Raphaël Hernandez, Savitri Joly-Gonfard. Science-fiction, matrice et carte de visite

Raphaël Hernandez et Savitri Joly-Gonfard sont les deux réalisateurs du moyen métrage Kaydara, Fan Film ultime sur l’univers de Matrix, présenté en avant-première au Festival Mauvais Genre. Ils viennent de passer six ans en autarcie dans la conception de ce film et nous en parlent plus en détail.

Comment vous est venue l’idée, l’envie de faire Kaydara?

L’idée nous est venue assez rapidement. Le scénario s’est écrit en deux jours, et trois semaines plus tard, le film avait été tourné. Quand on pense qu’on a passé 6 ans sur un projet qui a été, en fait, réfléchi en 5 minutes, cela a de quoi faire un peu peur !

Ce film avait pour but de nous créer une carte de visite afin de nous permettre de démontrer nos compétences. Reprendre Matrix, c’était aussi se confronter à un univers de référence. De plus, au niveau du cinéma de genre, il était aussi intéressant de reprendre cet univers car Matrix est une synthèse de tout un tas d’influences (les mangas, Terminator, Alien, Bruce Lee, etc).

Comment expliquez-vous son statut de Fan Film ? Comment se décide-t-on à passer autant de temps dans l’univers de quelqu’un d’autre ?

On ne le décide pas, on pensait naïvement qu’on arriverait au bout de la post-production en quelques mois. Seulement, on s’est très vite rendu compte que pour bien faire les choses, cela allait nous demander beaucoup plus de temps que prévu. On a voulu à tout prix finir ce qu’on avait commencé, du coup on s’est en quelque sorte emprisonné nous-mêmes dans notre propre « matrice ».

Comment avez-vous réussi à garder une motivation intacte pour finir le film vu le temps écoulé ? Quelles difficultés majeures avez-vous rencontré ?

On y a passé six ans à temps plein. C’était déjà une difficulté en soi car on a dû se couper du monde en s’installant dans une maison prêtée, un peu retirée dans les montagnes, C’est la solution qu’on a choisie pour ne pas avoir à payer de loyer et à travailler en dehors de notre film. A la longue, on s’est un peu retrouvé dans l’ambiance du film Shining!

L’autre difficulté a été de tout faire nous-mêmes et de ne pas avoir la possibilité de pouvoir nous alléger de la masse de travail que l’on avait à accomplir. On a travaillé avec d’autres personnes, mais elles n’avaient pas forcément autant d’énergie et de temps à apporter au projet que nous.

En ce qui concerne la motivation, cela n’a pas vraiment été un problème : on était passionné. Bien sûr, on est passé par des phases de doute, mais notre ambition d’aller au bout était plus forte que tout.

Vous avez réalisé un court métrage Ratrix Hero avant Kaydara, qui a d’ailleurs été intégré dans l’histoire de ce dernier. Comment se décide-t-on à passer d’un court drôle en animation à un film à l’univers sombre et en chair et en os ?

Ratrix hero a en fait toujours été intégré dans Kaydara. Mais comme il avait un caractère indépendant et qu’on l’avait fini des années avant de terminer Kaydara, on a décidé de le diffuser de manière indépendante dans un premier temps. Cela nous a permis de nous faire un peu connaître et de garder un pied dans la réalité.

Il est très difficile d’être crédible avec du premier degré en amateur, car les choses sont rapidement ridicules et prétentieuses. Commencer avec du parodique pour finir sur du premier degré très sombre était une sorte de challenge pour nous. D’autre part, il était intéressant de ne montrer le personnage de l’Elu que de façon indirecte, pour créer une sorte d’attente et renforcer son caractère de personnage mythique. Ratrix hero rentre donc parfaitement en adéquation avec cette volonté scénaristique.

Le film comporte de multiples plans à effets spéciaux, mais aussi des prises de vues réelles avec acteurs. Comment avez-vous procédé pour marier ces deux techniques ? Cela a-t-il représenté une gageure ?

Nous utilisons principalement trois techniques : les acteurs ou décors réels, l’image de synthèse et les maquettes. Le but est de mélanger le plus possible ces techniques pour donner une plus grande richesse à nos images et d’atteindre un meilleur rendu. Mélanger toutes ces techniques réclame bien sûr un gros travail sur les logiciels de retouche car il faut arriver à tout homogénéiser.

Le film reprend le personnage de Néo de Matrix. On a l’impression de ne pas avoir affaire à un acteur mais au vrai personnage du film. Est-ce dû à un traitement spécifique ou est-ce une doublure numérique tout au long du film ?

Le corps est celui d’un acteur réel, Guillaume Bouvet, qui pratique les arts martiaux dans la vie dont le Wushu, le même art que le Néo original. Ce détail nous a permis d’obtenir une vraie crédibilité dans les attitudes du personnage. Son visage est longtemps resté une interrogation pour nous. Au final, on a tenté le tout pour le tout et on a décidé de remplacer sa tête par une véritable modélisation 3D de la tête de Keanu Reeves. A priori, au vu des retours recueillis, cela semble bien fonctionner : les gens ont bien la sensation de voir Néo.

kaydara-visuel

Que représente le court et le moyen-métrage pour vous, à travers l’aventure de votre premier film, Ratrix Hero, puis celle de Kaydara ?

Nous nous rendons compte que nous aimons particulièrement prendre notre temps pour développer nos propres univers. L’exercice de style qui consiste à faire un film court a son intérêt car il vise à appliquer une narration rapide et efficace. Mais ce n’est pas forcément ce qui nous attire. Rien ne vaut pour nous un bon western de 3 heures à la Sergio Leone avec des plans qui s’éternisent et qui immergent lentement son spectateur dans une atmosphère particulière.

Quels sont vos projets pour la suite ? Allez-vous continuer dans un style approchant ?

Notre projet est de réaliser le film que nous sommes en train d’écrire. L’ambition, cette fois, est de réussir à aller beaucoup plus loin en s’entourant de gens qualifiés et de vrais talents.

Pour nous, Kaydara était une sorte de brouillon. Nous voulons maintenant mettre les choses au propre. nous nous voyons bien encore un peu explorer le monde de la science-fiction. Mais cette fois-ci bien sûr, avec une identité totalement personnelle.

Propos recueillis par Julien Savès

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