Ce n’est rien de Nicolas Roy

Ce n’est rien du canadien Nicolas Roy fait partie des neuf films retenus en compétition officielle à Cannes, cette année. Portant sur un sujet plus que difficile, le viol d’une petite fille, le film est centré sur le ressenti du père, Michel, joué par un Martin Dubreuil tout en force et en fragilité.

Nicolas Roy, quatre courts métrages à son actif, revient au cinéma avec une histoire de drame, traversé par des thèmes qui lui sont chers (la famille, la désolation ambiante, l’isolement et la mort), qu’il continue à interroger de film en film.

Son précédent court, Jour sans joie, présenté notamment à Locarno, suivait le voyage en voiture d’un homme (Martin Dubreuil déjà) se rendant aux funérailles de sa mère en compagnie de sa femme. La noirceur de cette histoire, la tension provoquée par l’accident de voiture et l’économie de parole, très présentes dans ce film, se retrouvent intensément dans Ce n’est rien.

Au début du film, Michel accompagne sa fille Marie chez le médecin. Celui-ci demande au père après avoir auscultée la fille : « Tu ne sais pas avec qui elle était ? « . Le père répond non. Puis, sort cette phrase fatidique : « Il ne s’est rien passé ». A partir de là, la douleur du père fait écho au mutisme de l’enfant. Ils ont en commun le silence et l’isolement, toute parole et tout contact étant impossibles vu les circonstances. L’homme, dans sa souffrance, se heurte à l’incompréhension de sa mère et à la disparition mystérieuse de son père. Parti à sa recherche, il hurle seul dans sa voiture, frappe violemment le volant, et dégaine une arme. Il n’est plus le même. D’ailleurs, comment pourrait-il encore l’être ?

Ce n’est rien dresse le portrait d’un homme dont la vie bascule le jour où il découvre que sa fille a été victime d’une agression sexuelle. En proie tour à tour au chagrin, au déni et à la rage, il s’embarque pour un voyage impulsif, dans un désir de vengeance, préférant régler seul les problèmes familiaux, sans aide extérieure, quelque soit l’issue de sa décision.

Nicolas Roy laisse ses personnages s’exprimer peu, comme à son habitude. Seuls leurs ressentis, leurs regards, leurs silences, et leurs choix, comptent, d’autant plus que le sujet qu’ils évitent de mentionner est tabou. Du début à la fin du film, la tension est palpable, que ce soit sur le siège arrière, aux côtés de Marie, dans le cabinet du médecin, au contact de la grand-mère ou lors de la traque du pédophile présumé. Des coupes entre les plans et un montage dynamique complètent cette tranche de vie sombre, à vif dans laquelle le spectateur se retrouve confronté, une fois n’est pas coutume, à une émotion étrange, sans pareille liée à la gravité du sujet et à la sobriété du traitement. Ce n’est rien ? C’est déjà beaucoup.

Katia Bayer

Article associé : l’interview de Nicolas Roy

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