Planet Z de Momoko Seto

En compétition lors de cette 61ème Berlinale, Momoko Seto était la seule représentante à la fois de la France et du Japon (elle est de nationalité japonaise) avec sa « Planet Z » organique et fascinante, plongée en mode macro au cœur d’une guerre biologique entre végétaux et champignons envahisseurs. Utilisant la technique du timelapse* associée à des ingrédients 100% naturels, « Planet Z » détourne admirablement les échelles et émerveille par son originalité visuelle.

Avant « Planet Z », il y a eu logiquement « Planet A » (2008). Premier volet expérimental d’une réflexion écologique, le film mettait en scène l’avancée continue de cristaux de sels, parabole inventive sur la disparition de la Mer d’Aral dont la salinité excessive a fini par tuer quasiment toute forme de vie. Empreint d’une féerie inquiétante et visuellement bluffant, le film avait fait le tour des festivals du monde entier.

Avec « Planet Z », Momoko Seto s’attaque à la moisissure, aux champignons et à leurs rejets de spores, prétexte pour retranscrire ce phénomène visuel étonnant et quasi chorégraphique. La dispersion de ces spores et l’invasion des champignons viendront mettre un terme à la vie des végétaux qui garantissaient jusqu’à lors la présence de l’eau sur cette planète.

Tourné pendant trois mois en studio, le film a été une affaire de patience, la technique du timelapse demandant énormément de temps pour construire un seul plan. On pourrait y voir le cliché de la minutie japonaise, on y trouve surtout un goût exacerbé pour la découverte de l’inexploré, la magie et la beauté des phénomènes naturels. Ces moisissures deviennent belles et la décomposition se pare de qualités esthétiques insoupçonnées. La lente progression des fungi a aussi quelque chose d’inquiétant, leur texture gluante recouvrant progressivement la matière organique et végétale dans un élan d’envahissement continu. La vie grouille de partout (à l’image des plans hallucinants où des champignons noirs semblent prendre vie dans une quasi respiration), chacun luttant pour sa survie et sa part du gâteau. À la façon des truquistes d’antan, Momoko Seto utilise les effets les plus simples alliés aux techniques plus sophistiquées du compositing et fait passer aisément des choux-fleurs pour des forêts, des aubergines pour des montagnes, des pousses de radis pour des branches et une orange pour une planète. Ovni protéiforme, « Planet Z » se voit les yeux et la bouche grands ouverts, comme lorsque les enfants regardent pour la première fois dans un microscope.

Amaury Augé

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* Effet cinématographique qui consiste à diffuser les images d’une action dans un temps plus court que celle de l’action initiale.

5 thoughts on “Planet Z de Momoko Seto”

  1. J’ai vu !
    C’est bluffant d’originalité et de prouesses cinématographiques.
    Un moment de dépaysement en immersion dans un monde étrange qui est proche de nous si on veut bien s’attarder à le regarder.

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