Lorsque la Collection prend la voi(e)x de Cannes

Dix ans maintenant que Canal +, grâce au dynamisme de Pascale Faure et Brigitte Pardo, met le court métrage sur le devant de la scène à travers la Collection Canal+. Pour ceux qui ne connaissent pas (encore) ladite Collection, on résumera son concept de la manière suivante : chaque année, aux alentours du mois de juin, une dizaine de personnalités, acteurs, chanteurs, animateurs, sportifs, etc… se prêtent au jeu de la comédie le temps d’un court métrage qui aura été écrit spécialement pour eux, avec une « ligne éditoriale » à suivre. Depuis quelques années, force est de constater que la Collection se veut engagée ou tout du moins, teintée de l’actualité. Ainsi, en 2009, la Collection « piquait sa crise » et cette année, élections présidentielles obligent, elle « donnait la voi(e)x ».

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Au moment du Festival de Cannes, Canal + a à nouveau présenté le crû de sa dernière Collection dans le cadre de la Semaine de la Critique à l’Espace Miramar. Cette année 2012 a néanmoins fait preuve d’exception puisque les huit films courts avaient été projetés en avant-première, lors du dernier Festival de Clermont-Ferrand, de sorte à s’insérer dans l’actualité de la campagne électorale puisque chaque réalisateur avait pour « devoir » de proposer une (sa) vision de la citoyenneté. Pour les absents de Clermont, les films étaient à nouveau projetés à Cannes la semaine dernière, après un cocktail ensoleillé sur la Terrasse Fuji où Gaspard Proust, discret, sirotait une eau gazeuse avec Julien Courbey face à Claudia Tagbo bien plus hilare, comme à son habitude.

2012, ou plus exactement 2011 (année de production des films), est ce qu’on appellera un crû pas trop mauvais. En effet, aussi connue est la Collection au sein du milieu du court métrage, aussi fréquent est l’écho peu mémorable de ses films. Sans vouloir excuser ces derniers, on notera tout de même que les films en question sont censés être fabriqués en un temps record, d’où un choix de couple producteur/réalisateur confirmé effectué afin de mener à bien le défi prévu. Tous les ingrédients de la réussite sont donc censés être réunis (personnes expérimentées devant et derrière la caméra, pré-achat de Canal +, thème intéressant, …), l’urgence dans laquelle sont réalisés ces films étant parfois le challenge le plus difficile à relever.

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Au résultat, cette nouvelle Collection est plutôt agréable à regarder. Les huit réalisateurs pointent du doigt des aspects de la société qui les choquent, en adoptant néanmoins un ton très souvent léger, parfois candide, en tout cas, cartésien et passionné, de sorte que les films relèvent de l’ordre du divertissement. Concrètement, ce pot pourri révèle un Jean-Marc Barr faisant office de sondeur sur le boulevard de Belleville pour « Boulevard Movie », le faux documentaire de Lucía Sanchez, un Yann Barthès dont les mains prennent parti malgré lui dans la comédie loufoque « Arthur Flèche » de Samuel Hercule, une Sabrina Ouazani qui fait le choix du changement pour Ernesto Oña dans « La dette », une Linh-Dan Pham, ensanglantée et amoureuse de la différence dans « Zombie chéri » de Jérôme Genevray, un Gaspard Proust raciste envers les Britanniques dans le décalé « Fuck UK » de Benoît Forgeard, un Gaëtan Roussel touchant, à la recherche d’un SDF disparu dans « Ernest (45) » de Céline Savoldelli, une Claudia Tagbo intransigeante, responsable de l’immigration entre Rive Droite et Rive Gauche pour le « Schengen » d’Annarita Zambrano et enfin, une Zazie muette et vigoureuse allant épouser l’homme qu’elle aime en prison dans « Mon p’tit bouquet » de Stéphane Mercurio.

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Chacun y trouve bien entendu son compte selon son affection cinématographique et son degré d’engagement dans la citoyenneté, mais on osera tout de même dire que certains binômes acteurs/réalisateurs fonctionnent mieux que d’autres, comme par exemple celui formé par Gaspard Proust et Benoît Forgeard. Effectivement, l’univers barré des deux personnages, allié à leur arrogance naturelle donne naissance à un film à l’humour finalement « so british ». Quant au duo Sabrina Ouazani/Ernesto Oña, il est si instinctif qu’on en vient à se demander qui dirige qui. Idem pour le couple Gaëtan Roussel/Céline Savoldelli. Cette dernière a su rendre touchant le chanteur qui, pourtant, n’a rien d’un acteur (il l’avoue d’ailleurs lui-même), et ceci malgré les longueurs/langueurs du film. Quant à Samuel Hercule, il a, pour sa part, réussi à transposer l’animateur cynique du Petit Journal en une version masculine d’Amélie Poulain.

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Dans les semaines à venir, on se décidera à attendre avec plus ou moins de curiosité le crû 2012/ 2013 ou à tenter sa chance « d’écrire pour… » en se ruant sur le site de la chaîne Canal + dès le 11 juin prochain, pour connaître la liste des nouvelles personnalités qui auront accepté de se plier aux règles de la fameuse Collection.

Camille Monin

Article associé : l’interview de Ernesto Oña, réalisateur de « La dette »

Cannes, news 11 : Rediffusion des courts métrages sélectionnés en compétition au Festival de Cannes 2012

Ce jeudi 31 mai à 20h30, le Cinéma du Panthéon vous propose d’assister à la reprise des courts métrages sélectionnés en compétition au Festival de Cannes 2012, en présence de réalisateurs et des membres du jury.

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Infos pratiques

Jeudi 31 mai à 20h30
Cinéma du Panthéon  – 13 rue Victor Cousin 75005 Paris

Tarif unique : 5 Euros.

Projection suivie d’un verre au Salon du Panthéon.

Renseignements : 01 40 46 01 21 / www.cinemadupantheon.fr

Wrong Cops de Quentin Dupieux

En compétition à la Quinzaine des Réalisateurs, le court métrage Wrongs Cops de Quentin Dupieux – premier chapitre d’une série de six petits films sur la police américaine – révèle un Marilyn Manson surprenant et livre une critique désopilante d’une Amérique en quête de sens.

L’entrée en matière de Wrongs Cops rappelle à bien des égards la scène d’ouverture de Rubber, sorti en 2010 : une bande son électro martelée, un montage nerveux, une photographie lumineuse et volontairement surexposée, un flic véreux, des contre-plongées dévoilant les palmiers de la Californie. L’excès est annoncé de manière évidente dès le générique, l’humour aussi. L’intrigue tient en une ligne : l’officier Duke, interprété par Mark Burnham, revend dans la rue de la marijuana dissimulée dans des rats morts. Un jour, il croise la route d’un mélomane, fan de techno, au nom évocateur : David Dolores Frank. Ce dernier, interprété par un Marilyn Manson métamorphosé, est la victime désignée de l’officier qui le contraint à le suivre chez lui, avec le curieux dessein de lui apprendre ce qu’est la vraie musique.

Critique à la fois âpre et légère d’une certaine Amérique, le film met en scène un flic qui ne respecte rien ni personne, qui mâche sans arrêt du chewing-gum, qui fait des deals avec des jeunes de 13 ans, et qui occupe ses journées à faire des rondes dans un quartier résidentiel de Californie, à la recherche de proies faciles. La violence humoristique du film est amenée par les nombreux zoom avant et zoom arrière que Quentin Dupieux manie habilement. Ces mouvements de caméra installent un malaise physique chez le spectateur. Ces effets rappellent également le clip musical que le réalisateur connaît bien : cette esthétique de la nervosité permet à la fois de rendre efficace le récit (notamment dans la scène d’échange des rats contre de l’argent) mais aussi d’annoncer le malaise que provoque la rencontre entre deux êtres visiblement limités.

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L’humiliation est au centre du film. Le premier échange entre les deux protagonistes est de ce point de vue évocateur. Le champ contre champ provocateur qui révèle un échange inégal (le flic ne fait que poser des questions – « qu’est-ce que tu fais là ? Qu’est-ce que tu attends ? Tu tapines ? » – tandis que David Dolorès bredouille tant bien que mal quelque chose) est le reflet parfait d’une méfiance typiquement américaine. A cela, vient s’ajouter évidemment l’ennui profond du flic qui a besoin d’un plus petit que lui pour exulter. Exulter, c’est le mot : à l’intérieur de sa chambre aux allures adolescentes, le flic contraint l’ado à écouter ce qu’il considère comme étant la « vraie » musique, une sorte de soupe auditive qui excite l’homme de loi, désormais affublé d’un caleçon. Le cadre de la caméra demeure stable en position de témoin comme pour mieux montrer l’état extatique et ridicule dans lequel se met le flic qui simule, à l’écoute de sa musique, l’acte sexuel à plusieurs reprises. Drôle de programme que nous réserve Dupieux dans cette scène surréaliste. Après une telle séquence, il est dommage que le film glisse petit à petit vers un autre genre, celui du sitcom comique, lorsque le flic tue par erreur l’un de ses voisins et reprend sa voiture dans l’espoir de se débarrasser du corps, au son de sa techno préférée. La chute aurait méritée d’être plus soignée pour nous donner envie de suivre encore et toujours les personnages tordus que Dupieux prend plaisir à croquer.

Dounia Georgeon

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W comme Wrong Cops

Fiche technique

Synopsis : Duke, un flic corrompu et mélomane, patrouille dans les rues de Los Angeles, musique à fond et fait la rencontre d’un jeune amateur de techno, David Dolores Frank. Consterné par les goûts musicaux du jeune adolescent, Duke s’investit d’une mission : lui donner une bonne leçon de musique.

Genre : Fiction

Durée : 13’

Pays : France

Réalisation : Quentin Dupieux

Année : 2012

Scénario : Quentin Dupieux

Image : Quentin Dupieux

Son : Zsolt Magyar

Décor : Joan Le Boru

Montage : Quentin Dupieux

Musique : Quentin Dupieux

Interprétation : Mark Burnham, Marilyn Manson, Grace Zabriskie, Eddie Tapia, Daniel Quinn, Roxane Mesquida

Production : Realitism Films

Article associé : la critique du film

Cannes, news 10 : la Palme d’Or du court métrage attribuée à « Sessiz-Be Deng » (Silencieux) de Rezan Yessilbas

Le Jury des courts métrages de Cannes, identique à celui de la Cinéfondation, composé, rappelons-le, de Jean-Pierre Dardenne, de Arsinée Khanjian, de Karim Aïnouz, d’Emmanuel Carrère et de Yu Lik-wai, a désigné hier la Palme d’Or du court métrage à « Sessiz-Be Deng » (Silencieux), un très beau film turc, tout en silences et en regards, de Rezan Yessilbas.

Synopis : L’année 1984 à Diyarbakir. Zeynep, mère de trois enfants, veut visiter son mari en prison. Elle ne parle que kurde, sa langue maternelle, mais en prison, celle-ci est strictement interdite. Sans l’usage du turc, elle est dans l’impossibilité de prononcer même un seul mot. Sa frustration augmente lorsqu’on lui interdit aussi d’apporter une nouvelle paire de chaussure pour son mari.

Lire la critique de « Sessiz-Be Deng »

Julie Bertuccelli. La grâce et temps suspendu d’un film élu, « The Curse »

Si à un moment donné, l’opérateur SFR remettait un prix du court métrage à la Quinzaine des Réalisateurs, c’est désormais sur son remplaçant torréfacteur, illycafè, qu’il faut compter pour cela. Vendredi soir, durant la clôture de la Quinzaine, le film de Fyzal Boulifa, « The Curse » a ainsi obtenu le tout premier prix illy du court métrage tandis que « Os Vivos Tambem Choram » (Les vivants pleurent aussi) de Basil da Cunha récupérait, pour sa part, une Mention Spéciale. Retenue à Paris, la Présidente du Jury illy, Julie Bertuccelli (« L’arbre », « Depuis qu’Otar est parti… ») a répondu par téléphone à nos questions sur le film élu et sur son propre lien au court.

© Le Pacte

Format Court : Le court métrage est-il un format qui vous intéresse habituellement ?

Julie Bertuccelli : Pas vraiment. À la base, je ne suis pas une fanatique du court. Souvent, en court métrage, on sent l’aspect très formaté, exagéré, l’univers de genre, le côté fragile du premier film, la volonté de faire une histoire à chutes. Je me sens extérieure à ça, et pourtant, j’ai accepté de présider ce jury et j’ai trouvé  des qualités aux courts métrages de la Quinzaine.

Qu’est-ce qui vous a plu dans « The Curse », le film lauréat de Fyzal Boulifa ?

J.B. : J’y ai trouvé un temps, une manière de filmer, une situation et des personnages à part. L’univers, la rudesse du décor, le pays filmé m’ont touché, de même que le contexte culturel. Les plans sont très beaux, l’idée est très forte, et les enfants sont très bien dirigés. Le réalisateur a très bien retranscrit le temps suspendu, l’ennui et l’abandon des enfants, la condition de la femme et le fantasme de l’ailleurs. Une grâce se dégage de ce court, à mes yeux, il sort complètement du lot.

On sent un cinéaste derrière  « The Curse ». Il n’y a jamais de choses en trop, les métaphores ne sont pas trop appuyées. Beaucoup d’éléments passent par les regards, les non-dits. Le film ne dure pas longtemps, pourtant on sent que le réalisateur a pris son temps. L’histoire pourrait se poursuivre, mais il n’en est rien : le film a sa propre durée.

« Os Vivos Tambem Choram » (Les vivants pleurent aussi) de Basil da Cunha, à qui nous avons attribué une mention, nous a fait hésiter pour son aspect onirique, ses personnages forts, ses acteurs formidables et très justes. Mais « The Curse » ne nous lâchait pas, nous apparaissant comme un bijou. Je n’aurais absolument rien enlevé à ce film, c’est un réel coup de coeur.

Seriez-vous tentée de vous mettre désormais au court ?

J.B. : J’ai fait des documentaires très courts, j’ai travaillé sur des moyens métrages, comme « Madame Jacques sur la Croisette » d’Emmanuel Finkiel qui était en réalité un bout de film, mais je n’ai jamais eu d’idée ou de désir de court métrage. C’est déjà tellement douloureux de faire un long métrage que je préfère ne pas faire de court. Mais oui, cette expérience m’a un peu réconciliée avec le court métrage. Personnellement, je viens d’une veine délicate, naturaliste, intimiste. Les univers et les décors forts m’intéressent, l’intime aussi. Quand je trouve cela dans les films, courts ou longs, je rentre complètement dedans.

Propos recueillis par Katia Bayer

Articles associés : la critique de « The Curse » de Fyzal Boulifa, l’interview de Fyzal Boulifa

Cannes, news 9 : les lauréats de la Cinéfondation

La Cinéfondation, section réservée aux films d’écoles, a elle aussi son palmarès. Le Jury composé de Jean-Pierre Dardenne, de Arsinée Khanjian, de Karim Aïnouz, d’Emmanuel Carrère et de Yu Lik-wai, a associé les trois films suivants aux trois prix prévus.

Premier prix : Doroga Na (En chemin) de Taisia Igumentseva (Russie), d’une valeur de 15000€ et d’une promesse de sélection au Festival de Cannes pour un futur long métrage

Synopsis : Sergueï travaille comme vendeur dans le secteur des articles insolites. Sa vie ressemble à des millions d’autres, jusqu’à ce que la nuit tombe sur la ville.

Deuxième prix : Abigail de Matthew James Reilly (États-Unis), d’une valeur de 11250€

Synopsis : À la fin de ce qu’elle espère être sa dernière journée de travail, une jeune pompiste essaie de quitter la ville pour toujours. On découvre peu à peu des détails fragmentaires de sa vie alors qu’elle arpente cette friche en plein délabrement qu’on appelle chez-soi.

Troisième prix : Los Anfitriones de Miguel Angel Moulet  (Cuba), d’une valeur de 7500€

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Synopsis : Félix, 65 ans, s’occupe des cochons dans une porcherie du village. Josefina, son épouse, est à l’hôpital pour y subir des examens. Félix a un accident presque fatal qui vient perturber sa routine quotidienne. Il s’en remet, et lorsque Josefina revient avec des nouvelles fatidiques ils affrontent le problème de la seule façon possible.

Cannes, news 8 : « The Curse », lauréat du prix illy du court métrage à la Quinzaine des Réalisateurs

Partenaire de la Quinzaine des Réalisateurs depuis plusieurs années, illycafè a attribué hier soir, lors de la soirée de clôture de la section parallèle, le prix illy du court métrage d’une valeur de 2500 euros à « The Curse » de Fyzal Boulifa (Royaume-Uni, Maroc), et une Mention Spéciale à « Os Vivos Tambem Choram » (Les vivants pleurent aussi) de Basil da Cunha (Suisse, Portugal), deux des dix films sélectionnés cette année. Il s’agit d’une première pour la marque, se voulant proche de la jeune création cinématographique.

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Le jury était présidé par la réalisatrice Julie Bertuccelli (« L’arbre », « Depuis qu’Otar est parti… » ) et composé de Carlo Bach (Directeur artistique d’illycaffè), Maureen Loiret (critique cinéma) et Patrick Villacampa (Président de l’association Henri Langlois, producteur). Le jury a vu en « The Curse » »un bijou de sobriété, en force et en profondeur. Un film dense qui, en quelques plans désertiques et aveuglants, dit sans détour le poids et la cruauté des traditions envers les jeunes filles -déshonorées- même dans le regard des enfants », et en « Os Vivos Tambem Choram » »un très beau film mélancolique, ancré sur la solidarité des quartiers portuaires, à l’atmosphère étonnante, surréaliste voire fantasmatique…Ce rêve de partir loin. Loin de la misère et du quotidien ».

Retrouvez la critique de « The Curse », l’interview de Fyzal Boulifaet l’interview de Julie Bertuccelli

Pude ver un puma de Eduardo Williams

Plus grande sera la chute

« J’ai vu une émission TV l’autre jour où l’on montrait la Terre se trouvant sans êtres humains. Comme si la nature reprenait ses droits. Peut-être que c’est des conneries… ». Sitôt prononcé ces paroles, on se rend compte qu’il s’agit d’un présage : un homme tombe par terre, comme si quelque chose l’avait poussé à la rejoindre. Entre la lune et la terre, il y a les villes. Quand une ville s’effondre, ses habitants tombent avec elle.

C’est aux premiers plans que l’on voit s’il y a ou non un cinéaste. Dans « Pude ver un puma », de l’Argentin Eduardo Williams nous tombe du ciel, car dans la sélection des films présentés à la Cinéfondation cette année, on peut réellement parler de mise en scène. Dès le plan d’ouverture, il y a l’indice d’une histoire : la caméra filme la lune, puis se baisse pour montrer les hommes qui habitent en dessous. Nous découvrons, lors d’un très beau mouvement panoramique, un quartier de Buenos Aires où un groupe de jeunes se rassemble pour se raconter des histoires. Passer le temps. La caméra entretient une belle distance, assemblant les groupes tout en soulignant les dispersions, les mouvements autonomes. Dans ce film où chaque personnage déambule seul, bien qu’accompagné, la caméra fait de même : elle laisse partir les corps quand il le faut, s’approche quand elle le sent. Williams Eduardo est peut-être le premier cinéaste à filmer la gravité – sans être grave.

L’histoire du film est simple et ça tombe bien : un groupe de jeunes retourne dans son quartier détruit afin de voir comment la nature reprend sa place. En marchant parmi les décombres, ils se racontent des histoires, les uns plus amusés que les autres. Nul drame, nul sentimentalisme ; ici on s’amuse de la catastrophe. On parle de cellules, de cosmos, d’intestins, de nuages publicitaires ; au fil des pérégrinations dans la poussière, ce sera d’abord la terre, puis l’eau, puis les arbres qui renaîtront des cendres. Et quand il ne restera plus de vestiges de civilisation, les flâneurs se perdront en forêt pour ensuite tomber, littéralement, dans la terre.

Ian Menoyot

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P comme Pude ver un puma

Fiche technique

Synopsis : L’accident mène un groupe de jeunes du haut des toits du quartier, à travers sa destruction, jusqu’au plus profond de la terre.

Genre : Fiction

Durée : 17’

Pays : Argentine

Année : 2011

Réalisation : Eduardo Williams

Scénario : Eduardo Williams

Images : Manuel Bascoy

Décors : Victoria Marotta

Musique : Alex Del Rio, Eduardo Williams

Montage : Eduardo Williams

Interprétation : Nahuel Perez Biscayart, Fernando CONTIGIANI GARCIA, Juan Manuel SOLER, Jerónimo QUEVEDO, Felipe VILLANUEVA

Production : Universidad del Cine

Article associé : la critique du film

Cannes, news 7 : Semaine de la Critique, le palmarès du court

Cannes se termine doucement. Les palmarès commencent à tomber. Voici celui de la Semaine de la Critique, côté court.

Prix Découverte Nikon (Jury : João Pedro Rodrigues (président), Danny Lennon (programmateur, Canada), Marianne Khoury (cinéaste, Egypte), Kleber Mendonça Filho (réalisateur, critique et programmateur, Brésil) et Jakub Felcman (programmateur, République Tchèque) : UN DIMANCHE MATIN de Damien Manivel (France)

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Synopsis : Comme chaque dimanche matin, un homme promène son chien dans la banlieue parisienne.

Mention spéciale : O DUPLO de Juliana Rojas (Brésil)

 https://vimeo.com/41953493

Synopsis : Silvia est une jeune institutrice. Un jour, sa classe est interrompue lorsque ses élèves aperçoivent son double de l’autre côté de la rue. Silvia essaye d’ignorer cette apparition, mais cet étrange événement commence à imprégner sa vie quotidienne et, pire encore, à transformer sa personnalité.

Prix Canal+ (Jury : Pascale Faure et Brigitte Pardo) : CIRCLE LINE de Shin Suwon (Corée du Sud)

Synopsis : Sangwoo est un père de famille d’âge moyen. Cachant à sa femme enceinte et sa fille adolescente le fait qu’il a été récemment licencié, il passe ses journées dans le métro. Un jour, il rencontre une mendiante avec un bébé…

Petit Rail d’Or (prix remis à un court métrage de la Semaine de la Critique par un groupe de cheminots cinéphiles): CE N’EST PAS UN FILM DE COW-BOYS de Benjamin Parent (France)

Synopsis : « Le Secret de Brokeback Mountain » est passé hier soir à la télé. Vincent l’a regardé et ça l’a bouleversé. Il profite de la récréation pour raconter de manière touchante et naïve le film à Moussa. Dans les toilettes des filles, Jessica, elle aussi très affectée, pose des questions sur le père homosexuel de Nadia, avec beaucoup de maladresse.

T comme Tram

Fiche technique

Synopsis : Comme chaque matin, les hommes prennent le tramway pour se rendre au travail. Ce jour-là pourtant, au rythme des tickets introduits dans le composteur, le véhicule s’érotise et le désir de la conductrice transforme la réalité en un délire surréaliste et phallique.

Genre : Animation

Durée : 7′

Pays : France, République tchèque

Année : 2012

Réalisation : Michaela Pavlátová

Scénario : Michaela Pavlátová

Image : Michaela Pavlátová

Montage : Michaela Pavlátová, Milos Krejcar

Musique : Petr Marek

Production : Sacrebleu productions, Negative films

Articles associés : la critique du film, l’interview de Michaela Pavlátová

Tram de Michaela Pavlátová

Un tramway nommé désir

Cannes n’est pas le lieu dédié au genre animé, Annecy commençant peu de temps après le festival (début juin). Pourtant, plusieurs courts métrages faisant intervenir le mouvement animé ont fini dans la short list des sélectionneurs cannois. « Le Fleuve Rouge » de Stéphanie Lansaque et François Leroy s’est installé à la Semaine de la Critique, les limaces de « Slug invasion » de Morten Helgeland et Casper Wermuth se sont glissées jusqu’à la Cinéfondation, et « Tram » de Michaela Pavlátová a déboulé, tous freins lâchés, à la Quinzaine des Réalisateurs.

« Tram » est une comédie érotique bien inspirée sur le quotidien d’une conductrice du tram plantureuse, rêveuse et souriante. Chaque matin, elle se rend à l’entrepôt, attrape les manettes de son tramway, règle son miroir, fixe son rouge à lèvres et entame sa journée de travail. Le jour durant, elle transporte des hommes muets, gris et indifférents avec la même patience et la même énergie que la veille et le lendemain. Les nouveaux passagers et les secousses ne manquent pas durant le trajet et un matin, la conductrice se laisse emporter par son imagination, son désir et son excitation. Les sexes des hommes se mettent à dépasser de leurs pantalons et de leurs journaux et à s’infiltrer partout, devenant carrément des manettes personnifiées tandis que les tickets à composter s’introduisent désormais dans le sexe de la conductrice. Le voyeurisme entre en jeu, les joues commencent à rosir, les boutons de l’uniforme obligatoire se mettent à sauter, et l’extase n’est pas bien loin. Au terminus, probablement.

La réalisatrice de ce film, Michaela Pavlátová, n’est pas une inconnue dans le milieu de l’animation. Auteure d’une œuvre prolifique, elle s’est fait repérer avec plusieurs courts dont « Reci, reci, reci » (« Words, words, words »), nominé à l’Oscar en 1991 (rien que ça) et « Le Carnaval des animaux » en 2006. Le premier est une fantaisie pure comme on n’en voit plus beaucoup aujourd’hui, avec une attention particulière accordée à l’humour et au son, le deuxième représente en plusieurs tableaux bon nombre de fantasmes sexuels, et joue à nouveau énormément sur le comique de situation et la profusion de gags.

« Tram » est de cette veine-là. Même si Michaela Pavlátová délaisse la multiplicité des personnages et des sketches, elle revient à ce qui semble caractériser son travail : l’intérêt pour l’humour, l’amour et l’érotisme. Conduit par une petite musique drôle à souhait, signée Petr Marek, fidèle au rythme du film, « Tram » est le film le plus surréaliste et peut-être le moins tabou de la Quinzaine 2012.

Katia Bayer

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Article associé : l’interview de Michaela Pavlátová

The Curse de Fyzal Boulifa

Quelque part au Maghreb, Fatine, jeune femme en âge d’être mariée fait l’amour avec un homme à même le sol, sur un tissu déposé sur la roche en plein « désert ». Avant que celui-ci s’en aille, elle lui fait promettre qu’il reviendra la chercher pour un ailleurs plus confortable. A leur insu, un jeune garçon assiste à la scène.

Filmé de près, quoique pudiquement, avec le strict minimum en terme d’emballage musical, tourné en grande partie dans des décors naturels et avec réalisme, « The Curse », présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, nous raconte avec persuasion une nouvelle histoire sur le thème de l’impasse et de « l’enfer-me-ment ».

Le synopsis établit que Fatine se trouve avec son amant au début du film. Les spectateurs qui choisiront de découvrir « The Curse » sans en connaître le synopsis originel pourront tout aussi bien imaginer que pour Fatine, l’acte sexuel suggéré est une transaction nécessaire, plutôt qu’un désir, pas même un devoir, entre son passeur afin que celui-ci lui permette de se libérer de sa condition, de quitter ce monde, son monde où elle vit en permanence à terre car il lui y est impossible de s’épanouir.

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« The Curse » s’ouvre sur le visage du jeune garçon qui regarde ces deux amants dont on ne capte d’abord que les respirations. Bien que de petite taille, ce jeune garçon baisse la tête car il les regarde depuis une certaine hauteur, discrètement mais aussi sans gêne particulière, en plein jour. Il pourrait tout aussi bien observer deux animaux. Puis, le môme disparaît du champ et nous découvrons Fatine allongée sur le dos qui, elle, regarde le soleil tandis que l’homme à côté d’elle, s’écrase presque face contre terre comme s’il avait honte de leur « union », voire de ses mensonges.

Très vite, on comprend que c’est plus par désespoir ou pour ce qui lui reste d’un certain idéal enfantin que par amour que Fatine commet « l’acte » que l’on devine sacrilège dans sa culture. Pour elle, donner son corps, c’est d’abord tenter de se libérer du désert, du passé, de sa condition. Sauf que le bonheur de Fatine s’engage mal. Fatine se traîne pour exister à même la pierre, elle espère pouvoir s’élever alors que tout, dans le film, va s’ordonner de manière à l’en empêcher.

Si dans la pièce de théâtre Confidences à Allah, adaptée du roman de Saphia Azzedine, il arrive que la jeune Jbara (la comédienne Alice Belaïdi) se prostitue pour l’équivalent d’un Raïbi Jamila (un Yop à boire de création marocaine), au moins parvient-elle à quitter ses montagnes natales et à connaître une relative liberté. Fatine, elle, n’a pas ce recours. Sitôt son « homme » disparu, elle est très vite prise en charge par le jeune garçon qui la suit dans ce pays où la réputation est un organe vital et où il est pratiquement impossible de se cacher (le soleil, adulé dans certains pays, interdit ici toute intimité et tout secret et fait partie de la malédiction). Le jeune garçon, vite rejoint par d’autres garçons et filles, va peu à peu prendre le contrôle de Fatine à qui l’obéissance aurait dû être garantie, du fait de son statut d’aînée.

La domestication progressive de Fatine semble si inévitable, malgré ses résistances, que l’on en vient à douter. « The Curse » raconte-il un mirage ou un rêve ? On se le demande au vu du cumul de coïncidences et de situations qui s’allient pour la rabaisser davantage alors qu’elle tente de tenir tête à ces enfants. Mais s’agit-il vraiment d’enfants ? Là aussi, on a de quoi en douter. Ces enfants, qui la suivent et qui lui rappellent son acte en l’injuriant et en la menaçant de le révéler à qui de droit si elle ne satisfait pas leurs désirs de friandises (Twix, Mars, limonades), ressemblent davantage à des hyènes ou au souvenir d’une foule d’adultes cherchant à lapider une femme déshonorée. « The Curse » nous parle aussi du sort potentiel d’enfants abandonnés dans certaines régions pauvres, des êtres vivant au jour le jour, sans morale, prêts jusqu’à un certain point à faire payer les personnes, trop vulnérables ou qui les délaissent, à l’image de Fatine.

À la fin de « The Curse », il est difficile de savoir si les enfants se font tendres avec Fatine parce qu’elle les a gâtés, moyennant une douceur manuelle à un homme, s’ils sont enfin touchés par son désarroi ou s’ils sont rassurés quant au fait que, désormais, ils la tiennent. Ce qui est sûr, c’est que l’appel à la prière et la proximité de son foyer lui apparaissent encore plus cruels que ce qu’elle vient d’endurer tout au long du film.

Franck Unimon

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T comme The Curse

Fiche technique

Synopsis : Fatine s’est aventurée loin du village pour retrouver son amant. Quand un petit garçon la surprend, elle n’a plus qu’une idée en tête, rentrer chez elle.

Genre : Fiction

Pays : Royaume-Uni, Maroc

Durée : 16’

Année : 2012

Réalisation : Fyzal Boulifa

Scénario : Fyzal Boulifa

Interprétation : Ibtissam Zabara, Sabrine Sghiri, Abdeljalil Azdour, Achraf Naciri, Fadoua Jordini

Image : Taina Galis

Son : Sebastian Dale

Montage : Fyzal Boulifa, Taina Galis

Production : Quarks Films Limited et Kasbah Films

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Königsberg de Philipp Mayrhofer

Comme un poisson hors de l’eau

Mr Königsberg est directeur d’une entreprise spécialisée dans le commerce du papier et pour tuer le temps, il aime aller à la chasse. Présenté en première mondiale à la Quinzaine des Réalisateurs, « Königsberg » met en scène avec une ironie bienveillante la discrète solitude d’un homme au milieu de ses semblables. Par sa retenue qui confine à la neurasthénie, ce M. Königsberg semble venir tout droit du froid, de ces films scandinaves où certains silences valent mieux qu’un long discours. Rien d’étonnant donc si Mr Königsberg et son intriguant accent parviennent difficilement à trouver leur place.

En jouant sur ce décalage, Philipp Mayrhofer nous offre une scène d’ouverture où il expose avec justesse et malice l’état d’esprit d’un directeur – chasseur, assailli par les sons lancinants d’un didgeridoo et par le dévouement empressé et excessif de l’un de ses employés. Retranché dans son bureau, il retrouve pour un instant le son de sa petite musique intérieure, mais l’accalmie est de courte durée…

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Le point de vue de Mr Königsberg se reflète aussi dans le découpage du film. La première moitié de ce court métrage privilégie les plans rapprochés, en particulier les visages des comédiens. Les personnages évoluent dans des lieux fermés et peu éclairés. Un seul plan pourrait résumer cette impression : celui du poisson rouge dans son bocal dont les parois de verre renvoient une image déformée et inversée du monde qui l’entoure.

Une fois la partie de chasse ouverte, dans la deuxième partie, la caméra prend alors du recul et permet à Mr Königsberg de se réapproprier l’espace. Libre de ses mouvements, il évolue alors au milieu de la Nature et n’est plus le centre mais seulement l’une des composantes de cet univers.

Malgré sa panoplie du parfait chasseur, Mr Königsberg ne court pas vraiment après le gibier, ses fréquentes excursions dans la campagne semblant bien n’être qu’un prétexte pour promener avec lui sa mélancolie. Sans piper mot, assis prêt de son chien de chasse, il arme son fusil et plonge le canon dans sa bouche. Le vent continue de faire bouger délicatement les branches des arbres derrière de lui. Un ange passe.

Julien Beaunay

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Cannes 2012

Depuis quelques jours, le festival s’affiche en grand et en Marilyn dans les rues de Cannes. Comme chaque année, au mois de mai, nous vous éclairons sur les courts métrages et les équipes qui ont marqué de leur empreinte le festival, dans les différentes sections repérables à Cannes. Tour d’horizon.

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Les critiques

La critique de « Yeguas y cotorras » de Natalia Garagiola (Semaine de la Critique, Argentine)

La critique de « Abigail de Matthew James Reilly (Cinéfondation, Etats-Unis)

– La critique de « La Bifle » de Jean-Baptiste Saurel (Semaine de la Critique, France)

La critique de « Wrong Cops » de Quentin Dupieux (Quinzaine des Réalisateurs, France)


La critique de « The Curse » de Fyzal Boulifa (Quinzaine des Réalisateurs, Royaume-Uni, Maroc)

La critique de « Königsberg » de Philipp Mayrhofer (Quinzaine des Réalisateurs, France)

Les interviews

L’interview de Matthew James Reilly, réalisateur de « Abigail »

L’interview d’Emmanuel Carrère, membre du Jury de la Cinéfondation et des courts métrages en compétition officielle

– Interview croisée. Jean-Baptiste Saurel, Franc Bruneau et Vanessa Guide autour de « La Bifle »

L’interview de Fyzal Boulifa, réalisateur de « The Curse »

L’interview de Michaela Pavlátová, réalisatrice de « Tram »

– L’interview de Ernesto Oña, réalisateur de « La dette »

– Julie Bertuccelli. La grâce et temps suspendu d’un film élu, « The Curse »

Les reportages

Lorsque la Collection prend la voi(e)x de Cannes

Les actualités

Cannes, news 11 : Rediffusion des courts métrages sélectionnés en compétition au Festival de Cannes 2012

Cannes, news 7 : Semaine de la Critique, le palmarès du court

– Audi roule pour le court à Cannes

– Cannes, news 6 : Semaine de la Critique. Un court métrage inédit réalisé par le comédien Shia LaBeouf

Deux courts métrages de Tsai Ming-Liang et João Pedro Rodrigues en Clôture de la Semaine de la Critique

Cannes, news 5 : Quinzaine des Réalisateurs, la sélection 2012

Cannes, news 4 : Semaine de la Critique, les courts et moyens métrages retenus

Cannes, news 3 : Cinéfondation, les films en compétition


K comme Königsberg

Fiche technique

Synopsis : M. Königsberg dirige une petite usine de province. Malgré sa vie satisfaisante, il est habité d’une sourde mélancolie et souffre de la réputation d’être mauvais chasseur. Quand il se rend à sa partie de chasse hebdomadaire, il décide de faire basculer son destin.

Genre : Fiction

Durée : 18’

Pays : France

Année : 2012

Réalisation : Philipp Mayrhofer

Scénario : Philipp Mayrhofer

Image : Marc Gomez Del Moral

Montage : Carole Le Page

Son : Jean Collot

Décor Laurent Lhermite, Emmanuel Borgetto

Interprétation : Paul Bandey, Jean Rieffel, Karina Beuthe, Alice Isaaz, Eddy de Pretto, Justine Soulie

Production : Ferris et Brockman

Article associé : la critique du film

Audi roule pour le court à Cannes

Lorsqu’on vous parle d’Audi, vous pensez automatiquement aux voitures allemandes plutôt imposantes et aux quatre anneaux entremêlés. Sauf que depuis cinq ans maintenant, la marque automobile a décidé de soutenir la jeune création en imaginant un programme intitulé « Audi Talents Awards, l’objectif de ce programme étant d’accompagner de jeunes artistes sous forme de mécénat à travers quatre disciplines : musique de films, court métrage, art contemporain et design.

Concernant le cinéma, la catégorie du court métrage est la dernière en date à avoir été créée et depuis 2009, elle connaît une légère évolution. Au départ, les Audi Talents Awards récompensaient un film déjà réalisé, au jour d’aujourd’hui, la marque se veut coproducteur, par conséquent, présente dès l’origine d’un projet. Lors du dernier Festival du court métrage de Clermont-Ferrand, Audi France a d’ailleurs fait un appel à candidatures pour recevoir des scénarios originaux et innovants d’une durée maximum de sept minutes et a dévoilé la composition de son jury 2012 composé de Carmen Chaplin, Emmanuel Montamat, Grégoire Lassalle et Antoine Charreyron. Si bien qu’à la date du 16 mars, le groupe avait reçu pas moins de 70 projets en en retenant seulement quatre. Par la suite, les finalistes ont été amenés à rencontrer les membres du jury et défendre leur projet.

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C’est à la Villa des Inrocks de Cannes, partenaire des Audi Talents Awards, que le nom du lauréat a été annoncé le jeudi 17 mai par les deux maîtres de cérémonie de la soirée, Julie Ferrier et Michel Denisot. Rony Hotin a ainsi été désigné comme le gagnant de cette édition avec son scénario « Pour une poignée de conserves ». Le jeune homme, que nous avons eu en ligne au lendemain de la remise des prix, très ému et heureux, nourrissait depuis sa sortie des Gobelins, le rêve d’être réalisateur en France alors que depuis quelques temps, il travaille plus volontiers comme créateur de personnages et auteur graphique pour les studios Disney américains.

Son projet est par conséquent un film d’animation en 2D qui devra voir le jour d’ici le prochain Festival de Cannes puisque le principe de « passation de flambeau » veut que lors de la remise des prix des Audi Talents Awards, le court métrage  du lauréat de l’année précédente soit projeté. Cette année, nous avons ainsi pu voir le film de Dominique Rocher, « La vitesse du passé ».

Pour cette édition 2012, Rony Hotin se verra encadré par deux producteurs : Audi d’un côté, dont le montant du mécénat demeure encore inconnu, mais dont on sait que la valeur est conséquente, et Mezzanine Films, société de production déjà reconnue au sein du court métrage avec Mathieu Bompoint aux commandes.

Le jeune lauréat est d’autant plus satisfait que son scénario, intitulé à l’époque « Le clochard », avait déjà remporté un prix SACD en 2008 lors du Festival d’Annecy, mais n’avait pas beaucoup avancé à cause d’un désaccord avec une première société de production. C’est donc un nouveau départ pour ce projet que Rony Hotin tient particulièrement à cœur. Qui plus est, il est heureux d’annoncer qu’il « va créer de l’emploi ». En effet, avec plusieurs amis, auteurs graphiques , il avait créé un collectif avec comme promesse; celle que le premier qui obtiendrait un financement pour son travail, emploierait les autres. C’est désormais chose faite. Rony Hotin se souviendra de sa première venue au Festival de Cannes.

Camille Monin

Prolongation

Depuis trois mois, Tomas, le magicien raté et formidable d’ « Instead of Abracadabra », réalisé par Patrik Eklund, vous apparaissait sur la page d’accueil de Format Court, en accompagnement de l’édito de février. Ayant attrapé quelques crampes au bras droit, à force de tenir sa baguette à l’horizontale, il a finalement opté pour un congé sabbatique au Nouveau Mexique. Ayant appris la nouvelle, Tania, la jeune fille du film homonyme de Giovanni Sportiello l’a remplacé subitement, marteau au poing et sang chaud dans la poche.

Tomas avait retenu notre attention au moment de notre casting image ; il nous avait épaté dans la comédie burlesque d’Eklund, découverte au hasard d’une séance au festival du court métrage de Bruxelles en 2009. Une critique du film était parue sur le site, dans la petite foulée du festival et une (brève) rencontre avait été organisée au Festival de Cannes où le jeune réalisateur présentait « Slitage », un court métrage en réalité moins réussi que le précédent, à la Semaine de la Critique. Trois ans plus tard, nous avons eu un plaisir rare, celui de retrouver « Instead of Abracadabra » et de le programmer à l’occasion de notre toute première séance Format Court au Studio des Ursulines.

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« Fais Croquer »

Un film pareil ne se montre pas tout seul. Le 8 mars dernier à Paris, « La Dérive » de Matthieu Salmon, « Oh Willy » d’Emma de Swaef et Marc Roels, « Fais Croquer » de Yassine Qnia ainsi que « #1 » de Noamir Castera l’accompagnaient. Cette projection ne se voulait pas non plus unique. Grâce à la confiance et à l’intérêt de Florian Deleporte, programmateur et directeur des Ursulines, nous avons initié un rendez-vous mensuel (la séance Format Court) tombant chaque deuxième jeudi du mois. Cela nous a offert l’opportunité de projeter la fois suivante (le 12 avril) « Sinner » de Meni Philip, « Dripped » de Léo Verrier, « Andong » de Rommel Milo Tolentino, « Je vais à Disneyland » d’Antoine Blandin et « Suiker » de Jeroen Annokkee, et celle d’après (le 10 mai), « Tania » de Giovanni Sportiello, « La vie parisienne » de Vincent Dietschy, « Posledný Autobus » de Ivana Laucikova et Martin Snopek, « Casus Belli » de Yorgos Zois et « Vivre avec même si c’est dur » de Pauline Pinson, Magali Le Huche et Marion Puech. Notre prochaine et dernière séance de l’année aura lieu le 14 juin prochain. Nous vous convions d’ores et déjà à bloquer cette date, à l’heure dite (20h30). La programmation sera affichée dans les jours à venir, comme à l’accoutumée.

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« Vivre avec même si c’est dur »

A Format Court, nous croyons aux programmations de qualité et au lien social. A chaque séance, une rencontre est organisée avec les équipes des films et un verre est pris à proximité de la salle de cinéma, histoire de prolonger le moment partagé et de se retrouver tous ensemble, entre programmateurs, créateurs et spectateurs.

Les films que nous avons projetés jusqu’ici étaient originaires de France, de Belgique, de Suède, des Pays-Bas, d’Israël, de Slovaquie et de Grèce. Nous espérons poursuivre notre tour du monde en courts, par la suite, après la pause estivale, au moment de la reprise de ces projections, au mois de septembre. En attendant, Format Court est partenaire des séances Short Screen à Bruxelles, également mensuelles et internationales. La prochaine projection aura lieu bientôt (le 31 mai). Si d’aventure, vous étiez dans le coin, n’hésitez surtout pas à y pointer le petit nez, la programmation en vaut le détour.

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Nous n’oublions évidemment pas, malgré la part importante de cet édito accordée à l’aspect diffusion du court métrage, à vous mettre en relation avec le contenu rédactionnel du site. Depuis le mois de février et le dernier sujet annoncé (le festival Anima), nous avons publié des focus consacrés à quatre festivals (Courtisane, Aubagne, Créteil, Millénium) et nous nous sommes intéressés à deux créateurs très distincts : Vincent Macaigne et Jean-Gabriel Périot. Dans les jours à venir, nous vous parlerons du festival de Cannes où nous sommes arrivés aujourd’hui, où il pleut intensément et où tout le monde est  trempé, mais aussi du dernier festival de Bruxelles où de nouveaux films, très différents d’« Instead of Abracadabra »,  nous ont plu, ont retenu notre attention et nous ont fait rallumer l’ordinateur.

À vite.

Katia Bayer

Rédactrice en chef, trempée elle aussi