Zeitriss de Quimu Casalprim i Suárez

Le charme brutal de la bourgeoisie

Présenté au Festival Premiers Plans d’Angers dans la section ‘’ Figures libres’’ et bientôt en compétition dans la section Labo à Clermont Ferrand « Zeitriss » fait partie de ces films inclassables que l’on appelle, par commodité, ‘’expérimental’’. Dans un beau noir et blanc, le réalisateur, de Quimu Casalprim i Suárez, nous embarque pour une expérience filmique qui laisse toutes portes ouvertes à l’imagination.

zeitriss

Dans un salon année 70, chez Monsieur et Madame, on s’emmerde ferme. La pendule fait tic-tac, Madame, dans sa jolie robe blanche, tripote un vase, regarde ce qui se passe par la fenêtre (rien), s’assoit dans le Chesterfield pendant que Monsieur, lui, lit son journal, imperturbable, se lève de son fauteuil, revient sans un mot et commence à manger une pomme. Et ça dure… et c’est parti pour durer jusqu’à la fin des temps… Dans ce cadre figé et hyper stylisé, les deux personnages, cadrés de manière à ce que n’apparaissent pas leurs têtes symbolisent tout l’immobilisme d’une bourgeoisie prise dans un quotidien sans événement. Non-dits, impostures, simulacres, faux-semblants, hypocrisie, tout se ressent alors que rien ne s’énonce. Et cet insupportable ennui que Quimu Casalprim i Suárez ose filmer, dans sa longueur et sa lenteur, loin de nous ennuyer, atteint une forme intense d’hypnose et finit par nous faire sourire. Mais soudain, l’ordre logique de l’action est bouleversé par une scène tournée à l’envers. Dans un sursaut du corps incontrôlable, Madame pose un acte violent. Faisant éclater la structure narrative et représentative, le cinéaste donne alors une libre interprétation aux événements et crée, à partir de ce point, une forme libre et complexe où se succèdent images stroboscopiques, images en négatifs, sur et sous exposées. Si cette deuxième partie permet de démultiplier les possibles et rend peut-être, plus universel, le rapport amoureux comme rapport de force, elle perd malheureusement cette distance ironique que le film installait dès le départ. Néanmoins, « Zeitriss » parvient à brouiller le visible, à imposer ses propres codes de fonctionnement et de lecture pour provoquer le trouble et un questionnement intime.

Sarah Pialeprat

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Article associé : l’interview de Quimu Casalprim i Suárez

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