La Bifle de Jean-Baptiste Saurel

Tout commence par la définition du mot « bifler » signifiant gifler d’un coup de pénis. Ensuite, le film de Jean-Baptiste Saurel comporte pas moins de 39 fois la prononciation du mot « bite ». À partir de là, on est en droit de se demander effectivement ce que veut dire ce film aux allures un tant soit peu vulgaires voire pornographiques. Ne nous fions pas aux apparences car Jean-Baptiste Saurel nous propose un court-métrage absolument surprenant, un réel ovni que les programmateurs de la Semaine de la Critique ont récemment sélectionné pour sa 51ème édition.

Le pitch : Francis est patron d’un vidéoclub qui doit son succès aux films de Ti-Kong, star de kung-fu. Complexé par sa bite, il n’arrive pas à avouer ses sentiments à Sonia, son employée. Jean-Baptiste Saurel, avec ce film, avait une idée en tête : parler des complexes masculins vécus au moment cruel qu’est l’adolescence, concernant la taille du pénis. Mais réaliser un énième film un peu pathos sur le thème de l’adolescence n’intéressait pas le jeune réalisateur tout droit sorti de La fémis. Au contraire, sa patte à lui était de jouer de tout ça. Et apparemment, il a fait le bon choix puisque le film fait parler de lui et de cette « bite géante tueuse ».

Le réalisateur emprunte des références à plusieurs genres de la tradition cinématographique d’ici et d’ailleurs, de manière à créer finalement un film bien à lui. On notera tout d’abord un clin d’œil aux westerns avec cette image d’ouverture d’un désert digne du Colorado, accompagné de ralentis au moment des actions essentielles de sorte à augmenter la part de suspense et la musique de Manuel Peskine, aux tonalités d’un harmonica de cow-boy.

Là n’est pas la seule référence puisqu’on retrouve bien entendu des accents de série Z et autres films de Kung-Fu, dont la scène finale en est la meilleure démonstration avec des effets assez impressionnants (le combat d’art martial à coups de bites et de pieds entre Francis et Ti-Kong, de cris, de grimaces, etc). C’est sans rappeler à cet égard une légère ressemblance avec Kill Bill de Quentin Tarantino qui déjà, s’amusait en détournant de manière comique, des références aux films de Kung-Fu, et Pulp Fiction par le décor très tarantinesque de « La Bifle » (attention toute particulière pour le trampoline avec les moules imprimées).

Enfin, on n’oubliera certainement pas d’indiquer que Jean-Baptiste Saurel a su prendre exemple sur la nouvelle génération de réalisateurs de comédies américaines, tel Judd Apatow en démontrant que derrière les blockbusters outre-Atlantique, se cache une manière différente de traiter des thèmes plus sérieux, comme les complexes masculins justement. Le jeune homme a compris que le rire était certainement plus communicatif et permettait de pointer du doigt des tabous avec légèreté, surtout lorsqu’il s’agissait de sexualité ou de taille de pénis ! À ce propos, certaines répliques comme « Sa bite est comme un pont entre nos deux cultures » ou encore « Des fois, je bifle ma cuisse, mais je fais pas exprès », ne nous laisserons pas insensibles.

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Difficile de ne pas évoquer non plus la performance des deux comédiens principaux, Franc Bruneau et Vanessa Guide, ainsi que celle des trois comédiens interprétant les rôles secondaires (David Nuñes, Cyril Gueï et Thévada Dek) croyant tous au dicton « le ridicule ne tue pas » le temps du film et allant « jusqu’au bout » de ce délire. Franc Bruneau, dont on avait déjà remarqué la présence dans « Paris – Shanghai » ou encore dans « Cheveu », met tout son corps à l’œuvre pour interpréter le rôle de Francis, ce patron de vidéoclub, complexé par la petite taille de son pénis, avec toujours ce même côté mi-paumé, mi-comique qu’on lui connaît. Face à lui, Vanessa Guide interprète la pulpeuse Sonia qui ne pense qu’à une chose : découvrir de nouvelles sensations en participant au tournage du nouveau film avec Ti-Kong, acteur au sexe démesuré qui pratique la bifle.

Alors, si « La Bifle » ne remportera probablement pas beaucoup de récompenses puisque c’est souvent le triste destin des comédies en compétition, en tout cas dans les festivals français, le film a le pouvoir de faire rire et de faire parler de lui. Il prouve aussi une nouvelle fois que l’équipe derrière ce film, Kazak Productions, a toujours le goût du risque et peu froid aux yeux dans ses choix de productions.

Camille Monin

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Article associé : l’interview de Jean-Baptiste Saurel, Franc Bruneau et Vanessa Guide

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