là, je voulais de l’émotion, et c’est ce que m’a permis le personnage interprété par Myriam Boyer. C’est une femme qui aime la vie et sa liberté, quoi qu’il lui arrive. C’est un personnage assez gai, plus fort que tout.

Comment as-tu choisi Myriam Boyer ?

Je l’avais vu dans « Le bruit des glaçons » de Bertrand Blier, et elle dégageait une telle énergie malgré son rôle sombre, une telle joie de vivre qu’elle m’a énormément plu. Je l’ai rencontré et elle a aimé le rôle.

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Il y a pas mal de non-dits dans ton film.

Il y a eu l’écriture et le tournage. Ce sont les comédiens qui ont amené la délicatesse des non-dits au moment du tournage, avec la finesse des regards, les silences. On avait un peu répété avant de tourner mais on a finalement assez peu parlé des rôles. Par exemple la séquence de l’apéro n’était pas écrite comme ça, elle était un peu plus dure. Les scènes se sont affinées sur le plateau. Parfois, il ne faut pas tout écrire. C’est un film que j’ai pris plaisir à monter car il y a plein de choses que j’ai découvertes au montage. En fait, pour la première fois, je n’ai pas eu l’idée de tout maîtriser, contrairement à mes autres films. Là, j’ai laissé le film raconter ce qu’il avait à raconter. C’est un film du lâcher prise ! Un film, c’est ce que tu amènes, mais aussi ce que les autres y amènent. J’adore cette phrase de Robert Bresson : « Ne cours pas après la poésie. Elle pénètre toute seule par les jointures ».

Était-ce important de donner de l’espoir dans le film ?

Oui. Et la musique y contribue, surtout dans le dernier plan. Avant ça, j’avais une autre idée de musique, mais ça donnait l’impression que Mado allait se suicider. Là, il y a toujours quelques spectateurs qui pensent que l’histoire finit mal, mais beaucoup moins qu’avec la musique initiale.

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Il y a aussi une jolie histoire de tournage qui donne de l’espoir…

Oui. La chef des caissières, au supermarché où nous avons tourné, qui a coaché Myriam et les autres comédiennes, m’a dit, à la fête de fin du tournage qu’elle avait pris beaucoup de plaisir dans cette expérience, qu’elle avait pris la décision de quitter son travail et de se remettre à la danse. C’est une femme d’une cinquantaine d’années, on s’était très bien entendu et elle a vraiment bien accroché avec Myriam. J’étais très heureux pour elle.

Que t’as appris le format court ?

Tout. Je ne savais rien avant mon premier film, « CDD-I ». On tournait en pellicule, la scripte me guidait parce que je ne savais pas vraiment quand couper ! J’ai appris avec le court à faire confiance, à déléguer.

Propos recueillis par Géraldine Pioud et Katia Bayer

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Le Monde à l’envers de Sylvain Desclous

Dans le monde de l’entreprise, il y a ceux qui acquiescent et ceux qui résistent. Mado, le personnage principal du film de Sylvain Desclous, « Le Monde à l’envers », Prix Format Court au dernier Festival de Vendôme, appartient à cette deuxième catégorie. Mais pourquoi donc le monde est-il à l’envers ?

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Mado (Myriam Boyer), la cinquantaine, a en elle cette folie qui ne se réveille complètement que chez les êtres libres. Elle a la possibilité de dire non, parce qu’elle se l’autorise et aussi parce qu’elle est digne. Mado ne se laisse pas dicter sa conduite, son quotidien ; elle s’adapte aux contraintes mais n’en fait pas toute une histoire. Au supermarché dans lequel elle est caissière, elle apparaît comme celle qui ne se soumet pas d’emblée au ridicule (le port d’un chapeau obligatoire). Même si elle finit par céder, de crainte de ne pas voir son CDD renouvelé. L’échappatoire, elle la trouvera en se rendant chez son fils, à la campagne. Un fils qu’elle voit peu, et qui ne vient pas la voir. Lui ne comprend pas le manque d’ambition professionnelle de sa mère. Il est soi disant plus responsable qu’elle, plus investi dans son existence. Ce monde est à l’envers parce que c’est le fils qui tente de résonner la mère et non l’inverse. Au-delà de l’apparente incompréhension qui peut se lire dans leurs rapports, la présence d’une tierce personne, le colocataire du fils, réveillera les tensions tout en conduisant chacun à ses propres questionnements. Les liens ne sont jamais là où on les attend.

Avec tact et distance, Sylvain Desclous propose une lecture acerbe du monde de l’entreprise et de ses avilissements. Il laisse ses comédiens (Myriam Boyer, Vincent Macaigne, Guillaume Viry) rendre possession de l’espace, et de là naissent de beaux moments de grâce. Dans « Le Monde à l’envers », le supermarché où se déroule la première partie du film n’est qu’un prétexte. Il pourrait s’agir de n’importe quelle société. Ce lieu, huis-clos tyrannique et parfois solidaire, révèle la personnalité du personnage de Mado sous les traits de (l’excellente) Myriam Boyer. Mado est une et toutes, identité multiple qui vit sa vie dans la liberté et la dignité. Mado n’est comme personne et pourtant elle est tout le monde. Combien y a-t-il de Mado autour de nous ? Combien y a-t-il d’êtres libres?

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En allant voir son fils, Mado est moins dans la fuite que dans l’échappatoire. Elle espère renouer des liens, faire sens à la filiation. Ces retrouvailles, développées dans la seconde partie du film, se déroulent à la campagne, dans un univers en totale opposition avec le quotidien de Mado. Une façon de revenir aux sources, de s’y perdre un peu afin de mieux se retrouver par la suite. Tout le long, on est frappé par le courage et la détermination nonchalante de Mado, par sa capacité à éveiller le positif presque malgré elle. Au bout du compte, « Le Monde à l’envers » est une œuvre touchante, poignante, parfois drôle ou triste. Une chose est sûre : elle ouvre la voie royale du long à son réalisateur !

Géraldine Pioud

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Fiche technique

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Synopsis : Une ville moyenne de province. Mado, cinquante six ans, est caissière dans un supermarché. CDD d’un an renouvelable. Une bonne place pour certains. Une éternité pour Mado. Un beau jour, elle s’échappe. Direction la campagne. Un petit pavillon où vit ce fils qu’elle aime tant et qu’elle voit tellement peu.

Réalisation : Sylvain Desclous

Genre : Fiction

Durée : 37′

Année : 2012

Pays : France

Scénario : Sylvain Desclous

Image : Julien Roux

Son : Christophe Vingtrinier, Alexandre Hecker, Alexis Farrou

Montage : Gwénola Heaulme

Décors : Sébastien Gondek

Musique : Amaury Chabauty

Interprétation : Guillaume Viry, Christelle Cornil, Guillaume Briat, Myriam Boyer, Béatrice Michel, Vincent Macaigne

Production : Sésame Films

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Sylvain Desclous, Prix Format Court au Festival de Vendôme 2012

En décembre passé, nous avions récompensé du Prix Format Court  « Le Monde à l’envers » de Sylvain Desclous, au 21e Festival de Vendôme (également lauréat du Prix du Jury étudiant et du Prix d’interprétation). Parmi les 22 films issus de la compétition nationale, le Jury Format Court (Katia Bayer, Nadia Lebihen-Demmou et Géraldine Pioud) avait été séduit par le portrait sans concession de la société de consommation dressé par Sylvain Desclous et par l’interprétation sans failles de Myriam Boyer, une Mado forte et insoumise, caissière dans une grande enseigne de supermarchés. Après avoir projeté le film à notre séance de janvier au Studio des Ursulines, en présence de l’équipe, nous vous proposons d’en savoir plus sur le film, son auteur et sa comédienne principale dans ce focus personnalisé.

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L’interview de Myriam Boyer, comédienne principale de « Le Monde à l’envers »
L’interview de Sylvain Desclous, réalisateur de « Le Monde à l’envers »
La critique de « Le Monde à l’envers » de Sylvain Desclous
Soirée Anniversaire Format Court, les photos !
Format Court vous souhaite à tous et à toutes une belle et heureuse année 2013 et vous invite à fêter son quatrième anniversaire le jeudi 10 janvier au Studio des Ursulines !
Festival de Vendôme : Prix Format Court pour “Le Monde à l’envers” de Sylvain Desclous !

GENERATOR 2013. Fundacja Ad Arte : expérimenter et multiplier les formes de diffusion en Pologne et en Europe. Entretiens avec Weronika Drzewińska et Marcin Łuczaj

Réunies à Strasbourg dans le cadre de GENERATOR 2013, de nombreuses associations dédiées à la création et la diffusion du court-métrage, venues des quatre coins de l’Europe, ont mis en avant différentes manières d’aborder la distribution. Particulièrement originale et active en Pologne et en Europe, la Fondacja Ad Arte (basée à Poznań depuis sa création en 2003) se caractérise par la mise en place de multiples formes de diffusion, en reliant notamment le cinéma à la performance et à la musique. Dirigée par Szymon Stemplewski, la fondation emploie six personnes et travaille avec de nombreux bénévoles. Nous avons rencontré deux membres actifs, Weronika Drzewińska (coordinatrice des projets) et Marcin Łuczaj (coordinateur du cycle « World Shorts » et « Short Waves »), pour mieux identifier leurs objectifs et comprendre ce que peut signifier la distribution des courts-métrages aujourd’hui.

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Quels sont les buts de vos actions autours du court-métrage ? Sur quels principes la fondation repose-t-elle ?

Marcin Łuczaj : Nous nous occupons de la promotion du court-métrage dans son ensemble. La promotion signifie évidemment la diffusion mais aussi la mise en place concrète de formules qui donneront à voir les films aux spectateurs dans des contextes précis et cohérents. L’idée est de diffuser les films internationaux en Pologne et de diffuser les films polonais dans les pays étrangers.

Weronika Drzewińska : Ce qui nous intéresse n’est pas le court-métrage au sens restreint. Tous les types de travaux audiovisuels (incluant les clips musicaux) sont diffusés dans les événements que nous organisons ou auxquels nous collaborons. Par exemple, l’événement annuel intitulé Vivisesja a pour objectif de créer des rapports féconds entre la musique et les nouveaux médias. Nous recherchons une alchimie venue de la culture numérique !

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M.Ł. : Nous organisons concrètement des résidences mensuelles qui s’organisent autour d’un pays (par exemple autour de la Finlande, dans un programme appelé « Finnish Shorts ») et qui se déplacent dans une quinzaine de villes en Pologne.

W.D. : Avec ces programmes de courts nationaux, notre objectif n’est pas seulement d’inonder les grandes villes mais aussi d’aller dans de plus petites villes. Et puis il ne s’agit pas forcément de projections dans des cinémas; les programmes peuvent être diffusés dans des clubs, des galeries, etc.

M.Ł. : En ce qui concerne la diffusion des films polonais à l’étranger, nous organisons des séances appelées « Short Waves ». Il s’agit d’un programme réunissant les meilleurs courts-métrages polonais récents. Ils voyagent dans vingt pays différents.

W.D. : Pour inaugurer le programme « Short Waves », nous organisons chaque année un festival homonyme à Poznań.

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Quels sont les critères de sélection des films ?

M.Ł. : Il faut couvrir le paysage cinématographique d’un pays, donner à voir des films de différents genres et de plusieurs styles. Pour le programme dédié aux films français (« French Shorts »), nous voulions évidemment inclure des drames à la forme classique mais aussi des films plus expérimentaux. Il faut rompre avec les stéréotypes que l’on peut se faire du pays en question.

Selon vous, que signifie « faire la promotion du court-métrage » ?

M.Ł. : D’abord, cela nous incite à nous associer financièrement avec le P.I.S.F. (Polish Film Institute). Grâce à cette relation, nous avons pu élaborer par exemple un focus autour de la Pologne à Reykjavik (Islande). Ensuite, cela signifie étendre notre réseau, nos contacts, pour trouver des manières et des lieux pour diffuser. Nous organisons des « Polish parties » et des concerts où sont diffusés les films.

W.D. : Lorsque l’on parle de promotion, on parle évidemment du public. Or, où que nous allions dans le monde, nous avons un public d’origine polonaise qui est presque acquis. Notre but est de privilégier le public local.

M.Ł. : Nous avons de la chance, car quand on évoque le cinéma polonais en Europe, cela fait appel à l’imaginaire commun. La tradition polonaise du cinéma est très connue à l’étranger, en général les gens connaissent Krzysztof Kieślowski et Roman Polański. Nous ne partons donc pas de rien.

W.D. : Il y a des formes de diffusion qui fonctionnent pour certains pays, mais qui ne fonctionnent pas pour d’autres. Nous essayons donc toujours de trouver des manières spécifiques d’aborder le cinéma polonais dans le pays où l’événement a lieu. Comme l’imaginaire et les attentes du public sont différents, il faut écouter et faire preuve d’adaptation, en trouvant des relais locaux.

Vous occupez-vous également de la production des films ?

M.Ł. : Pas directement. Mais nous aidons les cinéastes en les orientant lorsqu’ils sont à la recherche d’informations et de financements. Par ailleurs, nous mettons en place des programmes d’éducation à l’image.

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© Anna Wawrzycka Atach / Michal Englert

Le dernier film de Małgorzata Szumowska (réalisatrice de « Elles ») est sélectionné en compétition à la prochaine Berlinale, avec son film « In the name of… ». Est-ce qu’un tel événement vous permet de faire connaître le cinéma polonais à l’étranger et par ricochets d’assurer plus facilement la promotion du court-métrage ?

W.D. : Il ne s’agit pas d’un événement, mais d’un épisode éphémère. Notre travail doit s’inscrire dans le temps.

La création du P.I.S.F. (équivalent polonais du CNC) en 2004 a-t-elle une influence sur la qualité des films et sur la distribution des films polonais ?

M.Ł. : La création de cette institution – aujourd’hui dotée d’un budget très conséquent – a rendu les choses plus démocratiques. Elle offre de nombreuses possibilités pour les auteurs et les diffuseurs. Les grandes idées peuvent enfin être réalisées.

W.D. : Ce qui est intéressant, c’est le fait que le P.I.S.F. met de l’ordre dans l’organisation du financement et de la diffusion. Il est certain que nous sommes désormais privilégiés par rapport à d’autres pays d’Europe de l’Est.

M.Ł. : Une autre institution comme la Krakowska Fundacja Filmowa (équivalent de l’Agence du court-métrage) aide également à la distribution des films en s’occupant, par exemple, d’envoyer les films dans les festivals. Désormais, le système institutionnel et industriel a mieux conscience des méthodes employées en Europe occidentale et possède des contacts précieux. Aussi les institutions peuvent-elles nous suivre pertinemment dans nos démarches.

Propos recueillis par Mathieu Lericq (Strasbourg)

Le site de Fondacja Ad Arte : www.adarte.pl

GENERATOR. De la projection à la V.O.D. : la diffusion du court-métrage en question

Dans les couloirs et les salles de réunion de quelques institutions strasbourgeoises (Maison de la région Alsace, Pôle d’Arte, La Plage digitale, etc.), spécialement réquisitionnées pour accueillir GENERATOR, le Forum Audiovisuel de la Jeunesse, le silence habituel du week-end a laissé place au dynamisme de plusieurs centaines de participants venus de toute l’Europe, animés par plusieurs objectifs mais totalement dévoués à la réflexion et à la pratique du cinéma. On y croise de jeunes étudiants slovaques, des producteurs allemands et slovènes, des distributeurs polonais, des scénaristes bulgares, et d’autres membres de la génération 2.0., qui participent aux rencontres pour écouter les professionnels du secteur et investir ce domaine en mutation.

Pour y glaner des informations, des états d’esprit mais surtout la teneur des discussions, on se faufile dans le « Séminaire autour de la distribution et de la vente du court-métrage ». Sujet d’importance au vu de l’arrivée des nouveaux médias et des différences nationales dans ce domaine. Devant la foule des auditeurs multi-linguistiques – contraints pour l’occasion de se plier à l’anglais de communication – siègent des personnalités rarement présentes dans des rencontres publiques : Sabine Brantus (responsable des courts-métrages à Arte France), Dániel Deák (co-fondateur de Daazo.com), Alexandra Haneka (Département des ventes à KurtzFilmAgentur) et Sébastien Bailly (Festival Européen de Brive). Les deux questions combinées auxquelles la discussion doit répondre sont les suivantes : Comment utiliser les réseaux de distribution classiques ? Comment employer les nouveaux médias ?

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Un changement d’attitude et de génération

La distribution des courts-métrages est limitée. Tous les intervenants s’accordent à le dire, en pointant néanmoins le fait que les modes de diffusion télévisuelle (Arte, Canal +, France Télévisions, pour ne prendre que l’exemple français) et certains événements (comme le Festival de Brive et celui de Clermont-Ferrand) promeuvent le court-métrage sous toutes ses formes. Arte France, à travers son émission “Court-Circuit” et sa plage de diffusion des courts-métrages, donnent l’occasion à un potentiel large public (malgré les heures tardives de transmission) de découvrir ce format. Ces programmes se focalisent sur la fiction et l’animation, oubliant au passage la masse des courts-métrages documentaires et expérimentaux. Tout compte fait, il est impossible de parler d’une large diffusion depuis que les pré-programmes de courts ont été écartés des salles de cinéma, au profit de la publicité.

Deux points de vue, peut-être correspondant à deux générations, coexistent aujourd’hui : le premier tend à vouloir refaire des salles de cinéma un lieu dédié aux courts-métrages, tandis que le second semble utiliser Internet comme un espace légitime de diffusion du courts-métrages. Ces deux attitudes ne sont pas opposées. Elles cohabitent plutôt, par exemple à la KurtzFilmAgentur de Hambourg (équivalent allemand de l’Agence du court-métrage), où les actions mêlent l’organisation d’un festival, des actions auprès des cinémas (notamment pour remplacer les publicités par un pré-programme court) et l’ouverture vers la recherche de moyens de diffusions sur Internet (par la V.O.D.).

La question, même si elle ne peut pas s’y résoudre, est financière. La télévision rétribue les auteurs de films, là où Internet semble imposer le modèle de la gratuité généralisée. Les frais de diffusion doivent demeurer pour donner la possibilité aux créateurs de vivre de leur travail. La culture en Europe n’a pas changé depuis l’arrivée d’Internet ; l’idée est de diffuser les courts-métrages sur la chaîne de télévision, puis éventuellement de permettre une diffusion sur internet. Mais des signes montrent que la diffusion sur Internet peut être une manière de sélectionner de bons films, de juger du potentiel fédérateur de certaines œuvres. Par conséquent, les cultures numériques doivent être confirmées comme une plate-forme sérieuse et pertinente pour le court-métrage (ce qui signifie aussi payante pour les producteurs et les auteurs).

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Internet or not Internet

L’espace public qu’est internet ne peut pas remplacer l’intime salle de cinéma, disent certains. Internet est le futur de la diffusion, disent les autres. Adepte de cette dernière théorie, le hongrois Dániel Deák (fondateur de la plate-forme de diffusion Daazo.com) pense son site comme un « filtre » qui sélectionne les films de qualité (tout comme, sur d’autres niveaux, le font les festivals et les chaînes de télévision). Ce « filtre » signifie qu’une volonté de donner à voir les meilleurs films – c’est-à-dire porteur d’une ambition visuelle et humaine – sous-tend la démarche.

Avec Internet, le problème avec lequel il faut repenser la vente et la distribution se résume dans la notion de « disponibilité ». Que recouvre ce terme ? D’un côté, il signifierait la possibilité totale et gratuite d’offrir à voir les films sur Internet (idée développée par YouTube, par exemple). D’un autre côté, elle pourrait signifier que le film doit trouver une diffusion qui puissent rétribuer le travail important réalisé par une équipe de créateurs. Internet serait-il une « poubelle », demande un membre de l’assistance, ou bien un outil approprié à la diffusion ? L’avenir le dira, si tenté que les chaînes de télévision prennent le problème à bras le corps et que des solutions législatives puissent être trouvées.

Concernant le sujet brûlant de la distribution des courts-métrages, de nombreux espoirs naissent, notamment en Europe de l’est. Au-delà du débat autour d’internet, il apparaît important de mentionner l’émergence d’associations dédiées à la distribution des courts-métrages, comme Ad Arte (Pologne). L’enthousiasme de ces acteurs peut amener à trouver des formules nouvelles afin de combiner une large exposition des films à la (sur-)vie des créateurs.

Mathieu Lericq, envoyé spécial à Strasbourg

GENERATOR/NISI MASA

Comment les outils audiovisuels facilitent-ils les échanges d’expériences entre des jeunes et les encouragent-ils à être des citoyens européens plus actifs ? Que peut-on dire de l’avenir de l’audiovisuel en Europe ? Du 25 au 27 janvier, GENERATOR, le Forum Audiovisuel de la Jeunesse, organisé par NISI MASA, le réseau européen de jeune cinéma à Strasbourg, offre la possibilité de répondre à ces questions, aux côtés d’experts et de décisionnaires du secteur audiovisuel européen. Ces jours-ci, Mathieu Lericq, notre envoyé spécial à Strasbourg, vous propose d’en savoir plus sur le sujet.

Retrouvez dans ce Focus :

César 2013, les résultats du premier tour

Aujourd’hui, a eu lieu la conférence de presse d’annonce de nomination des César. Au terme du premier tour, sept films courts, chroniqués sur le site et projetés pour la plupart lors de nos soirées aux Ursulines, sont nominés. Découvrez-les avant le résultat final, au moment du deuxième tour, dévoilé le soir de la cérémonie de remise des César, le 22 février prochain.

Meilleur Film de Court Métrage

Ce n’est pas un film de cow-boys réalisé par Benjamin Parent produit par David Frenkel, Arno Moria

Ce qu’il restera de nous réalisé par Vincent Macaigne, produit par Jean-Christophe Reymond

Le Cri du homard réalisé par Nicolas Guiot, produit par Fabrice Préel-Cléach

Les Meutes réalisé par Manuel Schapira produit par Jérôme Bleitrach

La vie parisienne réalisé par Vincent Dietschy, produit par Alain Benguigui, Thomas Verhaeghe, Nicolas Leprêtre

Meilleur Film d’Animation

Edmond était un âne, réalisé par Franck Dion produit par Francine Langdeau

Oh Willy, réalisé par Emma de Swaef et Marc Roels produit par Nidia Santiago

Pour plus d’infos : télécharger toute la liste officielle des nominations pour les César 2013

GENERATOR 2013 — Inventer et promouvoir le jeune cinéma européen

Conçu comme un espace de rencontre des différents acteurs du cinéma en Europe, l’événement GENERATOR transformera du 25 au 27 janvier la ville de Strasbourg en un gigantesque champ d’expérimentation, de réflexion et d’interaction autour de la jeune création européenne. Loin de considérer le « cinéma européen » comme un slogan figé et formel, le réseau NISI MASA – à l’origine de cet événement – a inventé différentes formules aux intitulés intrigants (“Script Marathon”, “Kino Kabaret”, etc.), dont les objectifs sont les suivants : permettre aux jeunes cinéastes de présenter des projets et de réaliser des films, aller à la rencontre des acteurs institutionnels et industriels du secteur, et projeter divers courts-métrages produits sur le territoire européen. Nous vous proposons ici un panorama rapide de quelques-uns des événements-clés de GENERATOR 2013.

NISI MASA Short Film Showcase

Les projections permettront de re-découvrir des courts-métrages montrés ou produits dans le cadre du réseau NISI MASA. Les deux programmes proposés se composent de films primés dans des événements tels que Encounters Short and Animation Film Festival (UK), Festival du Cinéma Brive (France), Kaliber35 (Germany) ou Polish Shorts (Poland), ou bien produits par les rencontres, les ateliers organisées par NISI MASA.

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© Ivan Salatic (Intro, Monténégro)

KINO KABARET

Le Kino Kabaret invite les participants à réaliser de manière totalement libre un film dans un espace-temps limité. Dans le cadre de GENERATOR 2013, le temps imparti est de 48 heures. L’objectif principal est d’offrir des environnements non-compétitifs de création où les réalisateurs peuvent mettre rapidement en forme leurs idées, échanger leurs connaissances, partager des ressources et expérimenter.

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Le marathon du script, comme son nom l’indique, permet à 16 jeunes scénaristes européens de se rencontrer au sein d’un atelier de réécriture mené par Wim Vanacker, Jérôme Nunes (organisateurs du  European Short Pitch) et Nadja Dumouchel (ARTE Germany). L’idée est que chaque participant puisse développer son projet au fur et à mesure des sessions collectives de travail.

Au-delà des ces événements-phares, d’autres ateliers tels que Generazine (autour de la critique de films) ou le séminaire autour de la vente et de la diffusion des films en Europe, complètent le programme de GENERATOR 2013. Partenaire de l’événement, Format Court publiera prochainement un compte-rendu de l’événement ainsi que l’interview de certaines personnalités présentes.

Mathieu Lericq

Autour du court. Corps à corps, Jeune Création, Collège des Bernardins

À Format Court, nous suivons de près les initiatives en faveur de la diffusion du court. Dès février, le Collège des Bernardins (Paris, 5ème) relancera un cycle intitulé Jeune création. La première séance a lieu le lundi 4 février à 20h, avec une programmation « Corps à corps »de films interrogeant le geste chorégraphique avec les moyens du cinéma.

La connivence entre danse et cinéma se donne comme une évidence. Le cinéma, qui est, comme la danse, un art du mouvement, à essentiellement affaire à des corps. Cette rencontre entre le geste chorégraphique et la caméra met également en évidence que la danse est exercice du regard et qu’elle peut ouvrir notre attention à de nouvelles formes d’acuité. Les films de cette nouvelle séance du cycle Jeune création, envisagent la danse comme un moyen d’investir et de découvrir le monde, de s’y engager, au sens existentiel, mais également politique. Un corps à corps avec le monde.

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Films programmés :

La vie continuera sans moi d’Arnold Pasquier – 2010 – 16′ – vidéo
Synopsis : Dans un appartement, trois hommes et une femme cherchent quelque chose, qui manque.

Fragments du colonialisme en pays natal de Collectif Killmeway – 2010 – 30′ – Mini DV
Un triptyque panoramique, où l’on regarde la cité de la Noue à Bagnolet, le parc des Guilands à ses pieds, de l’autre côté, Paris depuis le parc.

Valse de Carole Contant – 2000 – 3’20 – S8/vidéo
Épanouissement de fleurs dans le métro parisien

Roc de Carole Contant – 2003 – 3’20 – S8/vidéo
Mystérieuse apparition nocturne trace d’un chantier immobilier et amoureux, le long du parc Monceau.

Marché de Carole Contant – 2008 – 3’20 – S8/vidéo
Marcher, place du Marché, l’argent et le sourire

Rue des petites Maries de Laurence Rebouillon – 2003 – 12′ – 35 mm
Les villes bombardées gardent en leurs murs les traces de la défaite. Johan, hanté par ses souvenirs, revient dans le quartier de son enfance à Marseille.

Living Chiaying de Gilles Delmas – 2010 – 14′ – 35 mm
Le portrait d’une danseuse contemporaine à Taïwan.

Séance en présence d’Arnold Pasquier, Carole Contant et Laurence Rebouillon.

Infos

Tarif Plein : 8 € Tarif Réduit : 6 €
Tarif réduit pour les demandeurs d’emploi, bénéficiaires des minima sociaux, moins de 26 ans (sur présentation d’un justificatif).

Collège des Bernardins
20 rue de Poissy
75005 Paris
http://www.collegedesbernardins.fr/

Événement Facebook : https://www.facebook.com/events/400192523393586/

GENERATOR, le Forum Audiovisuel de la Jeunesse, commence ce vendredi à Strasbourg

Nous vous l’annoncions déjà en novembre. Le réseau européen de jeune cinéma NISI MASA organise, à partir du 25 janvier, le Forum Audiovisuel de la Jeunesse (GENERATOR – Youth Audiovisual Forum) à Strasbourg. Pour participer à ce forum, NISI MASA a sélectionné 130 jeunes professionnels et étudiants, venant de 31 pays d’Europe, parmi 300 candidats.

Les participants, venus de différents secteurs de l’audiovisuel et de l’industrie cinématographique, se réuniront ainsi pendant 3 jours afin d’échanger leurs idées et développer de nouveaux projets ensemble, tout en ayant l’occasion de rencontrer des professionnels, acteurs du secteur audiovisuel venus de toute l’Europe : Sabine Brantus (responsable du département courts-métrages chez ARTE Strasbourg, France), Hannes Brühwiler Interfilm Distribution, Allemagne), Dániel Deák (Co-fondateur de Daazo.com, Hongrie), Ron Dyens (Sacrebleu Productions, France), Alexandra Heneka (Département des ventes chez KurzfilmAgentur Hamburg, Allemagne), Aviva Silver (chef de département, MEDIA Program, Commission européenne), Alain Bieber (Directeur d’ARTE Créative), Domenico La Porta (Rédacteur en Chef de Cineuropa), …

Format Court, proche des jeunes auteurs européens, est partenaire du projet GENERATOR. Si vous ne comptez pas vous rendre à Strasbourg à la fin de la semaine, retrouvez notre dossier spécial à l’issue de la manifestation.

Infos : http://generatornisimasa.wordpress.com/

Vincent Dietschy, Milo McMullen, Estéban : « La liberté est venue du fait qu’on était tous là pour la même raison : on avait envie de partager un moment ensemble et de faire ce film »

Cela fait presque un mois que l’interview de Vincent Dietschy, Milo McMullen et Estéban, respectivement réalisateur, comédienne et comédien du film « La Vie parisienne », lauréat du Prix Jean Vigo, nominé aux Lutins et aux César 2013, dort d’un sommeil profond dans l’ordinateur de Format Court. Après avoir récupéré d’un souci d’enregistrement, des fêtes de fin d’année et de l’anniversaire du site, la voici enfin en ligne. Entretien à cinq voix autour des écarts, du voltige, de la liberté et des photos floues.

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Milo, Estéban, « La Vie parisienne », a-t-elle été votre première expérience cinématographique à tous les deux ?

Estéban : Moi, j’ai mordu les fesses de Jerry Lewis quand j’avais 4 ans et j’ai joué avec Aldo Maccione à l’âge de 10 ans au Venezuela dans un film qui s’appelle « L’aventure extraordinaire d’un papa peu ordinaire » (1989). Le film parlait d’un père acteur à la recherche de son gosse. Boum, c’était moi, le gosse et Aldo, c’était mon papa. J’étais petit, je ne comprenais absolument rien à l’histoire !

Milo : On a vu ce film sur TF1, on l’a beaucoup aimé et on a retrouvé Estéban !

E : Ensuite, il y a eu une grosse période creuse où j’ai été boudé des médias. Mon rôle dans le film était un peu subversif, je dois bien l’avouer ! Du coup, Vincent m’a redonné la chance de faire mon come-back, sur le grand et le petit écran. Merci Vincent (rires) !

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M : Moi, je me suis longtemps cherchée. Je suis une touche-à-tout. J’ai fait de la musique avec Arnaud Fleurent-Didier et j’ai tourné dans un court, « La Vie facile », de Julien Rouyet, juste avant ce film. Tous les films que je fais comportent étonnamment le mot « vie » dans leur titre !

Vincent, qu’est-ce qui t’a donné envie de tourner avec envie de tourner avec Milo, Estéban et Serge ?

Vincent : J’ai un double avantage : j’aime les personnages et les acteurs avec qui j’ai travaillés. Je connaissais Serge comme ami, pas comme acteur. J’ai voulu partir de Milo et voir les meilleurs écarts possibles. Il fallait que le spectateur soit à l’aise à l’intérieur de ce triangle, qu’il puisse avoir sa liberté d’imagination pour passer d’un acteur et d’un personnage à l’autre. Au moment des essais, on s’est effectivement rendu compte qu’il y avait beaucoup d’écarts entre chaque acteur.

Qu’est-ce qui t’a convaincu, Milo, d’accepter le rôle de Marion ?

M : Avec Vincent, on en avait parlé, c’était inné.

V : Ça m’a paru évident, j’avais envie de filmer Milo mais ce n’était pas évident parce qu’on se connaissait très bien et l’idée de travailler avec elle a été un cap que j’ai mis beaucoup de temps à franchir. La proximité n’aide pas forcément au travail, c’est difficile d’inclure quelqu’un qu’on connait très bien dans un projet professionnel. Il ne s’agit pas de faire quelque chose de trop privé. J’avais beaucoup aimé son travail sur « La Vie facile », réalisé par l’un de mes étudiants à Lausanne (ECAL) et ses performances sur scène avec Arnaud Fleurent-Didier. Ça m’a donné confiance, m’a décomplexé et donné envie de travailler avec elle. Milo est particulière et naturelle en même temps, elle a un registre très large. Son rôle dans « La Vie parisienne » n’était pas facile : elle est entre deux hommes et elle n’est ni dans la séduction ni dans la fausse ingénuité. Elle est vraiment dans un équilibre.

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Et pour Estéban et Serge (Bozon) ?

V : Estéban était une surprise pour moi, je l’ai rencontré le jour des essais. C’est chanteur, c’est un peu une star. Milo m’a montré des vidéos et des interviews promotionnels pour son groupe. Elle était morte de rire en le voyant ! Ce que je trouve très intéressant chez Estéban, c’est qu’il est très comique mais d’une façon originale. D’habitude, on associe la comédie au rythme et à la vitesse, lui, il est super lent. C’est un burlesque lent ! Il a son rythme particulier mais il est aussi très présent, très réactif. La vitesse chez lui vient d’une présence immédiate.

E : C’est ça, je suis lentement drôle !

V. : Quant à Serge, c’est l’inverse, il parle très, très rapidement. Dans la vie, il est extrêmement nerveux. Je l’ai souvent vu dans des rôles décalés. J’aime bien l’idée du contrepoint et ça me semblait drôle de le voir tenter de contrôler une situation qui allait lui échapper.

Le fait que Serge ait une plus grande expérience de la caméra en tant que réalisateur et comédien ne vous a pas posé de problèmes ?

E : C’est vrai qu’il a plus d’expérience, il n’arrêtait pas de nous donner des leçons ! Déjà quand il parle, il cite au moins 4 réalisateurs dans chacune de ses phrases et 6 titres de films ! Depuis, j’ai lu pas mal de bouquins.

M : Moi, je me suis inscrite à la médiathèque depuis le tournage !

V : Il était très pro, il a une connaissance du tournage, il comprend chaque détail de la scène.

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Serge, Milo et Estéban sont très différents. Vincent, en formant ce triangle amoureux, avais-tu conscience de leur individualité physique et de leur complémentarité ?

Vincent : Il y avait vraiment un désir très fort, de créer cette altérité. Il fallait qu’ils communiquent, qu’ils interagissent. Au début des tests, ils n’interagissaient pas, mais par le travail, on a trouvé des relations, une façon de communiquer, de s’écouter. Il y avait beaucoup d’écarts, après, il y a eu beaucoup d’interactions.

Tu les as beaucoup dirigés sur le tournage ?

V : Comme je filmais et que je les aime beaucoup, j’avais très peur de les réduire, de les rendre plus petits par rapport à ce qu’ils sont dans la vie. Je leur donnais des indications en même temps que je les filmais, et en voyant les rushes du film dans la chronologie, j’ai été assez vite rassuré car le résultat était meilleur au fur et à mesure de l’avancement du film.

M : Il dirige très bien. Il est super précis, il sait où il va.

V : Dis-le un plus fort parce que c’est gentil !

E : Vincent est à l’aise, tu l’écoutes plus quand tu te sens bien.

V : Quand tu connais bien le projet, que tu es en confiance avec les éléments, si l’acteur fait quelque chose qui va dans un sens qui te plait, tu as envie de le pousser encore plus loin, tu le laisses faire, improviser. Dans le trio, il fallait que chaque acteur ait la conscience de ses partenaires. Il ne fallait pas refermer le triangle. Même dans les scènes à deux, j’ai essayé de faire intervenir le troisième personnage, même si il n’était pas là, soit dans le texte soit dans la situation soit dans le jeu.

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Vous deux, comment avez-vous abordé vos rôles ?

M : Le film était très écrit. On a fait pas mal de lectures, il n’y a pas vraiment d’improvisation sur le tournage.

E : Il fallait connaître son texte sinon, on se faisait engueuler ! Sérieusement, le tournage était très réglé dans un esprit très libre.

La liberté d’action, c’était quelque chose d’important pour faire ce film ?

V. : Oui. En général, on est très contraint quand on fait un film. Quand on retrouve une liberté, on en profite car c’est rare d’en avoir. Là, j’avais la possibilité d’avoir un financement et de tourner avec les gens que je connaissais et que je voulais. Avant « La Vie parisienne », j’ai fait un film, un long-métrage, « Didine ». J’avais une équipe de 60 personnes et très peu de temps de tournage, je devais rentrer dans un planning extrêmement serré, je rencontrais beaucoup de contraintes.

Par la suite, j’ai voulu respirer un peu plus normalement, en m’entourant d’une petite équipe et en allant du côté du désir. « La Vie parisienne » comporte des plans sous la neige où Milo chante, des plans qui n’étaient pas du tout prévus au départ. J’étais en train de travailler, j’ai vu de la neige tomber par la fenêtre, j’ai appelé Milo, je lui ai demandé si elle était disponible pour qu’on se retrouve au square. En 30 minutes, on a tourné tous les plans où il neigeait. Tout s’est décidé en 5 minutes ; entre la prise de décision et le temps du tournage, deux heures seulement se sont écoulées. Une chose pareille sur un tournage classique, c’est impossible. La liberté est venue du fait qu’on était tous là pour la même raison : on avait envie de partager un moment ensemble et de faire ce film.

E : Oui, comme là, on a envie de faire un long, d’être à nouveau ensemble. Ça nécessite peu de choses sauf une grosse implication de notre part.

V : Je trouve que le trio marche bien, j’ai un scénario de long et j’aimerais poursuivre avec ces acteurs et ces personnages qui fonctionnent bien. Avec ce film-ci, je trouve qu’il y a quelque chose de très chouette mais d’un peu fragmentaire. Après, le projet a été conçu comme ça, comme un test, dans l’idée de travailler avec eux sur une durée plus longue.

E : Nous, ça nous botte ! Tu as envie d’en voir plus…

M : Toi, tu as envie de te voir plus à l’écran !

E : Non (rires). Moi, j’ai envie d’en savoir plus sur les personnages, sur leur développement, sur le point de départ et d’arrivée.

Milo, comment as-tu perçu le travail en petite équipe ?

M : C’est bien plus intéressant de tourner dans un film où on est plus impliqué, ça m’amuse plus. Le film précédent dans lequel j’ai joué, « La Vie facile », disposait d’un très gros budget. 40 personnes gravitaient autour du plateau. Il y avait beaucoup de monde, d’argent, d’idées, de lumières, de décors. Ce n’est pas très drôle surtout quand on tourne peu et qu’on s’ennuie en attend son tour.

Vincent, d’où te vient ton intérêt pour les écarts ?

V. : Dans mon premier long métrage, « Julie est amoureuse », j’avais fait jouer des acteurs professionnels et amateurs. La femme de ménage de mes parents y jouait un des rôles principaux. Elle était incroyable, elle donnait la réplique à un comédien de théâtre extrêmement puissant et précis et ça créait des étincelles. C’est cette expérience qui m’a donné envie de travailler sur des écarts.

« La Vie parisienne » est aussi construit sur des écarts maximums entre les acteurs bien évidemment, mais aussi entre les intempéries impromptues et le texte écrit à la virgule, entre des chansons qui sont très réglées et un son direct un peu pourri par moments. Pour le prochain film, j’envisage aussi le décalage, y compris dans la forme et la temporalité.

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Vous avez tourné avec quel support « La Vie parisienne » ?

V. : Une petite caméra, très mobile. Il n’y avait pas de décors, d’installations lourdes. Je pouvais vraiment voltiger avec la caméra, être au plus près des comédiens.

Qu’est-ce que vous a apporté le cinéma ?

E : Moi, je kiffe. Je voulais revenir par la grande porte et Vincent me l’a permis ! Le scénario était vraiment sympa, bien barré, avec une empreinte à la fois burlesque et d’auteur. Je ne trouvais pas ça éloigné d’une certaine réalité et je me reconnaissais bien dans les dialogues.

V : Milo est allé chercher Estéban. Elle a fait son travail de casting, en plus d’être maquilleuse, costumière et interprète.

E : Je tiens tout de même à dire que j’ai été chef chorégraphe. C’est moi qui ai trouvé les chorégraphies ! Qu’on ne me le vole surtout pas !

V. : Moi, je me suis retrouvé à l’IDHEC à 18 ans, je fréquentais plus l’école buissonnière que les cours, mais j’ai quant même découvert plein de réalisateurs dont je n’avais jamais entendu parler. Depuis, je me sens engagé dans quelque chose qui est très présent. C’est une passion, un mouvement. On est toujours en vie, en mouvement grâce au cinéma. On ne peut pas s’arrêter.

Propos recueillis par Katia Bayer et Géraldine Pioud


La course des courts aux Oscars 2013

La cérémonie des Oscars 2013 aura lieu dans un peu plus d’un mois. Découvrez les 15 nominés relatifs aux trois catégories récompensant le court métrage : le documentaire, l’animation et la fiction.

Documentaire

Inocente de Sean Fine & Andrea Nix Fine

Kings Point de Sari Gilman & Jedd Wider

Mondays at Racine de Cynthia Wade & Robin Honan

Open Heart de Kief Davidson & Cori Shepherd Stern

Redemption de Jon Alpert & Matthew O’Neill

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Animation

Adam and Dog de Minkyu Lee

Fresh Guacamole de PES

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Cliquer sur l'image pour visionner le film en ligne

Head over Heels de Timothy Reckart & Fodhla Cronin O’Reilly

Maggie Simpson in « The Longest Daycare » de David Silverman

Paperman de John Kahrs

paperman

Fiction

Asad de Bryan Buckley & Mino Jarjoura

Buzkashi Boys de Sam French & Ariel Nasr

Curfew de Shawn Christensen

Death of a Shadow (Dood van een Schaduw) de Tom Van Avermaet & Ellen De Waele

Henry de Yan England

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3ème édition du Festival Poindoc du 13 janvier au 13 février

La 3ème édition du Festival Pointdoc, le premier festival en ligne de films documentaires, a démarré dimanche. 

Gratuit, visible à n’importe quel moment et partout dans le monde, le festival met à l’honneur pendant un mois, du 13 janvier au 13 février 2013, 20 films d’auteurs aux sensibilités et aux regards différents sur son site internet : www.festivalpointdoc.fr

Pour cette nouvelle édition, Pointdoc s’est entouré d’un jury de professionnels : Christian Rouaud (producteur et réalisateur), Françoise Tourmen (chef monteuse), Olivier Pierre (programmateur de festivals)
 pour la catégorie « Première création » et Emmanuel Ethis (Chercheur et sociologue), Fleur Albert (réalisatrice) et Yves Billon (producteur et réalisateur) pour « les films jamais diffusés ».

pointdoc

Le public pourra également voter pour ces films en remettant un coup de coeur par catégorie. Comment voter ? Il suffit de vous rendre sur la page des films qui vous ont plu. Vous pouvez donner jusqu’à 3 coups de coeur par catégorie en choisissant par ordre de préférence 3 films par catégorie.

A partir du 20 janvier et jusqu’au 7 février, vous pourrez échanger avec les réalisateurs des films sélectionnés sous forme de tchat dans la soirée.

Films en lice dans la catégorie Première création

Heureusement que le temps passe de Ferhat Mouhali

Cet homme-là (est un mille-feuilles) de Patricia Mortagne

Hard to say de Ana Candela

La plaine de Sodome de Yael Perlman

Les corps patients de Jonathan Ricquebourg

Mémoire close de Morgane Nataf et Georges Harnack

City of lights, Portraits d’une génération perdue de Dorothée Lorang et David Beautru

Elles sont belles comme ça de Gaëlle Rio

Fort Intérieur de Chris Pellerin

Voukoum de François Perlier

Films en lice dans la catégorie Films jamais diffusés

Miel et magnésie de Elléonore Loehr

Le Mur de Lancelot Bernheim

La main dans le chapeau de Aleksandra
 Szrajber

Michel de Blaise Othnin-Girard

Tout se passera dans 24 heures de Xavier Claudon

Les gens d’ici de William Denayre et Sébatien Rastoix

Welcome to Thaïland de Jérôme Javelle

Le monde est derrière nous de Marc Picavez

Jour de poussière de Jérémie Reichenbach

NAC, Nos Attirances Complexes de Célia Döring

Bruz. Courts d’écoles

La compétition de films de fin d’études du Festival National du Film d’Animation de Bruz a été l’occasion pour nous de découvrir les talents de demain. Cette compétition a révélé la diversité des médiums et des sensibilités parmi la jeune génération de réalisateurs de films d’animation, avec de l’animation 3D, du dessin et de la peinture animés, ou encore des marionnettes, des figurines et d’autres volumes animés. Les écoles représentées étaient nombreuses cette année avec des écoles comme Supinfocom, l’ENSAD et Emile Cohl très largement représentées. Une fois de plus, ce festival a bien montré que le format court est un espace de recherche et d’expérimentation. Images poétiques, politiques ou hypnotiques, voici quelques exemples qui nous ont interpelés.

La sole, entre l’eau et le sable d’Angèle Chiodo (L’ENSAD)

Sous le regard attendri du public, Angèle Chiodo raconte la lente mutation de la sole et son évolution dans les fonds marins. Fait de bric et de brocs, le film interpelle par l’ingéniosité d’une animation simple mais inventive, pleine de ressources. Parallèlement, alors que la jeune réalisatrice se met en scène en train de réaliser son film, se crée une autre histoire, celle de la relation qui unit cette jeune femme à sa grand-mère, mi-amusée, mi-perplexe face aux expériences saugrenues que mène sa petite fille. « La sole, entre l’eau et le sable » se démarque par son originalité et par l’émotion qu’il dégage, prétextant un cours de science naturelle sur la sole pour évoquer une autre évolution, celle des relations familiales, artistiques et intergénérationnelles. La démarche, non dénouée d’humour et de légèreté, fait appel à notre sensibilité de spectateur, et ouvre les portes d’un monde où l’exploration n’a pas de limite, au-delà des murs de l’appartement dans lequel se déroule le film.

Motha d’Emilie Robin (ENSAD)

Autre film qui nous a pris au dépourvu : « Motha » d’Emilie Robin, subversif et détonnant. Porté par des couleurs roses criardes, tel un bonbon, le film n’a pourtant rien d’une douceur. Il met en scène des personnages « zombifiés », cruels, sous le regard triste de Motha, un jeune garçon traumatisé par le rejet de sa mère et obsédé par la poitrine féminine et le lait auquel il n’a jamais pu gouter. Nourri par une succession de dessins qui rappellent des sitcoms américaines à l’humour acerbe tels que « Family Guy » ou « American Dad », des écritures semblables à des publicités américaines des années 1950, des sons agressifs de téléviseurs et des voix robotisées, « Motha » semble être inspiré des travaux du pop art, évoquant une société gangrénée par la télévision, la dépendance et la surconsommation. Pour info, les dessins ont été réalisés à l’encre de chine, puis animés à l’aide de Photoshop, Flash et After Effect, et le film a remporté la mention spéciale Arte Creative au festival de Bruz.

Caverne de Boris Labbé (EMCA)

La programmation de films de fin d’études de cette année a fait également la part belle aux films expérimentaux, avec notamment deux films de Boris Labbé qui avait déjà obtenu une mention spéciale l’an dernier pour son film « Kyrielle ». Cette année, il a présenté « Cinétique » et « Caverne ». Ce dernier, lauréat du Prix Arte Creative, offre une chorégraphie de formes lumineuses projetées sur des murs. Chaque forme, de même que l’angle de prise de vue, varie en fonction de la musique et évolue au rythme de ses vibrations. Les images projetées évoquent des radiographies, passant d’une forme de squelette à celle d’une mosaïque, et leur enchainement semble dicté par le son caverneux de Zeff in the box, composé par Didier Malherbe. Le film ressemble à une sorte de rituel, à une chorégraphie inquiétante par laquelle il faut se laisser emporter, au risque de se laisser hypnotiser. Une fois de plus, Boris Labbé travaille sur une boucle, une répétition de mouvements où le son joue un rôle fondamental dans la perception des images, et nous invite à effectuer un véritable voyage sensoriel.

Agathe Demanneville

Consulter les fiches techniques de « La sole, entre l’eau et le sable », « Motha » et « Caverne »

C comme Caverne

Fiche technique

Synopsis : Quelque part sous terre, des murs accueillent une étrange chorégraphie de lumière.

Réalisation : Boris Labbé

Genre : Animation, Expérimental

Durée : 6’40 »

Pays : France

Année : 2011

Scénario : Boris Labbé

Image : Boris Labbé

Musique : Didier Malherbe

Animation : Boris Labbé

Montage : Boris Labbé

Production : EMCA

Article associé : notre reportage sur les films d’écoles au festival de Bruz

S comme La Sole, entre l’eau et le sable

Fiche technique

Synopsis : Au cours de l’évolution, la sole est devenue asymétrique. Aujourd’hui, personne ne sait exactement comment cela s’est passé. En 2010, une équipe de chercheurs a tenté de percer ce secret.

Réalisation : Angèle Chiodo

Genre : Animation

Durée : 15′

Année : 2011

Pays : France

Scénario : Angèle Chiodo

Image : Angèle Chiodo

Animation : Angèle Chiodo

Musique pré-existante : Maurice Ravel

Musique : Julien Carton

Mixage : Christian Phaure

Interprétation : Colette Macret

Voix : Angèle Chiodo

Production : ENSAD

Articles associés : notre reportage sur les films d’écoles au festival de Bruz, notre reportage sur les 35èmes Rencontres Henri Langlois

Format Court à la recherche de petites mains et de grandes idées

Depuis déjà quatre ans (eh oui), Format Court fonctionne selon un modèle bénévole. Aujourd’hui, nous faisons appel à vous. Que vous soyez bénévole, stagiaire ou volontaire, si vous avez une bonne connaissance du court métrage, un peu de temps, des qualités humaines (curiosité, ouverture, …) et professionnelles à consacrer à notre projet, nous vous proposons de nous rejoindre et de participer au développement de Format Court. N’attendez plus, faites-vous remarquer !

Nos besoins : de nouveaux auteurs

Afin de donner toujours plus de visibilité aux films et aux festivals, de couvrir au mieux l’actualité riche et constante du court, notre équipe rédactionnelle souhaite s’agrandir et recruter de nouveaux rédacteurs, étudiants en cinéma, critiques en herbe ou « simples » cinéphiles.

Dites-nous pourquoi vous souhaitez écrire pour le site, faites-nous part de vos qualifications, centres d’intérêt et/ou expériences personnelles en lien avec votre candidature, et envoyez-nous la critique d’un court métrage que vous avez aimé.

Nos besoins : un(e) chargé(e) de communication

Pour communiquer autour du site, des Prix et des soirées Format Court au Studio des Ursulines, nous sommes à la recherche d’une personne sociable, autonome, intéressée par le cinéma et sa diffusion, jouissant d’une bonne expression écrite, de compétences informatiques (Photoshop, Indesign, WordPress) et d’une expérience préalable dans le secteur de la communication. Les tâches recouvrent la recherche de partenariats, la rédaction et l’envoi de newsletters et de communiqués de presse, la mise à jour de la mailing list, la création de visuels (bannières, logos, affiches), etc.

Nos besoins : un(e) chargé(e) de financements

L’activité de Format Court est aujourd’hui reconnue par les professionnels et le public du court métrage. Dans l’optique d’un élargissement de ses financements (pour le site internet, les séances/rencontres au Studio des Ursulines, le développement de nouvelles actions autour du court métrage), Format Court recherche une personne qui pourra s’investir dans la recherche de partenaires financiers, institutionnels ou mécènes. Il s’agira notamment d’identifier les partenaires potentiels, de préparer des dossiers de demande de soutien et de démarcher diverses entreprises, associations, institutions culturelles en mesure de soutenir Format Court.

Intéressé(e) par l’une ou l’autre de ces propositions ? Contactez-nous : info@formatcourt.com

Tal Yehoudai : « Je parle de la solitude, de la difficulté de la vie adulte, de la vie de femme, de ce qui se passe quand on grandit »

Sélectionné pour concourir dans la compétition internationale aux 35èmes Rencontres Henri Langlois, « A Year After » est un film troublant qui parle de la difficulté de se reconstruire après un deuil. La solitude y est dépeinte comme une longue peine dont le personnage principal décide de s’extraire à force de volonté et d’expériences nouvelles.

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© FB

« A Year After » a été réalisé dans le cadre des études de Tal Yehoudai à l’école Minshar for Art de Tel Aviv. Très dynamique dans le domaine de l’audiovisuel, cet établissement promeut et encourage l’action artistique dans son environnement social et politique (voir notre ancien focus sur les écoles israéliennes).  Avec son film, Tal Yehoudai propose une réalisation en totale cohérence avec l’éthique de son école. Elle pose son regard sur un fait de société – le veuvage, le deuil – et l’ancre, en toile de fond, dans le contexte politique complexe qui oppose Israël et Palestine. Le point de vue de cette très jeune réalisatrice sur la mort, ou plutôt sur son contrepoint, ceux qui restent, est incarné à l’écran par un personnage central, une femme sexagénaire nommée Neomi.

Après la mort de son mari, cette femme se retrouve isolée, ses enfants sont partis. Elle n’est plus ni vraiment mère ni vraiment femme et doit se reconstruire. Tal Yehoudai filme au plus près Neomi dans ce long processus qu’est le sien pour retrouver du sens à sa vie. Le film dépeint en vingt minutes l’évolution de cette femme. Tout commence par le constat qu’elle fait de sa propre solitude qui s’est insinuée doucement pendant sa première année de veuvage, le temps du deuil sans doute. Démunie mais consciente, elle provoque les choses et se provoque pour avancer et se retrouver autonome dans sa vie. On assiste à une belle transformation où la veuve cherche à redevenir femme même si cela lui en coûte. Tal Yehoudai filme avec beaucoup de pudeur une scène où Neomi passe à l’acte avec Salar, un homme palestinien qui à lui aussi perdu sa famille. Même si cet acte ne lui apporte pas le réconfort escompté, Neomi peut alors commencer sa nouvelle vie, elle se sent capable d’accomplir des choses pour elle et par elle-même. Le film se conclut par une séquence où Neomi apparaît non plus comme une femme éplorée mais comme une sexagénaire battante au regard fier. Interview.

Tal, pouvez-vous expliquer pourquoi vous avez choisi de traiter le sujet du deuil pour votre film d’études ?

En fait, je crois qu’il y a plusieurs sujets dans le film. Je parle de la solitude, de la difficulté de la vie adulte, de la vie de femme, de ce qui se passe quand on grandit. Cela m’a pris du temps pour comprendre pourquoi j’avais choisi ces thèmes pour mon film et pourquoi je les avais traités à travers le regard d’une veuve d’une soixantaine d’années. Mais au final, je crois que ces thèmes sont communs à tous. Il s’agit là d’une femme âgée mais le personnage principal aurait également pu être une jeune femme comme moi. Le fait est que nous sommes tous à la recherche d’une personne qui nous aimera et nous apportera un certain confort et de l’attention.

Dans le film, il est question d’un passage, d’un grand changement de vie pour cette femme qui se retrouve seule après la mort de son mari et dont les enfants sont partis depuis longtemps. Elle était femme et mère et doit, après ce deuil, se retrouver en tant qu’individu, se reconstruire dans sa vie. Je pense que ce sujet est assez universel.

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Dans le film, on voit en effet cette femme qui éprouve une grande difficulté à trouver un nouveau sens à sa vie mais qui malgré tout tente de changer…

Elle a vécu toute sa vie selon un même mouvement, s’est mariée très jeune, a eu des enfants, et maintenant tout le monde est parti et elle doit trouver un nouveau sens à sa vie. Elle choisit, pour se prouver quelque chose sans doute, d’aller voir un autre homme. Salar, le personnage de l’homme palestinien, pourrait être quelqu’un qui l’aiderait car il se retrouve lui aussi dans une situation de veuvage et dans une solitude similaire. Pourtant, elle ne trouvera pas de réelle solution dans cette relation charnelle, mais un début d’ouverture sur une nouvelle vie.

Pouvez-vous revenir sur la dernière séquence du film où la femme se retrouve à table avec ses enfants qui récitent une prière ? Son regard semble perdu dans une réflexion lointaine.

Cette séquence est assez ouverte, il peut y avoir plusieurs interprétations je pense. Pour moi, il s’agirait plutôt d’une sorte de conclusion, une marque du changement qui s’est opéré pour la femme après la relation qu’elle a eue avec Salar. Maintenant, elle sait qu’elle peut mener sa propre vie. Sa famille reste importante, mais maintenant elle sait qu’elle peut faire des choses par elle-même et pour elle, même si cela n’est pas simple.

La séquence où la femme se regarde et détaille son corps dans le miroir de sa chambre est très touchante, on sent tout le mal-être du personnage qui s’incarne dans ce corps flétri et débordant…

Je pense que pour les femmes, il est plus difficile d’accepter leur apparence que pour les hommes. Toute notre vie, nous tentons de montrer littéralement le meilleur de nous. Dans le film, la femme a toujours essayé d’être une bonne femme et une bonne mère, mais aujourd’hui elle est vieille et son corps reflète le temps qui a passé.

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Le rôle de la femme est central dans le film, la narration tourne autour d’elle, comment avez-vous travaillé avec la comédienne ?

Ce fut un long processus, nous avons beaucoup parlé. Pendant le casting, je n’ai pas voulu faire jouer aux comédiennes un texte particulier. J’ai plutôt discuté avec chacune d’elles à la recherche d’une sorte de connexion. Quand j’ai trouvé ma comédienne, le travail a été assez long et difficile car dans la vie elle est exactement l’opposé de la femme qu’elle joue dans le film ! La scène de sexe a aussi été très difficile à tourner pour elle.

Dans votre façon de filmer, on sent que vous portez une grande attention au cadre…

Oui, j’ai cherché à montrer l’isolement et la solitude de la femme à travers l’image. Dans le film, elle est souvent bord cadre comme si elle était presque extérieure au monde qui l’entoure. Mais quand elle commence à «s’intéresser» à elle, son corps revient au centre de l’image comme dans la scène devant le miroir ou lorsqu’elle est avec Salar.

Quels sont vos projets ?

J’ai écrit un synopsis pour un long métrage. Pour l’instant, je suis à la recherche de fonds pour écrire le scénario.

Propos recueillis par Fanny Barrot

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