Florence Loiret-Caille : « Quand je fais un film, il y a des portes qui s’ouvrent, des passerelles entre moi et ce que va traverser le personnage »

Florence Loiret-Caille fait partie de ces rares actrices qui n’ont pas de plan de carrière, pas de goût pour la compétition. En quinze ans, elle a déjà pourtant tourné avec Eric Zonca, Claire Denis, Michael Haneke, Benoit Jacquot, Xavier Giannoli et Jérôme Bonnel. Sa voix particulière, son physique gracile, sa justesse font d’elle une des plus belles présences du cinéma français.

Dans La passerelle de Juliette Soubrier, présenté au festival Premiers Plans, elle joue Florence, une actrice qui se retrouve à jouer la victime d’un tueur pendant la reconstitution d’une scène de crime. Sa performance subtile porte le film de bout en bout. L’occasion pour nous de la rencontrer pour évoquer ce court métrage et son parcours d’actrice.

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Format Court : Comment s’est passée la rencontre avec la réalisatrice ? Est-elle venue te chercher ? Le film avait-il été écrit pour toi ?

Florence Loiret-Caille : Pas du tout. Elle est venue quand je jouais au théâtre de la Colline et après j’ai passé des essais.

Tu passes souvent des essais ?

F. L-C. : Pour des courts métrages, non. Ça faisait longtemps que je n’en avais pas fait. Mais j’avais vraiment envie de faire le film. Je lis pas mal de scénarios de courts métrages et ces derniers temps, je n’en avais pas lus qui me parlaient. Celui-ci m’a intrigué, la mise en abyme surtout.

Au départ, la réalisatrice a lu dans Libération un article dans lequel de jeunes acteurs témoignaient de leur participation à des reconstitutions de meurtres. La police faisait en effet appel à eux car les policiers en avaient ras-le-bol de jouer les cobayes. L’article parlait de leurs expériences, notamment celle d’un jeune homme qui s’était retrouvé à faire le mort dans une baignoire.

J’aimais bien que tout soit amené par petites touches. Cette actrice dont on ne sait pas si elle est professionnelle ou amateur, qui essaye d’apprendre Phèdre, son mec qui l’appelle, mais on ne sait pas trop, et au fur et à mesure, les choses basculent…

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Le film tourne autour de toi. Y a t-il plus de pression pour un film tourné aussi rapidement (deux nuits) que pour un long?

F. L-C. : J’ai toujours peur de toute façon. Que ce soit un long métrage ou un court métrage, pour moi c’est exactement le même engagement. C’est quand on me dit : « J’ai vu ce que tu as fait, j’aimerais bien travailler avec toi » que j’ai encore plus peur car je me dis que si on m’a trouvée bien, on peut me trouver aussi mauvaise.

La passerelle raconte un peu le travail que je fais avant un tournage, c’est très étrange. Quand je fais un film, il y a des portes qui s’ouvrent, des passerelles entre moi et ce que va traverser le personnage. Dustin Hoffman avait dit que lorsqu’on joue, on donne vie à un cadavre en nous. Jouer c’est ça, c’est faire en sorte que ce cadavre se lève, la personne qu’on voudrait être, qui n’est pas nous, et nous à la fois.

La difficulté est de donner à voir ça. Je faisais tout pas à pas comme au moment d’un tournage, en me disant : « T’emballe pas, il faut attendre avant de tourner ». La réalisatrice savait très bien ce qu’elle voulait, elle me disait « plus » ou « moins ». Quand le personnage court à la fin, c’était un peu « quitte ou double ». Tout se mélange dans sa tête, je n’avais pas envie de répéter cette scène car tout se mélange dans sa tête. Ca m’est déjà arrivé sur des tournages.

Tu as tourné ton premier film en 1996 avec Erick Zonca dans son court métrage Seule. Comment s’est faite cette rencontre ?

F. L-C. : À l’époque, je ne connaissais rien au cinéma. Pour moi, le cinéma c’était Daniel Auteuil dans Manon des Sources et Meryl Streep. J’arrivais d’Indonésie, j’étais complètement perdue. Mon prof de théâtre à Saint-Germain-en-Laye m’a dit d’aller à un casting pour une série télé. À l’issue du casting, on m’a demandé si j’avais un agent. J’ai cru qu’on me parlait d’un agent immobilier ! J’ai dit que non, j’habitais chez mes parents. J’ai donc pris un agent et deux mois plus tard, je faisais le casting de Zonca. À l’époque, j’avais une espèce de rage, j’avais envie de témoigner de la vie. Je n’étais pas du tout dans la compétition, ça ne me parlait pas. Je ne comprenais pas pourquoi les autres filles ne m’adressaient pas la parole aux castings. Je m’appropriais les choses, c’était presque une question de vie ou de mort, je me disais « ce rôle, c’est moi qui doit le jouer ».

Zonca avait une façon assez dingue de faire du cinéma, ce film-là était tourné à la façon d’une caméra cachée et c’était comme si c’était moi à l’époque. Je l’ai revu il y a peu et j’étais sidérée. Je n’avais aucune distance.

Est-ce que tu suis le travail de certains réalisateurs de courts ? Est-ce un format que tu vois beaucoup ?

F. L-C. : J’en vois de moins en moins car j’ai arrêté d’aller dans les festivals en tant que membre du jury car je n’ai plus envie de voter, de juger les films. Comme les festivals sont un des seuls endroits où on peut en voir, j’en vois beaucoup moins. Je vois quand même les films sur les DVD des Lutins et des César.

En quinze ans, tu as tourné dans une quinzaine de courts, et en 2010, tu as participé au film de Blandine Lenoir, nommé aux César, Monsieur l’abbé.

F. L-C. : Blandine faisait en fait une apparition dans Seule. C’est là où je l’ai rencontrée, j’ai appris un peu plus tard qu’elle faisait des films. Je les ai vus et adorés.

Tu reçois souvent des scénarios de courts ?

F. L-C. : C’est très rare mais je lance un appel !

Propos recueillis par Amaury Augé

Article associé : la critique du film

One thought on “Florence Loiret-Caille : « Quand je fais un film, il y a des portes qui s’ouvrent, des passerelles entre moi et ce que va traverser le personnage »”

  1. bon article, bon film.. je crois que vous devriez mettre une touche « recommande » sur facebook, ça vous amènerait plus de lecteurs. Bien à vous…

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