La Bifle de Jean-Baptiste Saurel

Tout commence par la définition du mot « bifler » signifiant gifler d’un coup de pénis. Ensuite, le film de Jean-Baptiste Saurel comporte pas moins de 39 fois la prononciation du mot « bite ». À partir de là, on est en droit de se demander effectivement ce que veut dire ce film aux allures un tant soit peu vulgaires voire pornographiques. Ne nous fions pas aux apparences car Jean-Baptiste Saurel nous propose un court-métrage absolument surprenant, un réel ovni que les programmateurs de la Semaine de la Critique ont récemment sélectionné pour sa 51ème édition.

Le pitch : Francis est patron d’un vidéoclub qui doit son succès aux films de Ti-Kong, star de kung-fu. Complexé par sa bite, il n’arrive pas à avouer ses sentiments à Sonia, son employée. Jean-Baptiste Saurel, avec ce film, avait une idée en tête : parler des complexes masculins vécus au moment cruel qu’est l’adolescence, concernant la taille du pénis. Mais réaliser un énième film un peu pathos sur le thème de l’adolescence n’intéressait pas le jeune réalisateur tout droit sorti de La fémis. Au contraire, sa patte à lui était de jouer de tout ça. Et apparemment, il a fait le bon choix puisque le film fait parler de lui et de cette « bite géante tueuse ».

Le réalisateur emprunte des références à plusieurs genres de la tradition cinématographique d’ici et d’ailleurs, de manière à créer finalement un film bien à lui. On notera tout d’abord un clin d’œil aux westerns avec cette image d’ouverture d’un désert digne du Colorado, accompagné de ralentis au moment des actions essentielles de sorte à augmenter la part de suspense et la musique de Manuel Peskine, aux tonalités d’un harmonica de cow-boy.

Là n’est pas la seule référence puisqu’on retrouve bien entendu des accents de série Z et autres films de Kung-Fu, dont la scène finale en est la meilleure démonstration avec des effets assez impressionnants (le combat d’art martial à coups de bites et de pieds entre Francis et Ti-Kong, de cris, de grimaces, etc). C’est sans rappeler à cet égard une légère ressemblance avec Kill Bill de Quentin Tarantino qui déjà, s’amusait en détournant de manière comique, des références aux films de Kung-Fu, et Pulp Fiction par le décor très tarantinesque de « La Bifle » (attention toute particulière pour le trampoline avec les moules imprimées).

Enfin, on n’oubliera certainement pas d’indiquer que Jean-Baptiste Saurel a su prendre exemple sur la nouvelle génération de réalisateurs de comédies américaines, tel Judd Apatow en démontrant que derrière les blockbusters outre-Atlantique, se cache une manière différente de traiter des thèmes plus sérieux, comme les complexes masculins justement. Le jeune homme a compris que le rire était certainement plus communicatif et permettait de pointer du doigt des tabous avec légèreté, surtout lorsqu’il s’agissait de sexualité ou de taille de pénis ! À ce propos, certaines répliques comme « Sa bite est comme un pont entre nos deux cultures » ou encore « Des fois, je bifle ma cuisse, mais je fais pas exprès », ne nous laisserons pas insensibles.

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Difficile de ne pas évoquer non plus la performance des deux comédiens principaux, Franc Bruneau et Vanessa Guide, ainsi que celle des trois comédiens interprétant les rôles secondaires (David Nuñes, Cyril Gueï et Thévada Dek) croyant tous au dicton « le ridicule ne tue pas » le temps du film et allant « jusqu’au bout » de ce délire. Franc Bruneau, dont on avait déjà remarqué la présence dans « Paris – Shanghai » ou encore dans « Cheveu », met tout son corps à l’œuvre pour interpréter le rôle de Francis, ce patron de vidéoclub, complexé par la petite taille de son pénis, avec toujours ce même côté mi-paumé, mi-comique qu’on lui connaît. Face à lui, Vanessa Guide interprète la pulpeuse Sonia qui ne pense qu’à une chose : découvrir de nouvelles sensations en participant au tournage du nouveau film avec Ti-Kong, acteur au sexe démesuré qui pratique la bifle.

Alors, si « La Bifle » ne remportera probablement pas beaucoup de récompenses puisque c’est souvent le triste destin des comédies en compétition, en tout cas dans les festivals français, le film a le pouvoir de faire rire et de faire parler de lui. Il prouve aussi une nouvelle fois que l’équipe derrière ce film, Kazak Productions, a toujours le goût du risque et peu froid aux yeux dans ses choix de productions.

Camille Monin

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Article associé : l’interview de Jean-Baptiste Saurel, Franc Bruneau et Vanessa Guide

B comme La Bifle

Fiche technique

Synopsis : Francis est patron d’un vidéoclub qui doit son succès aux films de Ti-Kong, star de kung-fu. Complexé par sa bite, il n’arrive pas à avouer ses sentiments à Sonia, son employée. Mais lorsqu’elle se voit offrir un rôle dans Evil Nurse -dernier opus de Ti-Kong- Francis n’a plus le choix… Il doit sauver Sonia d’un terrible danger : La Bifle.

Genre : Fiction

Durée : 25’30’’

Pays : France

Année : 2012

Réalisation : Jean-Baptiste Saurel

Scénario : Jean-Baptiste Saurel

Image : Julien Roux

Montage : Nicolas Desmaison

Son : Nicolas Waschkowski

Décors : Sidney Dubois

Musique : Manuel Peskine

Interprétation : Franc Bruneau, Vanessa Guide, David Nuñes, Cyril Gueï, Thévada Dek

Production : Kazak Productions

Articles associés : la critique du film, l’interview de Jean-Baptiste Saurel, Franc Bruneau et Vanessa Guide

N comme A New Old Story

Fiche technique

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Synopsis : Au fil de leurs errances, quatre individus se croisent dans des lieux de passages. Peu à peu, aux échanges prudents des uns répondent les corps vibrants des autres, formant l’image de rencontres décisives.

Genre : Fiction

Durée : 22’

Pays : Belgique

Année : 2011

Réalisation : Antoine Cuypers

Scénario : Antoine Cuypers, Antoine Wauter

Interprètes : Arno Hintjens, Sophia Leboutte, Cédric eeckhout, Lucie Debay

Image : Manu Dacosse

Musique : Manuel Roland, Simon Thiérrée

Montage : Marc De Coster

Production : Entre Chien et loup

Article associé : la critique du film

A New Old Story d’Antoine Cuypers

In The Blood for Love

Lauréat du Prix des centres culturels à la 15ème édition du Brussels Short Film Festival, A New Old Story d’Antoine Cuypers est un film formellement audacieux et atypique qui s’affranchit agréablement de l’étiquette « cinéma social » trop rapidement donnée au cinéma belge.

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A New Old Story. L’histoire d’un amour fou qui mène au dépassement de soi, à la destruction des barrières conventionnelles, à la liberté tant convoitée, à la solitude aussi. Le court métrage de Cuypers est de cette trempe-là, du moins on aime à le voir ainsi. Non pour son contenu, somme toute assez banal (un homme retrouve son amour de jeunesse dans le café d’une gare) mais pour la rigueur formelle que le cinéaste s’est imposé dans une réinterprétation moderne et originale du plus commun des récits.

Entre clip et pub, le film s’incruste dans les pores dès les premières secondes où l’on assiste à une chorégraphie dans un bar désert, belle et sauvage. En un montage parallèle rythmé, le film passe rapidement en revue les différents protagonistes de ce court choral. Et on ressent nettement le besoin de chacun de s’exprimer, de crier, d’exploser. Le ton est donné.

Des solitudes qui s’entrecroisent, se reniflent, s’attirent. Quand l’une recherche le plaisir dans l’évanescence, l’autre désire graver ses empreintes violemment. Les mouvements de caméra et la musique  traduisent cette impossibilité de communiquer par la parole, cette nécessité de faire appel au corps et aux sens parce que plus rien n’a de sens. L’amour est un leurre, une jolie illusion à laquelle on s’attache malgré tout.

Face à une Sophia Leboutte convaincante comme à son habitude, on retrouve le charismatique chanteur Arno dans un rôle qui lui va comme un gant. Juste à tous moments, même dans ses maladresses langagières, le crooner flamand crève l’écran. Par sa grâce formelle, son rythme effréné et son montage saccadé, A New Old Story rentre inévitablement dans la cour des « Grands ».

Marie Bergeret

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Le 10ème Brussels Film Festival: soirée courts métrages le lundi 11 juin

Du 8 au 16 juin, le Brussels Film Festival traverse l’Europe pour ses 10 ans : il fera escale en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas, en France, en Espagne, en Italie, en Croatie, en Suisse, en Serbie, en Turquie. En Pologne et en Russie aussi. Au Danemark et en Suède encore.

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A côté des longs métrages, le Festival propose 12 courts métrages en compétition :

– Robyn O. (14)

– La Boîte de Sardines

A New Old Story

– Broeders/ Brothers

Cases ou « Je ne suis pas un monstre »

– Que la suite soit douce

– L’Attrape-Rêves

– Shelter

– Dancing

– Rivers Return

– Lucid

– Le cri du homard

Site du Festival : http://www.brff.be/

Sessiz-be deng (Silencieux) de Rezan Yeşilbaş

The Portrait of a Lady

C’était l’un des deux films que nous avions retenus à Cannes, parmi les courts métrages de la sélection officielle (l’autre étant « Night Shift » de Zia Mandviwalla).  « Sessiz-be deng (Silencieux) », Palme d’or du court métrage, nous vient de Turquie. Tout en pudeur, en silences et en échanges de regards, il évoque une situation politique forte vécue d’un point de vue personnel.

L’année 1984. Zeynep, une jeune mère de famille vit à Diyarbakir, la capitale de la région kurde de Turquie, avec ses trois enfants en bas âge. Elle souhaite rendre visite à son mari emprisonné, mais rencontre une difficulté majeure : elle ne connaît que sa langue maternelle, le kurde, et en prison celle-ci est strictement interdite, au profit de la seule langue officielle, le turc. Sans l’usage du kurde, Zeynep se trouve dans l’impossibilité de prononcer le moindre mot. Sa frustration augmente lorsqu’on lui interdit aussi de porter une nouvelle paire de chaussures pour son mari. Les règles sont strictes : aucun objet ne peut provenir de l’extérieur, lors des visites en prison. Zeynep, désespérée, achète pourtant une paire de chaussures en cuir avant de se rendre au parloir. Une fois sur place, mal à l’aise, elle attend son homme, lui sourit timidement, et lui dit avec des yeux humides ce qu’elle ne peut pas lui exprimer de sa bouche muette.

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Huseyin, son mari la regarde, lui sourit, est ému, lui aussi. Lui non plus ne parle pas la langue officielle. Il lâche une seule, une simple phrase : « Les-as tu apportées ? ». Elle n’a pas le temps de lui répondre qu’un surveillant aboie : « Parlez turc, parlez turc ». Sous la table, Zeynep et son mari se mettent alors à échanger discrètement et muettement leurs chaussures, lui récupérant une paire toute neuve et elle, des substituts en piteux état. Nouveau troc de regards. Et secret.

En premier lieu, devant un tel film, on pense à l’amour, au lien entre deux êtres, unis dans la peine (de prison, d’amour), à la souffrance et au courage d’une femme. En grattant un peu, en faisant intervenir Wikipédia, on découvre une histoire bien plus complexe, liée à des faits réels survenus à la même époque que celle à laquelle est censée se rapporter le film. Le réalisateur, dans son dossier de presse, va dans le même sens : « La prison de Diyarbakir est un symbole de la torture en milieu pénitencier de la période suivant le coup militaire de 1980. Mais au lieu de raconter l’intérieur de la prison, c’est-à-dire les détenus politiques, la torture ou les luttes de conviction, j’ai choisi de tourner ma camera vers les petites histoires quotidiennes des femmes au dehors; et vers leurs silence imposés car le kurde, seule langue qu’elles connaissaient, était à l’époque strictement interdite dans les prisons ».

La caméra de de Rezan Yeşilbaş ne lâche jamais, c’est vrai, cette femme du quotidien et du dehors. Que ce soit quand elle récupère, inquiète, son linge sous un ciel envahi d’avions, quand elle noue, avec concentration, son voile, quand elle marche, d’un pas pressé, dans les rues de Diyarbakir ou quand, anxieuse, elle attend son tour devant le parloir. L’espace d’un instant, pourtant, notre regard se détourne d’elle pour s’arrêter sur ces fameuses chaussures dissidentes qui, nettoyées et réparées par le cordonnier, sous l’œil attentif du fils aîné, sont ramenées précieusement à domicile. Traces, reliques, posées dans un coin de la maison, elles symbolisent une présence, celle de la figure du mari et du père absent.

Deuxième film d’une trilogie féminine initiée par le réalisateur, ce fragment de vie, imaginé près de 30 ans en arrière, interpelle par son sujet intime, son traitement pudique, son cadrage des visages (celui de l’actrice Belçim Bilgin attise la pellicule) et sa lumière très douce. A Cannes, le film a reçu la Palme d’Or des mains de Jean-Pierre Dardenne, Président du Jury des courts métrages et de la Cinéfondation, accompagné de Kylie Minogue citant Charlie Chaplin (ça change). Rezan Yeşilbaş, lui, a dédié son prix à « toutes les femmes seules et silencieuses de son pays ».

Katia Bayer

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S comme Sessiz-be deng (Silencieux)

Fiche technique

Synopsis : L’année 1984 à Diyarbakir. Zeynep, mère de trois enfants, veut visiter son mari en prison. Elle ne parle que kurde, sa langue maternelle, mais en prison, celle-ci est strictement interdite. Sans l’usage du turc, elle est dans l’impossibilité de prononcer même un seul mot. Sa frustration augmente lorsqu’on lui interdit aussi d’apporter une nouvelle paire de chaussure pour son mari.

Genre : Fiction

Durée : 14’

Pays : Turquie

Année : 2012

Réalisation : Rezan Yeşilbaş

Scénario : Rezan Yeşilbaş

Images : Türksoy Golebeyi

Décors : Tugba Atac

Son : Furkan Atli

Montage : Bugra Dedeoglu, Rezan Yeşilbaş

Interprétation : Belcim Bilgin, Cem Bender

Production : Rezan Yeşilbaş

Article associé : la critique du film

Annecy, le palmarès courts métrages 2012

Le festival d’animation Annecy s’est terminé hier. Bien belle surprise que de voir « Tram » de Michaela Pavlátová, repéré à Cannes, remporter le Cristal d’Annecy et le Prix FIPRESCI (critique internationale) et « Edmond était un âne » de Franck Dion, programmé dans notre prochaine séance Format Court, obtenir le Prix spécial du jury. Voici le palmarès entier, côté court.

Le Cristal d’Annecy & le Prix Fipresci de la critique internationale : Tram de Michaela Pavlátová, France

Prix spécial du jury : Edmond était un âne de Franck Dion, France, Canada

Prix « Jean-Luc Xiberras » de la première œuvre : The People Who Never Stop de Florian Piento, France, Japon

Mention spéciale : Seven Minutes in the Warsaw Ghetto de Johan Oettinger, Danemark

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Prix Sacem de la musique originale : Modern No. 2 de Mirai Mizue, Japon

Prix du jury junior pour un court métrage : História d’Este de Pascual Pérez, Espagne

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Cliquer sur l'image pour visionner le film en entier

C comme 15 Iulie

Fiche technique

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Synopsis : Un après-midi en famille. Le père fait des réparations dans la salle de bain, la grand-mère regarde la télé, le gendre veut partir et la fille se retrouve au milieu.

Genre : fiction

Durée : 12’

Pays : Roumanie

Année : 2011

Réalisation : Cristi Iftime

Scénario : Anca Buja , Cristi Iftime

Interprètes : Lorena Zabrautanu, Coca Bloos, Adrian Titieni, Lucian Iftime

Image : George Chiper-Lilemark

Son : Ioan Filip, Alexandru Radu

Montage : Dragos Dulea

Production : UNATC « I.L.Caragiale »

Article associé : la critique du film

15 Iulie de Cristi Iftime

« Le temps prend son temps »

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De passage à Brasov, une jeune femme, accompagnée de son petit ami, rend visite à son père le jour de son anniversaire. Ils n’ont que quinze minutes devant eux car la mère les attend pour dîner. Seulement voilà que le père vient de faire des travaux et se trouve sale. Il s’en va prendre une douche laissant sa fille et son copain attendre avec la grand-mère. Assis tous les trois devant la télévision, les deux jeunes font mine de patience. Mais sitôt le père sorti de la salle de bain, il est déjà temps pour le couple de repartir. Au résultat, une scène qui n’a pas lieu, ou plutôt un lieu qui n’a pas de scène.

Ce qu’on retrouve souvent dans la vague des nouveaux films roumains, c’est leur attention au temps. Ils ne sont ni dans le passé, ni dans la projection mais dans une recherche de ce qu’est le présent. Ils mettent l’accent, de manière très particulière, sur le fait de filmer des temps différents qui se frôlent les uns aux autres, comme des courbes d’une figure fractale. « 15 iulie » est un film qui se passe pendant le temps que se passe l’histoire, c’est-à-dire : le temps d’une douche. Car, bien qu’il y ait des ellipses, on est bien là à attendre que cette douche se termine. Cristi Iftime, le réalisateur, s’intéresse à cette attente en ce qu’elle permet de voir se révéler le temps même de l’attente. Cette durée qui apparaît, ce sont les rapports familiaux non pas en termes de psychologie, mais plutôt en termes de physique : la fille qui aime son père ne peut pas le rejoindre dans son temps, et lui ne sait plus de quel temps vient sa fille (il est aussi question d’Est et d’Ouest dans cette histoire). Car cette fille, encore sans contrat d’embauche et habitant la capitale est trop prise par le temps des autres : celui du copain, celui de la mère, celui du père et ses projections. Entre elle et son père, il y a un amour si proche mais des temps si éloignés.

Un très beau plan montre la jeune femme en train d’attendre son père devant la porte de la salle de bain tandis que la grand-mère, hors champ, cause avec le père, lui aussi hors du cadre, laissant la fille muette, au centre. Ce qui est encore plus beau dans « 15 iulie », c’est la place de la caméra qui permet de voir ce qu’il y a entre les personnages, ce décalage des temps qui divergent. Et tandis qu’ils subissent la lourdeur du temps, nous, grâce à la mise en scène sobre et discrète du cinéaste, nous pouvons voir non seulement le sentiment, mais l’idée historique qui découle de ce temps.

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Croq’Anime, appel à film

Croq’Anime, le Rendez-vous du Film d’Animation de Paris prépare la 5ème édition de son Festival qui aura lieu les 7, 8 et 9 septembre 2012 à Paris. Vous pouvez d’ores et déjà envoyer vos films soit par internet en HD soit par courrier postal (pas en recommandé) à l’adresse suivante : 2 rue Boyer – 75020 Paris. Pour participer au Festival, vous devez remplir une fiche d’inscription et une déclaration sur l’honneur que vous renverrez par courrier, datées et signées à Croq’Anime.

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Conditions

– Toutes techniques.

– Pas d’années ni de thème imposés.

– Court-métrage d’une durée de 1 à 12 minutes maximum

Limite d’envois : 30 juin 2012

Plus de renseignements sur www.croqanime.org ou au +33 1 43 15 02 24.

T comme Tania

Fiche technique

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Synopsis : Dans une petite cité, Tania, 16 ans, se tient cachée, un marteau à la main. Elle observe un groupe de jeunes.

Genre : Fiction

Durée : 20’20’’

Pays : France

Année : 2011

Réalisation : Giovanni Sportiello

Scénario : Giovanni Sportiello

Interprétation : Claire De la rue du Can, Sylvaine Trebosc, Bruno Clairefond

Image : Denis Louis

Son : Christophe Vingtrinier

Montage : Aurélien Guégan

Production : 1.85 films

Article associé : la critique du film

Tania de Giovanni Sportiello

Un marteau nommé Tania

« Tania » est un film sur un coup de tête : il devait se passer quelque chose, il se passe autre chose. Le film qui en découle jouit de liberté et d’une certaine malice à enchaîner les détails. Tania, une jeune fille de 16 ans, attendait certainement que ce garçon avec qui elle a couché une fois revienne pour l’assommer d’un coup de marteau, juste parce qu’il ne répond pas au téléphone. Mais voilà qu’en l’attendant, c’est une vieille dame qui se prend un coup dans la figure en tombant. Comme par hasard.

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Tania s’empresse d’aider la vieille dame à se relever et l’accompagne jusqu’à chez elle. Mais elle ne sait pas comment l’aider à soigner ses blessures. Alors elle s’en va et retrouve enfin le garçon qui lui dit « qu’ils allaient quand même pas se marier ». Tania, qui n’a plus la tête à cogner sur lui, retourne à grands pas chez la vieille dame qui émet son dernier souffle. C’est terrible de voir quelqu’un mourir. Mais chez Giovanni Sportiello, c’est plutôt étrange. Car tout est étrange chez Tania et dans « Tania ». Le béton est étrange, les enfants sont étranges, la cité est étrange ; au final, il vaut mieux casser une porte à coups de marteau plutôt que de cogner sur la tête d’un garçon qui n’en vaut pas la peine. Est-ce la morale ? Bien sûr que oui. Et bien sûr que non.

« Tania » est un film qui fait du bien à voir parce qu’on ne peut pas le définir. Comme si Antonioni revenait, un marteau à la main, filmer dans la cité sans scénario. Car le scénario de ce film est tout aussi oisif que la caméra : l’un et l’autre se laissent guider par ce qui arrive, par le sens du vent, par l’ennui, même. Si la caméra oscille sans cesse entre le très proche et le très loin, ce n’est pas une manière de vouloir nous faire entrer ou sortir de la tête du personnage ; au contraire, le film semble plutôt à une place d’observation qui guette chaque regard, chaque souffle de la jeune fille. On ne peut pas parler de caméra subjective et dire que celle-ci voit ce que Tania regarde;  la caméra de Sportiello a sa curiosité propre – une curiosité bien égoïste, comme son héroïne -, elle regarde souvent à côté, là où il ne se passe pas encore quelque chose. En somme, on peut dire que dans « Tania », la caméra est aussi adolescente que son actrice. Une beauté.

Ian Menoyot

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Fyzal Boulifa : « Ce qui m’épate avec les non professionels, c’est de ne pas savoir ce qu’ils sont en mesure de faire et de donner, et de me laisser surprendre par leur potentiel »

Lauréat du Prix illy du court métrage (pour « The Curse ») à la dernière Quinzaine des Réalisateurs, Fyzal Boulifa, cinéaste britannique d’origine marocaine, marche aux tranches de vie, à l’instinct, et à l’auto-apprentissage. Rencontre.

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Quel a été l’élément déclencheur qui t’a donné l’envie de faire des films ? Comment et pourquoi tu as appris ?

Je pense avoir été chanceux car je n’ai pas fait d’école. Le UK Film Council m’a financé pour faire des courts métrages. J’avais bien commencé une école, la London College of Communication, mais je m’en suis écarté très rapidement. Je voulais explorer, je préférais apprendre par expérience et erreurs que suivre le style et les goûts de personnes avec lesquelles je ne me sentais pas lié. Ça a été très instructif d’apprendre d’une autre façon qu’à l’école. J’ai pu ainsi faire trois films de cette manière.

N’est-ce pourtant pas à l’école qu’on peut apprendre et qu’on est autorisé à faire des fautes ?

C’est vrai. Mais quand j’ai commencé l’école, on n’avait pas vraiment le droit à l’erreur. L’accès à la réalisation était brigué par beaucoup de monde. On arrivait difficilement à faire concrétiser nos projets. J’avais besoin d’apprendre à diriger, c’était très clair dans mon esprit.

Comment as-tu identifié ce que tu voulais raconter dans tes films ?

Je suis obsédé par les images, j’y trouve une certaine excitation. Assembler les éléments m’intéresse, excepté pour « The Curse », qui part d’une anecdote familiale. J’essaye de travailler à l’instinct. Je ne me suis jamais senti fortement impliqué dans un groupe en particulier, je pense que c’est la raison pour laquelle mes personnages ont tendance à être des étrangers, à suivre leur propre chemin. L’individu contre le groupe, c’est quelque chose qui se retrouvait déjà dans mes précédents films. « Whore » raconte l’histoire de deux adolescents à problèmes partageant de manière égale l’attirance et le dégoût l’un vis-à-vis de l’autre, provoqués par des stéréotypes et des idéologies. Pour « Burn my Body », je m’intéressais au multiculturalisme, très vif en Grande-Bretagne, à la rébellion et à la seconde génération partagée entre les traditions et la société contemporaine.

Tu n’as jamais été tenté par le documentaire ?

Non, parce que je n’ai jamais eu de bonnes idées pour cela (rires) ! Mais j’apprécie le genre car je travaille en permanence avec des non professionnels. Ils se retrouvent constamment dans mes films. Quand j’étais à l’école, ce n’était pas quelque chose que j’ai appris. On reçoit de nombreuses leçons pour diriger les acteurs, mais on sait bien peu de choses sur les non professionnels. À travers mes courts métrages, j’ai pu éprouver leur importance, apprendre à les diriger.

Comment ta mère t’a parlé de l’histoire qui a inspiré « The Curse » ?

Elle l’a décrit comme le pire jour de sa vie (rires) ! Instinctivement, j’ai trouvé ça intéressant. Elle a grandi, comme orpheline, au Maroc, pays fort caractérisé par son unité familiale, maintenant, elle est très religieuse. Me retrouver dans ce monde où elle avait été jeune, rebelle, en conflit avec la société m’a permis d’explorer ma relation avec elle ainsi que mes origines. Je n’ai pas grandi en cultivant des liens forts à l’égard du Maroc, mais ce pays m’a progressivement fasciné.

Comment était-ce de tourner là-bas ?

Inouï, fantastique. On tournait en janvier, les productions américaines n’étaient pas très présents sur place, on a eu une super équipe. Les enfants, non professionnels, se sont montrés très performants. Ibtissam Zabara, qui joue le personnage de Fatin, était aussi une comédienne non professionnelle, je l’ai choisie à l’instinct. L’audition était épouvantable. Elle ne pouvait pas jouer, elle était terrifiée, elle n’arrêtait pas de regarder la caméra, mais je trouvais quelque chose de fascinant en elle. J’ai failli choisir une autre actrice, mais dans l’avion de retour, en visionnant tout ce qu’on avait fait, et en la revoyant, je me suis dit que c’était elle. C’était une évidence, même si c’était un gros risque à prendre. Mais j’ai placé ma confiance en elle. Après un long moment de répétition et de tournage, elle s’est vraiment épanouie et est devenue quelqu’un d’autre. Ce qui m’épate avec les non professionnels, c’est de ne pas savoir ce qu’ils sont en mesure de faire, de donner, et de me laisser surprendre par leur potentiel. C’est ce qui me plait le plus dans la réalisation.

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Qu’est-ce qui t’a plu exactement en elle ?

Ça n’avait rien à voir avec sa timidité, sa faculté de jouer ou non, d’être douée ou non. Telle qu’elle était, là, elle était la vraie essence du personnage. Tu sens ça, si la personne en face de toi a une présence, si elle te donne l’impression d’être paumée et atypique sexuellement, à la croisée de personnages masculins et féminins. Je voulais voir tout ça sur un visage, y croire, plutôt qu’engager une actrice professionnelle qui aurait joué toutes ces facettes.

La critique de ton film parue sur le site parle d’un « pays où il est pratiquement impossible de se cacher (le soleil, adulé dans certains pays, interdit ici toute intimité et tout secret et fait partie de la malédiction ». Comment prends-tu ces mots ?

C’est très beau. Ca renvoie au titre du film que j’aime beaucoup et qui a plusieurs significations : en anglais, il évoque l’impossibilité de s’échapper (ce qui est vrai : le soleil regarde Fatin, les enfants aussi, elle est en permanence observée, elle ne peut pas s’échapper), les règles de la femme (en argot), et par extension le “malheur” d’être femme. En même temps, en arabe, « the curse » renvoie à la malédiction de Dieu. Cette traduction me plait beaucoup car elle renvoie aussi à l’identité propre, aux hasards de la naissance dans tel lieu, tel corps, telle époque.

Question perso. Comment ta mère a-t-elle réagi devant ton film ?

Je lui ai parlé du projet, je lui ai demandé comment c’était de grandir, comme femme, dans une toute petite famille, dans un pays comme celui-là. Mais elle ne l’a pas encore vu, j’attends de le lui montrer dans une salle de cinéma. Elle est assez curieuse de la raison pour laquelle j’ai fait ce film-là. Je pense qu’elle éprouvera de la sympathie pour les personnages, ce qui ne m’empêche pas d’être un peu anxieux en prévision de la projection !

Propos recueillis par Katia Bayer

Articles associés : la critique du film, l’interview de Julie Bertuccelli

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E comme Eenentwintig + zeven

Fiche technique

Synopsis : Vibe, 7 ans, vit chez ses grands-parents. Le week-end, elle fait des kilomètres pour aller voir ses parents. La magie de l’enfance disparaît pour laisser place à la réalité.

Genre : documentaire

Durée : 30’

Pays : Belgique / Allemagne

Année : 2011

Réalisation : Kenneth Michiels

Scénario : Kenneth Michiels

Image : Kenneth Michiels

Son : Kenneth Michiels, Thomas Vertongen

Musique : Kenneth Michiels

Montage : Kenneth Michiels, Nico Leunen

Production : Kenneth Michiels

Article associé : la critique du film

Eenentwintig + Zeven de Kenneth Michiels

« 28 jours heureux »

Si « Eenentwintig + Zeven » de Kenneth Michiels, présenté en compétition nationale au Brussels Short Film Festival, ne laisse pas indifférent c’est qu’il est une expérience unique en son genre, un documentaire qui convie à une vraie rencontre entre le spectateur et Vibe qui, à sept ans, fait face à la dépression de sa mère avec une maturité déconcertante.

Vibe a 7ans, le nez qui coule souvent et un avis sur tout. Elle vit la semaine chez ses grands-parents où elle est scolarisée et le week-end chez ses parents où elle partage la chambre avec son petit frère d’un an. Quand Vibe trouve des coccinelles, elle s’amuse à compter leurs points sur les ailes afin d’apprécier ses jours de bonheur en perspective. Elle en a compté 21 + 7.

Dès le générique de début, Kenneth Michiel, issu du KASK, nous montre son envie de filmer une réalité inaccessible, une vérité qu’il tentera de dévoiler tout au long de son documentaire mais en vain. Des plans aériens sur la campagne flamande, sur une jolie musique de fosse, il ne restera que l’envie de trouver ailleurs ce qu’il ne peut trouver en lui. Car Kenneth nous parle de lui, sans trop de pudeur, ou plutôt de sa famille. Pour comprendre sa sœur qui vit une sévère dépression, il décide de filmer sa nièce et de réaliser un film témoignage. La grandeur du film est bien évidemment de dépasser le cadre personnel et familial du réalisateur grâce à la mise en place d’un dispositif formel qui à chaque instant semble l’emporter sur la réalité en se glissant dans ses interstices de façon quasi frénétique.

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La musique, principalement l’air du « Lac des Cygnes » de Tchaïkovski de la boîte à musique de Vibe, notamment restitue la magie de l’enfance que le réalisateur confronte à la terrible réalité, celle d’une mère qui vit la moitié du temps dans le noir et qui confie ses angoisses à son frère, étudiant en cinéma (« Je n’ai jamais voulu avoir d’enfants ») et qui, elle l’espère, montrera ses images à Vibe un jour. Dérangeant par ces confessions que l’on n’a pas l’habitude d’entendre et interpellant par la façon toute particulière qu’a le cinéaste de manipuler la réalité pour tenter de répondre à ses interrogations personnelles. Car il est évident que les questions qu’il pose à Vibe, c’est avant tout pour tenter de trouver des réponses pour lui-même et quand il filme sa sœur à son insu c’est sans doute pour capturer des éléments, au-delà de sa logorrhée suicidaire. Peut-être pense-t-il naïvement qu’avec sa caméra il renouera les liens familiaux et qui sait, guérira sa sœur? Avec son film « Eenentwintig + Zeven », Kenneth Michiels réussit le tour de force de donner à voir un documentaire où filmer l’autre devient en définitive une véritable quête de soi.

Marie Bergeret

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T comme Tuba Atlantic

Fiche technique

Synopsis : Tout le monde va mourir un jour. Oskar, 70 ans, va mourir dans six jours. Il est prêt à pardonner à son frère, qui habite de l’autre côté de l’Atlantique. Mais parviendra-t-il à le retrouver avant qu’il ne soit trop tard ?

Genre : fiction

Durée : 25’

Pays : Norvège

Année : 2011

Réalisation : Hallvar Witzø

Scénario : Linn-Jeanethe Kyed

Interprètes : Edvard Hægstad, Ingrid Viken, erje Rangnes

Image : Karl Erik Brøndo

Musique : Nils Økland

Montage : Vesa Happonen

Production : The Norwegian Film School

Article associé : la critique du film

D comme Darwaazon Wala Ghar (La Maison aux portes)

Fiche technique

Synopsis : Ce film propose, à travers l’histoire d’un homme et de sa chaise, un emétaphore des relations humaines entre la vieillesse et la jeunesse.

Genre : Fiction expérimentale

Durée : 6’23’

Pays : Inde

Année : 2011

Réalisation : Nishant Sharma et Rohit Sharma

Scénario : Nishant Sharma

Image : Sudesh Balan

Son : Sedeep Srivastava, Phani Damara

Montage : Phani Damara

Interprétation : Purshottam Petel, Kiran Gangadharan, Anmol Dharmadhikari, Debjani Roy

Production : Nishant Sharma

Article associé : la critique du film

Le Crépuscule des vieux

Cette année, davantage que les autres, la sélection du Brussels Short Film Festival révélait la noirceur de l’âme. Des films venus des quatre coins du monde qui déclinaient la même souffrance, la même peur d’exister et la même peur de mourir. Parmi ceux-ci Darwaazon wala Ghar (La Maison aux portes) de Nishant et Rohit Sharma et Tuba Atlantic d’Hallvar Witzø ont retenu l’attention grâce à leur façon poétique et originale de traduire le déclin de l’Homme.

Dans son essai La Vieillesse, publié en 1970, Simone de Beauvoir adressait déjà une virulente critique à la société française pour la manière dont elle considérait les personnes âgées. Taboue à bien des égards, la question demeure dérangeante même 40 ans plus tard. Chez nous en Occident, vieillir angoisse, car chaque année supplémentaire mène irrémédiablement vers la mort. Et la mort est synonyme de fin. Par cette considération existentielle, la vieillesse reste fort mal acceptée par la majorité des gens. C’est ainsi que l’homme moderne et civilisé, fort d’un emploi du temps hyper chargé, laisse choir les rêves et les illusions de ses aînés dans de jolies chambres aux murs décrépis, jusqu’à ce qu’ils reposent (définitivement) en paix.

Avec Darwaazon wala Ghar (La Maison aux portes), Nishant et Rohit Sharma signent une métaphore sensible des relations humaines. Sur le pas de sa porte, un homme d’un certain âge est assis et semble contempler l’activité de la ville. Quand ses voisins se débarrassent d’une vieille chaise et la jettent à la décharge, l’homme s’en va la récupérer, les voisins la reprennent et l’homme la récupère à nouveau jusqu’à ce qu’il décide de s’attacher à celle-ci quitte à être lui-même emporté à la décharge. Même s’il est vrai que Darwaazon wala Ghar est un film formel avant tout, il peut éventuellement se lire comme un questionnement sur la place des « Vieux ». Ainsi, dans un pays où les aînés sont vénérés, où une place de choix leur est accordée, le jeune tandem indien semble au contraire exprimer le désenchantement tangible d’une vieillesse caduque, attachée à des traditions considérées comme obsolètes. Comment évoluer dans un monde moderne qui vit à un rythme de plus en plus effréné sans se détacher un peu du passé ? Et comment vivre dans un monde qui abandonnerait les valeurs de ce passé ? C’est qu’au sein de la « plus grande démocratie du monde », croyances et traditions sont le lien même qui tissent les relations. Par le biais de panoramiques répétitifs, le film cantonne volontairement, la réalité dans un horizontal suffocant. La jeunesse ainsi confinée dans un carcan linéaire se retrouve incapable de communiquer avec ses pères et décide de s’en débarrasser tout simplement.

De son côté, Tuba Atlantic du Norvégien Hallvar Witzø prend le parti pris d’un cynisme nordique. Oskar, vieil acariâtre de 70 ans, apprend par son médecin qu’il lui reste 6 jours à vivre. En dispute avec son frère depuis des années, il est prêt à lui pardonner. Le problème est qu’il habite de l’autre côté de l’Atlantique. En lice dans la course aux Oscars du mois de février et lauréat du Prix des Médiathèques à Clermont-Ferrand, Tuba Atlantic est le genre de film qu’on n’oublie pas, tant le scénario, la mise en scène et l’interprétation sont une belle réussite. Mais Tuba Atlantic pourrait sembler morbide s’il n’y avait pas cet humour décalé parsemé tout au long du film. Pour filmer un homme en fin de vie, Witzø a également opté pour des mouvements horizontaux, non pas pour enfermer le spectateur mais pour renforcer la solitude d’Oskar en quête d’un dernier signe de réconfort avant le grand départ. La musique, toujours en contrepoint, souligne le côté décalé et maladroit du personnage et permet d’entrer une pointe de burlesque dans cette angoisse existentielle. Des paysages norvégiens, hivernaux et désolés, filmés dans des horizons lointains, se dégage une poésie sensible, palpable mais inexprimée. Comme si l’appel de l’ailleurs était plus fort malgré tout, comme si Oskar le savait mais qu’une dernière fois il lui fallait montrer au monde qu’il resterait ce grincheux solitaire, tueur de mouettes dont il déteste le cri.

Marie Bergeret

Consultez les fiches techniques de Darwaazon wala Ghar et de Tuba Atlantic

Focus Brussels Short Film Festival 2012

Cette année, le Brussels Short Film Festival fêtait ses 15 ans. Une édition qui comme chaque année a vu déferler bon nombre de spectateurs dans les salles du Vendôme, du Mercelis, du Flagey et du Bozar, pour apprécier pas moins de 3 programmes « Best of », une séance spéciale « anniversaire » et de jolies découvertes des cinémas basque, allemand, latino sans oublier les habituelles compétitions nationale et internationale.

Retrouvez dans ce focus :

La critique de « A New Old Story » d’Antoine Cuypers (Belgique)

La critique de « Tania » de Giovanni Sportiello (France)

La critique de « Eenentwintig + Zeven » de Kenneth Michiels (Belgique)

Le reportage « Le Crépuscule des vieux »

Le  palmarès

Et d’autres sujets dans les jours à venir.