Palmele (Les Lignes de la main) de George Chiper

Après Rotterdam et Locarno, Palmele (Les Lignes de la main) creuse son sillon dans le monde francophone, aux Rencontres Henri Langlois. Ce film roumain signé George Chiper scrute de manière extrêmement juste le destin, le quotidien et le vide d’une vie brisée.

Le zoom fait sa mise au point, les premières secondes sont muettes. Face à la caméra, Emilia déglutit et se met à parler, entre deux silences, de son passé, de son travail et de l’accident de voiture qui a dérobé la vie de son mari et de sa fille. Elle évoque aussi le souvenir de sa grand-mère qui croyait fermement que tout, les peines comme les joies, était écrit dans les lignes de la main. Vieillissante, Emilia s’interroge à son tour sur la fatalité du destin et sur les épreuves que lui a infligée la vie, d’autant plus qu’elle porte le poids de son passé. Simples, ordinaires, routiniers, ses gestes quotidiens sont précis et sans surprise. Ils se répètent indéfiniment, renforçant surtout la solitude dans laquelle cette femme s’est enfermée malgré elle.

Palmele, premier épisode d’une trilogie, aurait pu être un sujet documentaire, c’est une fiction empruntant des éléments au réel (réalisme, honnêteté, subjectivité, point de vue). Tout en pudeur, le film repose sur la notion de la culpabilité (doit-on, peut-on se pardonner et oublier ce qui s’est passé ?), une image très travaillée et sobre, chère aux directeurs photos de l’Est, et un casting se résumant à une seule personne. Palmele est en effet un monologue de 17 minutes énoncé par une comédienne (Coca Bloos), s’adressant à la caméra, semblant nous regarder, ou recourant à la voix off. Monotone, morne, sans vie, cette voix dit bien des choses, surtout lorsqu’elle accompagne des plans figés dans le temps et l’espace. Plus que l’image, elle raconte la souffrance et la solitude.

A la fin du film, la comédienne lit son texte dans un studio d’enregistrement. Mise en abyme ? Procédé fictionnel ? A qui est finalement destinée son histoire ? A nous, spectateurs-voyeurs, à ses chers disparus, à une caméra froide et objective ou à elle-même, ancrant ses souvenirs dans une mémoire archivée ?

Difficile de croire que « Palmele » est un premier film tant il bouscule nos conventions. Faut-il faire preuve d’empathie pour ce témoignage ou le rejeter ? George Chiper, le réalisateur, cherche à nous montrer ce que nous ne voulons pas voir. Les images blanchies et la voix de Coca Bloos renforcent encore plus cette idée en attirant notre attention, réclamant le silence et décillant notre regard.

Katia Bayer

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