P comme Plastic and Glass

Fiche technique

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Synopsis : Dans une usine de recyclage, les ouvriers se rejoignent pour chanter, et les machines dansent. Le son de l’usine devient un rythme constant et un chauffeur de camion commence à chanter une chanson pour son amoureuse.

Genre : Documentaire, Expérimental

Durée : 9’

Pays : France

Année : 2009

Réalisation : Tessa Joosse

Scénario : Tessa Joosse

Images : Blaise Basdevant

Musique : Tessa Joosse

Son : Sébastien Cabour

Montage : Tessa Joosse

Production : Le Fresnoy

Interprétation : Sahri Azzedine, Patrick Lecoutre, Anne Marie Quartiero, Messaoud Sellaoui, Ahmed Benzouai, Abdelhamid Bensbaa, François Marzynski, Mohammed Aberkane, Frank Engels, Lionel Menendez, Claude Lesne, Fabrice Lecomte, Poet Stunt

Article associé : la petite interview de Tessa Joosse

Etudiants versus Cinéastes

Leurs films ont été sélectionnés à Clermont-Ferrand. Ils se mesurent à des pros, alors qu’ils sont encore aux études ou qu’ils viennent à peine d’en sortir. Pourquoi choisit-on une école et pas une autre ? Comment y expérimente-t-on le sentiment de liberté ? En tant qu’étudiant, perçoit-on suffisamment la réalité du métier à venir ? Autant de questions posées à cinq réalisateurs issus de la compétition nationale, internationale et labo.

Tessa Joosse, réalisatrice de « Plastic and Glass ». Production : Le Fresnoy, France (F5)

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« J’ai étudié l’art et la vidéo à Amsterdam. Pendant dix ans, j’ai travaillé à l’opéra et au théâtre jusqu’au jour où j’ai ressenti le besoin de chercher une autre maîtrise. J’avais envie de changer et de me retrouver dans le cinéma. Ce qui m’a vraiment intéressée en entrant au Fresnoy, c’est que la formation dure deux ans et qu’on peut y entrer avec ses propres idées de travail tout en étant suffisamment libre de concrétiser ses envies grâce à des moyens et des outils professionnels. « Plastic and Glass » est mon film de première année. Il marche plutôt bien, encore récemment, j’étais à Sundance. En fréquentant les festivals, je me rends de plus en plus compte que j’ai encore beaucoup à apprendre. Parallèlement à mes occupations, j’ai très envie de faire un film par an. Mon envie de faire du cinéma est plus présente que jamais. »

Ralitza Petrova, réalisatrice de « By the Grace of God » (Par la grâce de Dieu). Production : National Film and Television School, Royaume-Uni (L3)

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« J’ai eu mon diplôme en mars dernier. Avant d’entrer à la NFTS, je me suis renseignée sur l’école, et j’en ai entendu beaucoup de choses positives. Dans cette école, on n’accorde pas tellement d’importance aux références, on est complètement libre de ce point de vue. Ce n’est pas une école qui formate ses étudiants. Par contre, on peut y trouver son style et sa voix, et ça, c’est un avantage formidable. C’est justement pour cela que j’ai choisi cette école qui est une petite communauté très liée qui soutient les élèves, qui respecte et qui nourrit les projets au maximum. Quand on a un projet en tête, on présente son pitch devant la classe et on se bat pour former son équipe parmi les gens de l’école. Mon film de fin d’études, « By the Grace of God » n’était pas très conventionnel. Je n’ai pas trop dû me battre car le projet a intéressé les bonnes personnes, des gens plutôt punk ! À l’école, on a l’habitude d’être le centre de l’attention en tant que réalisateurs, mais ironiquement, quand on en sort, tous les autres trouvent tout de suite un travail, sauf les réalisateurs, hormis ceux qui veulent faire de la télé. Moi, ça ne m’intéresse pas, le petit écran. Je veux faire du cinéma indépendant, je ne suis pas là pour divertir, je ne suis pas un clown. J’ai besoin de liberté. Pour moi le cinéma n’est pas une industrie, mais de l’art ou de la poésie. »

Timur Ismailov, réalisateur de « Bingo ». Production : Nederlandse Film en Televisie Academie, Pays-Bas (L7)

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« Je me suis intéressé au cinéma pour deux raisons. Ma petite amie est néerlandaise et m’a emmené vivre avec elle aux Pays-Bas. Avant cela, j’avais étudié les arts, les lettres, les sciences politiques et sociales en Russie et vu un film hollandais qui m’avait énormément marqué et qui venait de la NFTA. À la même époque, j’écrivais des nouvelles et des scénarios, mais je ne savais pas encore que je voulais devenir réalisateur. Cette idée est venue par la suite. En arrivant à la NFTA, j’ai découvert une bonne école pour les bases et les connaissances pratiques dans laquelle on peut vraiment expérimenter ce qu’on veut. Le désavantage, c’est que les sections différentes (image, réalisation, scenario…) travaillent difficilement ensemble. Parfois, en tant que réalisateur, il faut se battre pour sa liberté créative. À la base, moi, je m’étais inscrit en scénario, mais je ne pouvais pas tourner mon propre film, ce qui était carrément frustrant, du coup, j’ai changé de section et j’ai pu tourné « Bingo ». Cette division imposée entre réalisateur et scénariste est frustrante si on peut prouver qu’on est capable de faire les deux. Là, je viens de terminer l’école, et l’avenir me préoccupe déjà. C’est une profession à haut risque, la compétition est énorme dans l’industrie. Chaque projet peut être le dernier, raison pour laquelle il faut faire de son mieux pour faire le meilleur film possible. »

Gabriel Gauchet, réalisateur de « Efecto Domino ». Production : Kunsthochschule für Medien Köln, Allemagne, Cuba (I3)

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« Au début, je souhaitais faire une école de cinéma. J’avais fait des petits films en tant qu’adolescent et j’aimais l’idée de la liberté. Je me suis rabattu sur une école d’art pour faire ce que je voulais et parce j’habitais en Allemagne à ce moment-là. J’avais besoin d’une école qui me laisse exceptionnellement libre. À la KHM, on te guide et on te conseille, mais on a la liberté de faire tout ce qu’on veut. Sur les films, on fait tout soi-même, du coup, on est moins arrogant et plus respectueux du travail d’équipe. En revanche, on est assez seul parce qu’on écrit son scénario et qu’on monte toute la production soi-même. Dans le cadre de mes études, grâce à un échange d’écoles, je me suis retrouvé à Cuba et l’idée du film est née ainsi. En profitant d’une bourse, je me suis permis de faire un film relativement long (27′), comme je l’entendais. Aujourd’hui, même si il me reste encore un an à prester, je ne me considère pas pour autant comme étudiant. J’ai envie d’essayer de faire des films à petit budget avec une petite équipe d’amis et de collègues. Malgré la liberté totale de l’école, j’ai quand même appris énormément de choses sur la réalité du métier. »

Didier Crepey, réalisateur de « Des poux dans la paille ». Production : Haute École d’art et de design, Suisse (I14)

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« À la base, je suis électricien. J’ai passé dix ans sur les chantiers, et j’ai découvert le cinéma il y a quatre ans en bricolant des petits films dans mon coin. Je n’avais pas de diplôme pour me lancer dans des études de cinéma, mais les Beaux-Arts de Genève ont été plus souples que les autres écoles en m’accordant l’opportunité de me former au cinéma de façon professionnelle. À l’école, j’ai pu m’exprimer comme je le voulais, travailler au feeling, et en même temps, avoir des cadres et des balises. Le cinéma là-bas est perçu comme un travail collectif. En Suisse, il n’y a pas d’industrie de cinéma et la formation n’est pas fragmentée comme en France. Les réalisateurs indépendants font leurs films et s’entraident car ils ont tous différents acquis. Mais avant cela, à l’école, c’est vrai que les apprentis réalisateurs vivent sur une planète dorée. Ils ne se rendent pas compte du monde extérieur, ils n’ont ni producteur ni pression pour les ramener à la réalité. Au contraire, ils ont en leur possession l’argent et le matériel nécessaires pour faire leurs films. On a beau nous en parler, on ne se rend pas du tout compte de la dureté de ce milieu avant de l’expérimenter personnellement. »

Propos recueillis par Katia Bayer

Article paru dans le Quotidien du Festival

Consulter les fiches techniques de « Plastic and Glass », « By the Grace of God », « Bingo », « Efecto Domino », « Des Poux dans la Paille »

Vous ne regardez pas assez la télévision, bonjour

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Pendant le Festival de Clermont-Ferrand, Bref s’amuse et s’allume quotidiennement avec La petite luc@rne, réalisée en partenariat avec Les Productions du Lama. Depuis le 29 janvier, date d’ouverture des festivités, le magazine cadre les mots et les visages des professionnels et des réalisateurs issus de la compétition, à travers quatre à cinq sujets mis en ligne quotidiennement.

De l’écrit à l’écran, il n’y avait que quelques lettres de différence. Bref les a prises en considération, en complémentarité de son site refondé il y a tout juste un an et de la revue toujours aussi classe, malgré les années. Curieux d’en (sa)voir plus ? Ces entretiens filmés se laissent apercevoir sur www.brefmagazine.com et sur www.lesproductionsdulama.com

KB

Ne circulez pas, il y a tout à voir

Parfois, l’une ou l’autre information tombe sombrement. Une dizaine de personnes périssent en tentant de rejoindre les côtes italiennes, une famille chinoise se fait expulser du sol français malgré plusieurs recours en justice, des sans papiers roumains se font exploiter et remplacer à tout va, … Parfois, l’une ou l’autre de ces informations réveille, décile le regard, creuse une ride et nous fait prendre conscience que la vie n’est pas aussi « pink » que le chantait Édith.

L’engagement est un atout qui se traduit dans toutes les langues. Sans liens apparents, cette année, huit films en compétition à Clermont-Ferrand ont choisi de traiter des difficultés causées par l’immigration clandestine, les problèmes d’intégration et l’isolement des personnes en situation irrégulière. Qu’ils viennent de France, d’Espagne, du Mexique, du Canada, ou du Royaume-Uni, ces sujets forts et percutants privilégient la dénonciation à la passivité, la parole au silence, et le portrait à l’anonymat.

Côté sud-américain, deux films s’inscrivent dans ces thématiques réalistes. « Metropolis Ferry » de l’Espagnol Juan Gautier illustre la rencontre fictive entre un homme obnubilé par sa relation amoureuse et un jeune marocain, débusqué par la police des frontières. A neuf reprises, le clandestin a cherché à s’infiltrer en Espagne, à neuf reprises, il a échoué. La peur, il ne se souvient plus de son apparence. Son illusion tient en six lettres (E.U.R.O.P.E.) et demeure indélébile malgré les injustices, les passages à tabac, et les discours dissuasifs tenus sur des bancs de commissariats de police.

Chez les Mexicains, c’est le documentaire « La Patrona » qui aborde le sujet de l’immigration. Lizzette Argüello pose sa caméra aux abords des voies ferrées pour filmer des liens très éphémères : des femmes distribuent des sourires, de la nourriture, et des encouragements à des mains tendues depuis des wagons de marchandises. Traversant le pays pour gagner le Nord dans l’espoir d’une vie meilleure, les migrants n’ont que quelques secondes pour attraper un soutien moral et des vivres, et pour tenir tout le long de leur interminable voyage ferroviaire.

Prise de position

Moins lointains, six autres courts se baladent, eux aussi, entre clandestinité, exclusion, et indifférence. Porté par un joli titre et la voix d’un de ses protagonistes, « La neige cache l’ombre des figuiers », de Samer Najari est une fiction ludique encerclant le quotidien d’une poignée d’immigrants aux origines diverses exploités par un patron refusant obstinément de rester calme. Distribuant des tracts publicitaires pour gagner leur vie, ils parlent de rien et de tout. De la neige glaciale, des russes à dos de cheval, des culottes volantes, et de la meilleure manière de passer incognito avec un bonhomme de neige en plastique.

Pour rester dans le décalé, autant faire un lien avec le truculent « Adieu Général » de Luis Briceno, qui capture en format et caméra de poche les années quatre-vingts, les souvenirs personnels de l’époque Pinochet/Darkvador, et l’animation d’objets multiples. En voix-off, le réalisateur de « Mr Moth » et « Des Oiseaux en cage ne peuvent pas voler » revient sur le Chili de son enfance, sa perception de la révolution et de l’homme nouveau, tout en rendant un hommage drolatique et tendre à son pays, à ses parents, mais aussi à la reine d’Angleterre et au vieux général.

Plus sérieux, plus français, « L’Aide au retour », de Mohamed Latrèche, s’insère dans les problèmes de couple de deux immigrés yougoslaves sommés de quitter le territoire hexagonal, moyennant une contrepartie financière, pour démarrer une nouvelle vie au Kosovo, pays qu’ils ont fui il y a bien longtemps et qui ne les renvoie qu’à des mauvais souvenirs. Egalement repéré en compétition nationale, le très beau « Dounouia » d’Olivier Broudeur et Anthony Quéré, arrête son cadre sur le quotidien d’un jeune Malien morcelé entre sa culture d’origine et ses difficultés à s’intégrer parmi les jeunes de son âge et de sa cité. Arrivé en France pour des raisons de regroupement familial, il n’arrive pas à concilier ces deux extrêmes jusqu’au jour où il se met à danser avec une jeune fille de son quartier, Nadira.

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Cliquer sur l’image pour visionner le film

Difficile de parler d’immigration sans évoquer deux films ayant un lien direct avec un réel qui fait mal et qui ne triche pas. Il s’agit de deux documentaires, l’un en compétition internationale, l’autre en sélection nationale, qui s’engagent au service de deux histoires individuelles, fortes et terribles. « On the Run with Abdul » de Kristian Hove, James Newton, et David Lalé se construit autour du portrait d’un jeune réfugié afghan de seize ans, en proie à des difficultés pour rejoindre l’Angleterre depuis Calais. Malgré son jeune âge, ce sujet-témoin a une grande expérience de l’exil et ses forces et ses faiblesses parlent au nom de tous ses camarades d’infortune. Outre son sujet, ce film d’espoirs et de désillusions aborde aussi la question de la distance entre filmeur et filmé, récurrente dans le genre documentaire, tant les interventions de ses auteurs sont fréquentes.

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Last but not least. « Seydou » de deux sœurs, Delphine et Muriel Coulin, sélectionné en compétition nationale, s’intéresse quant à lui, à la place des ‘’déchets’’ inutiles dans la société contemporaine, à travers le portrait intime d’un immigré malien employé dans une société de recyclage. Clandestin illégal, Seydou n’apparaît pas à l’image, et seules ses mains et son dos sont filmés, en guise d’illustration à son discours mi-clairvoyant mi-percutant sur la liste officielle des professions donnant accès au Super Sésame, un titre de séjour.

Si l’engagement se traduit dans toutes les langues, les longs discours se révèlent parfois inutiles pour faire entendre un cri et une amertume. Une lettre filmée adressée à un jeune afghan croisé au hasard d’un tournage ou un documentaire de trois minutes sur un trieur de déchets/clandestin déchet peuvent tout simplement suffire.

Katia Bayer

Article paru dans le Quotidien du Festival

N comme Notes on the Other

Fiche technique

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Synopsis : Tous les étés, une foule de sosies d’Ernest Hemingway afflue vers Key West, en Floride, pour élire l' »Hemingway authentique ». En 1924, Hemingway lui-même avait désiré être un d’autre…

Genre : documentaire, expérimental

Durée : 13′

Pays : Espagne

Année : 2009

Réalisation : Sergio Oksman

Scénario : Sergio Oksman , Carlos Muguiro

Image : Daniel Sosa

Musique : Manuel Campos

Son : Carlos Bonmati

Montage : Sergio Oksman

Production : Mario Madueño, Samuel Martínez

Voix : Jeff Espinoza

Article associé : l’interview de Sergio Oksman

Le site du film : http://www.notesontheother.com/

Sergio Oksman : « The Question Is How And Not What »

Pendant plusieurs mois, le Brésilien Sergio Oksman s’est intéressé à Ernest Hemingway, à ses sosies, aux fantômes, et à une photographie vieille de 86 ans. Parlant de son film comme d’une imposture, le réalisateur de « Notes on the Other » (Notes sur l’autre) revient sur son parcours, sur la manière de raconter des histoires, et sur la frontière entre la fiction et le documentaire.

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Tu es brésilien, tu parles espagnol, mais ton film est en anglais. Pourquoi avoir choisi cette langue ? Était-ce à cause d’Hemingway ?

Oui, probablement à cause de lui. Pour moi, chaque film a sa propre langue. Pour le moment, je suis en train de travailler sur trois projets. L’un est en anglais, le deuxième en portugais, et le troisième en espagnol. La langue dépend du sujet et de la manière dont je vais en parler. Par l’exemple, l’un des projets est un journal d’un voyage au Brésil, la langue est donc naturellement le portugais.

Le film repose sur une histoire dont t’a parlé un de tes amis, Carlos Muguiro. Qui est-il ?

Carlos est un scénariste fantastique. C’est lui qui a crée le Festival Punto de Vista, probablement le festival de documentaires et de films expérimentaux le plus important d’Espagne. Il y a six ans, il m’a montré une photographie prise en 1924 et un essai qu’il avait écrit à propos d’un regard croisé, et m’a dit : “essayons de faire un film sur les fantômes, à propos de cette image, car les fantômes se sont accumulés dans le même endroit pendant plus de 80 ans ».

Comment a-t-il trouvé cette photographie ?

C’est quelqu’un de curieux, par nature. Il a fait des recherches ou il a lu quelque chose à son sujet. Mais ce qui est intéressant, ce n’est pas la photo elle-même, c’est l’histoire qu’elle a inspiré car au bout du compte, le film ne parle pas de fantômes mais d’imposteurs.

Comment produit-on un film sur l’imposture ?

Difficilement. Avec un projet pareil, c’est impossible de dire à un producteur qu’on va faire un film sans être sûr de son sujet et qu’on découvrira de quoi il parle pendant son processus. Le producteur réagira en vous traitant de doux dingue. Au début, j’avais quand même trouvé un coproducteur, mais à la fin, nos relations étaient devenus conflictuelles. Il disait que le film était très élitiste, qu’il n’avait pas d’avenir, et qu’il n’irait jamais dans les festivals. Il a abandonné le projet, du coup, je me suis retrouvé tout seul à le produire.

« Notes on the Other » (Notes sur l’autre) est ton film le plus court. Est-ce que sa durée a été déterminée par son sujet ?

Je travaille depuis 15 ans, j’ai fait 25 films, et le plus court faisait 30 minutes. Je pensais que ce sujet méritait un tel format, mais ce qui est curieux, c’est que cela m’a pris plus de temps de faire un court que n’importe lequel de mes travaux précédents. J’ai passé six mois douloureux à monter un film de 13 minutes. Avant « Notes », tout ce que j’avais fait était plus long. Je n’avais jamais fait de courts métrages, et maintenant, je ne veux faire que ça.

Pourquoi ?

Parce que c’est bien plus difficile. Les gens pensent qu’écrire un roman est bien plus dur qu’écrire une nouvelle. Ce n’est pas vrai, la nouvelle est le territoire où l’on peut vraiment expérimenter ce qu’on veut.

Et où l’on souffre plus aussi…

Oui. Je souffre beaucoup car le problème n’est pas de déterminer un sujet, mais de trouver la manière de raconter une histoire. C’est drôle, j’entends souvent parler de sujets. Personnellement, le sujet ne m’importe pas, c’est juste le début de quelque chose. La question est comment, et non quoi.

Est-ce la raison pour laquelle tu ne penses pas que ton film est un documentaire, mais quelque chose situé entre le documentaire et la fiction ?

Exactement. Ce film est un essai que j’associe plus à une fiction de la réalité qu’à un réel documentaire. J’ai cherché à raconter une histoire potentielle qui aurait pu se passer, en connectant des éléments isolés, en associant différentes pièces de puzzle (une photographie, une course de taureaux, des gens prétendant être quelqu’un d’autre, …).

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Même si tu évoquais les fantômes et les doubles identités, le film parle de Hemingway. Pourquoi lui et pas quelqu’un d’autre ?

Parce qu’une photo de 1924 est liée à lui, parce qu’il voulait être quelqu’un d’autre, et parce qu’il a fait connaître les courses de taureaux dans le monde entier. Une chose étrange est arrivée pendant le tournage, lorsqu’on pensait encore que le film touchait aux fantômes. Carlos m’avait dit : “si tu attends, Hemingway apparaitra”. C’était impossible et mystique, je refusais de le croire. Le dernier jour, j’allais partir quand on m’a appelé. John Hemingway, le petit-fils de l’écrivain, était aussi en train de faire des recherches sur son grand-père, et il voulait me rencontrer. Quand j’en ai parlé à Carlos, il m’a dit : “tu vois, je t’avais bien dit qu’il allait apparaître !”.

Tu parlais de trois projets. Sur quoi es-tu concentré actuellement ?

Ces jours-ci, je suis en train de terminer un film lié à de nombreuses photographies trouvées dans le centre de Madrid, il y a six ans. Beaucoup de clichés très étranges représentant une famille (un vieil homme, une vieille femme et un jeune homme) avaient été trouvés dans une poubelle, avant qu’on me les donne. Quelqu’un a fait des recherches et a découvert que la femme avait l’habitude de se considérer comme la peintre la plus importante de l’apocalypse, et que l’homme avait notamment participé en tant qu’acteur à « Rosemary’s Baby » de Polanski. Ce qui est fantastique, c’est qu’en examinant bien ces photos, on se rend compte à quel point ces gens étaient préoccupés par la postérité et l’immortalité, et qu’à partir du moment où ils meurent, toute leur vie termine à la poubelle. Ce film, j’espère pouvoir le montrer l’année prochaine à Clermont-Ferrand.

Tu le produis aussi tout seul, ce projet ?

Oui.

Propos recueillis par Katia Bayer

Consulter la fiche technique de « Notes on the Other »

Article paru dans le Quotidien du Festival

Article associé : la critique de A story for the modlins

3 pays, 9 réponses

Au Marché du Festival, certains stands sont plus discrets et récents que d’autres. Voisins cette année, la République tchèque, la Pologne, et la Roumanie font partie de ces pays dont la réputation est acquise, mais dont l’absence se faisait auparavant ressentir dans l’espace réservé à la promotion du court. Pour accueillir leurs nouveaux copains, les autres pays se sont un peu poussés, tout en gardant le sourire et l’oeil ouvert sur les nouveaux films.

Marketa Santrochova (Czech Film Center, République tchèque)

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1.Pour quelles raisons avez-vous décidé d’occuper un stand au marché du Festival ?

Il y a deux ans, j’ai rencontré à Cannes des membres de l’équipe de Clermont-Ferrand. Cela faisait longtemps que les films tchèques étaient représentés dans la vidéothèque du festival, mais nous n’avions pas encore pu envisager une représentation plus officielle. Le Centre du cinéma tchèque existe seulement depuis 2002. C’est une petite organisation qui agrandit ses activités petit à petit et qui souhaitait depuis longtemps faire quelque chose en faveur du court métrage. Nous souhaitions venir plus tôt au marché, mais nous n’avions pas pu le faire. C’était un projet, maintenant, il est devenu réalité ! C’est notre première année..

2. Est-ce difficile dans votre pays, pour un jeune sortant de l’école, de trouver des financements pour réaliser son film ?

C’est difficile car la plupart des courts métrages se font à l’école. Très peu de maisons de production produisent seulement des courts métrages. En République tchèque, c’est un problème : les talents et les sujets ne manquent pas, mais c’est très difficile de trouver des financements, et il n’existe pas vraiment de programme de soutien spécialisé pour le court. On essaye de changer les choses, mais ce n’est pas évident.

3. Qu’est-ce qu’un emplacement pareil peut représenter pour les films de votre pays ?

Les gens s’intéressent à nos films. Avant le festival, nous avons édité une compilation empruntant à tous les genres et opéré un choix entre 150 films tchèques. Cela a demandé beaucoup d’heures de visionnement, mais les gens se montrent très réactifs. Tant mieux!

Katarzyna Wilk (Krakow Film Foundation, Pologne)

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1.Pourquoi avez-vous décidé d’occuper un stand au marché ?

Pour deux raisons. On a constaté que les films polonais manquaient de promotion dans les marchés internationaux. Il y a quelques années, le gouvernement a augmenté l’enveloppe budgétaire réservée au cinéma. Résultat : on a reçu de l’argent pour assurer la promotion des films polonais et on a décidé de venir à Clermont-Ferrand car c’est un des marchés les plus importants dans le genre. Cela fait trois ans qu’on est là. On voyage beaucoup avec nos films, mais les dates de Clermont ont lieu à un bon moment dans l’année. Il n’y a pas tellement de festivals à cette période-là.

2. Est-ce difficile dans votre pays, pour un jeune sortant de l’école, de trouver des financements pour réaliser son film ?

C’est possible, mais ce n’est pas si facile pour des raisons financières. En Pologne, il n’y a pas beaucoup de boîtes de production de courts métrages. Le court métrage n’est pas aussi bien représenté que le long, mais les choses sont peut-être en train de changer. Récemment, des producteurs se sont rassemblés et cherchent de l’argent pour leurs films. Ensemble, c’est moins difficile que tout seul.

3. Qu’est-ce qu’un emplacement pareil peut représenter pour les films de votre pays ?

Ici, à Clermont, beaucoup de personnes, pour la plupart liées à d’autres festivals internationaux, sont intéressées par les films polonais. Elles nous demandent ce qu’il y a de neuf et s’intéressent aussi bien aux films indépendants qu’aux films d’écoles.

Vlad Llicevici (Fest ‘Asia, Roumanie)

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1.Pourquoi avez-vous décidé d’occuper un stand au marché ?

C’est notre deuxième année à Clermont-Ferrand. Nous trouvions que les films roumains n’étaient pas très bien promus en festival. Les producteurs essayaient de le faire, mais ils n’avaient pas beaucoup de temps, donc nous avons décidé de nous en occuper en sortant un catalogue comprenant un DVD et en occupant un stand au marché.

2. Est-ce difficile dans votre pays, pour un jeune sortant de l’école, de trouver des financements pour réaliser son film ?

Ce n’est pas évident, non. L’argent vient du National Film Center, mais il n’y en a pas beaucoup pour les projets hors écoles. L’année dernière, à Cannes, le Centre a signé un traité avec le CNC dans le but d’envisager des coproductions entre la Roumanie et la France, mais je n’en ai pas encore entendu parler pour le court métrage.

3. Qu’est-ce qu’un emplacement pareil peut représenter pour les films de votre pays ?

Tout le monde semble très intéressé par les films roumains. Nous avons des bons retours des européens et des américains. Ils nous disent que ce sont de très bons films, ils nous les réclament tous, ont aussi l’air d’apprécier le film en compétition, “Musica in sange” (La musique dans le sang”- Alexandru Mavrodineanu). On reviendra !

Propos recueillis par Katia Bayer

Short Film Depot. Le trait d’union entre les utilisateurs et les festivals

Depuis 2005, le Short Film Depot, offre aux pros du genre (réalisateurs, producteurs, distributeurs, organismes et écoles du monde entier) la possibilité d’inscrire gratuitement leurs films dans les principaux festivals partenaires (Festival de Rio de Janeiro, Shorts Shorts Film Festival, Concorto Film Festival, FPS – Intl Experimental Film And Video Festival, …).

Au moyen d’un formulaire unique et d’un compte individuel, l’utilisateur est guidé dans la langue de son choix (français, anglais, espagnol, italien ou portugais), dans l’enregistrement de son film. A ce stade, une multitude de données lui sont réclamées : titre du film, année, durée, résumé, synopsis, droits, carrière, photos, notes d’intention, … Chaque élément doit être saisi et validé, avant de passer au suivant, sinon –gare !- un petit bouton se met à clignoter frénétiquement tant que les données encodées demeurent incomplètes. Une fois enregistrées, ces informations sont sauvegardées définitivement et l’usager peut enfin enregistrer son film dans le festival de son choix.

Via le système d’inscription en ligne, il recevra régulièrement des messages d’alertes, suivant la spécificité du titre enregistré et le calendrier des festivals inscrits. Et en guise de petit bonus, il sera en mesure de suivre en trois temps le statut de son inscription (envoi, validation, et sélection), d’accéder aux règlements et aux fiches de présentation de festivals, ainsi qu’à leurs appels à films et à leurs dates de déroulement.

Petite subtilité : Short Film Depot ne s’adresse pas qu’aux particuliers. La plateforme est également ouverte aux festivals consacrant au moins une section, compétitive ou non, au court métrage. Moyennant 1.000 €, chaque festival adhérent dispose annuellement d’un outil d’administration en ligne auquel il a directement accès pour gérer au mieux ses données. En temps réel, il a la possibilité de suivre la progression des inscriptions sections par sections, de communiquer et relancer ses contacts, de disposer d’éléments propres aux films, et d’informer les personnes concernées des sélections de leurs titres.

En bref, la plate-forme constitue un réseau de contacts et de festivals phares, dans le milieu du court métrage mondial. En cinq langues, le Short Film Depot intéressera surtout l’utilisateur lambda en lui offrant un accès libre au calendrier et aux spécificités des festivals partenaires, tout en lui évitant de remplir inlassablement des formulaires d’inscription à chaque fois qu’un événement du court se présente.

Aujourd’hui, le réseau Short Film Depot compte comme membres plusieurs centaines de milliers de particuliers et vingt-neuf enseignes festivalières, dont celle de Clermont-Ferrand. Intéressé(e)(s) ? Le mieux reste peut-être encore d’aller y faire un tour. Et d’y souffler une bougie d’anniversaire virtuelle, au détour d’un clic de souris. Bon anniversaire. Happy Birthday to you. Feliz cumpleaños. Buon compleanno. Feliz aniversário.

Katia Bayer

Pour plus d’informations : www.shortfilmdepot.com

Vergine Keaton. Le souci du rythme et du mythe

Avec son premier film, « Je criais contre la vie. Ou pour elle », Vergine Keaton revisite les mythes fondateurs, le cyclique, la régénération et l’inversement naturel des choses, grâce à une chorégraphie musicale illustrée par d’authentiques gravures d’époque. Un film précieux repéré à l’ACID à Cannes et servi ces jours-ci à Clermont-Ferrand.

Tu dis être arrivée à l’animation par erreur. Quelles ont été tes premières inspirations professionnelles ?

Vergine Keaton  : J’hésitais entre deux choses : l’écriture et l’image. J’ai une formation de graphiste à la base. Je voulais être peintre, mais j’ai toujours ressenti un manque par rapport à l’écriture. J’aimais énormément l’histoire de l’art et la peinture classique. Par contre, je ne m’y connaissais pas du tout en cinéma d’animation. Encore aujourd’hui, j’ai très peu de références dans ce domaine.

Tu fréquentais donc plus les musées que les salles ?

V.G. : Oui. Je suis née dans un village où il n’y avait pas de cinéma, et chez nous, la télévision n’existait pas. J’ai découvert le cinéma tardivement, à 18 ans, en faisant mes études. J’ai été fort marquée par les premiers films, les muets, les Lumière, les Buster Keaton, et les Méliès que je trouvais complètement fous et inventifs. Ils ont représenté des gros chocs car ils touchaient à la fois à la peinture, à l’écriture, au burlesque… Mais ce qui m’a vraiment troublé dans le cinéma, c’est que l’image que je voyais n’existait que parce qu’il y en avait une avant et une après, alors que moi, j’avais toujours travaillé sur des images fixes qui existaient uniquement pour elles-mêmes.

Tu aurais pu t’exprimer en imaginant une fiction. Comment l’animation s’est-elle imposée à toi ?

V.G. : Je ne peux pas expliquer ce qui s’est passé. Ce déclenchement, ce premier film, a été une erreur. Vu mon intérêt pour la peinture, quand j’imagine un film, je pense à des images fortes, et je ne me vois pas en train de diriger des acteurs. Visuellement, je ne pense pas à ça. Ce sont les images qui s’imposent peu à peu. Pour ce film, le fond a déterminé la forme, même si je ne suis pas animatrice.

Comment à ce moment-là, en es-tu arrivée à faire un film pareil ?

V.G. : Cela faisait un moment que j’avais plusieurs choses en tête. Je les laissais un petit peu en friche. Je travaillais dans l’illustration à côté, mais je sentais que quelque chose était latent. Je ne me sentais pas encore assez mûre, assez confiante, mais un jour, l’idée est devenue très claire. Le film devait se faire.

En tombant sur des gravures, soit on tourne la page, soit on s’arrête. Est-ce que ce sont ces images qui ont déclenché « Je criais » ?

V.G. : Au préalable, je voulais convoquer des images très fortes et presque banales car vues et revues. Je désirais travailler sur ces idées, mais je ne savais pas exactement quoi en faire. Dans la version d’Antigone d’Henri Bauchau, l’héroïne rêve que ses frères sont représentés par deux cerfs, qu’ils sont poursuivis par une meute de chiens, et qu’au final, ils finissent par se retourner contre les chiens qui les poursuivaient. En lisant cela, je me suis dit qu’il fallait partir de cette course et de rien d’autre.

J’aime le fait de ne pas se refuser aux images très fortes qui évoquent de nombreuses histoires. Une meute de chiens poursuivis par des cerfs, c’est quelque chose de très banal, qu’on a vu et revu. Tout le monde s’en fout, mais c’est une image très forte. On se figure, quand on parle de chasse, que, sans avoir une connaissance du sujet, on a une image pareille en tête car à un moment, elle fait partie de ces images toutes faites.

Pourquoi avoir eu envie de travailler avec d’authentiques gravures d’époque ? Pourquoi ne pas avoir eu recours à un dessin inédit ?

V.G. : Justement parce que je ne voulais pas qu’il y ait de l’inédit. J’avais envie que les choses soient banales : je voulais vraiment exposer ces cerfs qui se mettent à courir avec ces chiens. Ce qui me gêne parfois dans le cinéma animation, c’est que le savoir-faire et la virtuosité s’imposent au détriment de l’histoire. Redessiner ces cerfs aurait demandé un travail énorme, on se serait attaché à leur représentation, alors que je voulais vraiment qu’on s’intéresse à la banalité de ces images-là, c’est parce qu’il fallait les utiliser telles quelles.

Le film est nourri de détails. Qu’est-ce que le détail apporte à l’histoire de « Je criais » ?

V.G. : Il y a une phrase qui m’a accompagné tout au long de l’écriture du projet et qui colle à bien à la peau. C’est une phrase d’André Lerhoi-Gouran dans Le Geste et la Parole : « il en est peu qui à la première occasion résistent à la tentation d’étriper la terre comme un enfant désarticule un jouet ». Ce que j’aime beaucoup dans cette phrase, c’est justement que nous, les humains, nous avons toujours le besoin d’aller nous replonger dans les mythes ou dans les images qui nous préexistent, parce qu’on a l’impression que quelque chose s’y passe et parle de nous. Nous avons toujours besoin de nous retourner vers ces gravures qui sont quasiment les premières images qui ont été publiées à grande échelle, et nous avons toujours le besoin de les étriper, de les déchiqueter, comme un enfant désarticule un jouet. C’est ce qui m’intéressait. Prendre ces images de base, et les étriper sans offrir pour autant de solutions étant donné que je ne suis pas sûre d’en trouver.

C‘est pour ça que tu as cherché à séparer ces images, à les sortir de leur cadre d’origine ?

V.G. : Oui. C’est lié.

250 gravures ont servi au film. D’où proviennent-elles ?

V.G. : La plupart provient de fonds de la bibliothèque de Lyon. Ces gravures sont numérisées, et j’ai pu les utiliser.

Tu partais donc à la bibliothèque le matin avec ta clé USB ?

V.G. : Oui, elles sont même téléchargeables de chez toi ! Après, j’ai acheté un certain nombre de gravures d’animaux, car je cherchais quelque chose de très précis. Ce ne sont pas des images très difficiles à trouver. Elles ont été largement diffusées, et énormément de magasins en vendent. Du coup, je savais que je trouverais facilement ces images de cerfs et de chiens. Et un certain nombre de gravures provient aussi de journaux du XIXe siècle qui appartenaient à mes grands-parents.

Ces images sont à peine retravaillées. Comment as-tu procédé pour les mettre en scène ?

V.G. : Je me suis constitué un corpus. J’ai crée un dossier avec toutes ces gravures, et j’ai reclassé les arbres, les cerfs, etc. Ensuite, comme j’ai écrit le film avant d’utiliser les gravures, j’avais une idée très précise des images que je voulais. Si par exemple, pour une scène, j’avais besoin d’un arbre massif, j’allais le chercher dans mes gravures, et je le découpais. Au final, aucune gravure d’origine n’est utilisée telle quelle. Dans chaque image, un arbre emprunté d’une gravure, un cerf à une deuxième, un nuage à une troisième, etc.

V.G. : As-tu travaillé seule sur ce projet ?

Une animatrice a travaillé à temps plein avec moi. Anna Khmelevskaya est une vraie animatrice, elle a trouvé des solutions techniques, comme l’utilisation de la 3D pour les animaux. On a travaillé presque deux mois ensemble avant la réalisation, à rechercher des solutions pour l’animation.

V.G. : Le film se base sur le graphisme et l’animation, mais aussi sur son écriture musicale. Qu’est-ce qui t’intéressait dans le travail de Vale Poher ?

Ce que j’aime beaucoup chez Vale Poher, c’est son économie de moyens, qui fait écho au film. Elle joue seule avec sa guitare, tantôt folk, tantôt électrique, tantôt classique. On a l’impression qu’elle va puiser sur ses six cordes toutes les possibilités qu’elle trouvera dans sa guitare. Dans le film, parfois, elle jouait avec un archet, à un autre moment, les sons étaient saturés, ou alors les cordes étaient grattées. Ce qui me plaisait beaucoup, c’était cette économie de moyens et cette richesse énorme, à l’image de ce qui se passe dans le film. à chaque fois que Vale fait intervenir une nouvelle sonorité avec sa guitare, on l’entend. Le détail devient un événement et cela me plaît énormément.

Cela te convient l’idée de travailler en petit comité, de façon artisanale ?

V.G. : Sur ce projet, les raisons économiques ont fait qu’on n’était pas une grosse équipe. Après, comme on est dans une animation non traditionnelle, j’aime l’idée qu’il y ait des possibilités d’échanges. Je ne connaissais pas Vale ni Anna avant le film. Aujourd’hui, ce sont des personnes très proches avec lesquelles j’ai d’autres envies de travailler. Faire un film, c’est une aventure y compris une vraie aventure humaine, et cela participe complètement à la réalisation du projet.

Quelles sont tes envies actuelles ? Tu as toujours envie de travailler autour de ces images mentales et mythiques ?

V.G. : D’autres projets sont en écriture. Je pense qu’ils tourneront toujours autour des mythes. J’aime le démesuré, l’exaltant, l’univers marqué et fort qui t’embarque directement. Pourquoi ces mythes sont-ils si forts ? Je n’arrive pas à comprendre, et je pense que je ne suis pas la seule. Si je prends l’exemple d’Antigone, elle a suscité de nombreuses versions. C’est étrange quand même. Tu commences Antigone, tu connais la fin, tu as beau le lire, quelque chose te ramène toujours à quelque chose de très viscéral que tu n’arrives pas à déterminer. Du coup, on le réécrit sans arrêt, et on ne sait pas sur quoi repose cette chose viscérale.

Sur « Je criais », tu as travaillé avec un chronomètre. Comment as-tu procédé ?

V.G. : J’avais le chronomètre en main, et je me disais : “là, il faut que les animaux courent pendant dix secondes”. J’avais l’impression d’inventer une chorégraphie et il fallait que le rythme fonctionne. En animation, on ne peut pas se permettre de faire des secondes supplémentaires, du coup j’avais besoin d’une écriture très rythmée. Comme le film repose sur le rythme, j’ai passé un bon mois avec un chronomètre dans les mains à calculer la musique du film !

Propos recueillis par Katia Bayer

Article paru dans le Quotidien du Festival

Article associé : la critique du film

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Prix France Télévisions, les lauréats

Lundi 1er février, dans les salons très chics de l’hôtel Mercure, a eu lieu la remise des prix France Télévisions, en association avec la rédaction de L’Express. Une première au Festival, puisque les récompenses étaient à la fois décernées par un Jury professionnel, présidé par Philippe Lioret, et par les internautes ayant visionné les sept courts métrages présélectionnés sur le site de L’Express.

Passé le petit suspense de circonstance, le Prix France Télévisions a été remis à Claire Burger et Marie Amachoukeli pour « C’est gratuit pour les filles », « La raison de l’autre » de Foued Mansour a récolté une mention spéciale du Jury et le Prix d’interprétation féminine pour Chloé Berthier, Jérémy Azencott a glané le Prix d’interprétation masculine pour « Alter Ego » de Cédric Prevost, et le petit dernier, le Prix des internautes a été attribué à « Tous les enfants s’appellent Dominique », de Nicolas Silhol. Voilà de quoi être content, en grignotant son petit four au fromage.

KB

M comme Muzica in sange

Fiche technique

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Synopsis : Petre est convaincu que son fils est très doué, mais l’industrie de la musique tzigane est un milieu très rude.

Genre : Fiction

Durée : 16’50’’

Pays : Roumanie, France

Année : 2009

Réalisation : Alexandru Mavrodineanu

Scénario : Alexandru Mavrodineanu, Catalin Mitulescu

Images : Andrei Butica

Musique : Dan Bursuc

Son : Sebastian Zsemlye , Mirel Cristea , Alexandru Dragomir

Montage : Sorin Baican

Production : Strada Film, Marcian Lazar

Interprétation : Robert Drumus Lele , Andi Vasluianu , Dan Bursuc , Dorotheea Petre

Article associé : l’interview d’Anne-Laure Grivaud

Anne-Laure Grivaud. Euro Connection, des projets, des films et des liens sous le signe de l’Europe

Ce 2 février, a eu lieu la deuxième édition d’Euro Connection, le rendez-vous européen de la coproduction, apparu l’an passé à Clermont-Ferrand. Son objectif : favoriser la concrétisation de projets européens sélectionnés au préalable et stimuler les partenariats entre les sociétés de production, les financeurs et les diffuseurs européens. Interview-escaliers avec Anne-Laure Grivaud, l’assistante de Laurent Crouzeix sur ce dossier.

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Qu’est-ce qui est à l’origine d’Euro Connection ?

Un constat. On s’est rendu compte que le nombre de coproductions ne cessait d’augmenter, et on savait de manière informelle que les producteurs gagnaient des mois de travail à Clermont-Ferrand en trouvant sur place des partenaires pour leurs propres projets. Lors d’un colloque sur les 30 ans du Festival, on a fait le point sur la production de courts métrages européens avec différents pays, et on s’est rendu compte qu’il y avait une synergie à créer et des pistes de coproduction à encourager, en profitant du lieu stratégique qu’est Clermont-Ferrand.

A qui s’adressent ces pistes de coproduction ?

Le but est de soutenir des projets jeunes en phase de construction au niveau européen. Ces projets ont des débuts de financement ou sont soutenus par un fonds ou une structure de production, et ils ont besoin d’aides complémentaires : un partenaire européen, un coproducteur, un préachat TV, des apports en industrie, des fonds complémentaires, un diffuseur, des aides au moment du tournage, ..

Quels sont vos partenaires ?

Euro Connection est organisé par Sauve qui peut le court métrage, en association avec le Média Desk France et le CNC. Ce sont les partenaires historiques qui se sont investis depuis le début dans l’aventure. Ensuite, il y a les quinze structures correspondantes nationales, soit des Centres de Cinéma, comme le Greek Film Centre, soit des festivals, comme le Curtas Metragen et le Indie Lisboa, au Portugal.

Comment se déroulera la rencontre Euro Connection, ce mardi ?

Dix-huit projets venant de quinze pays européens ont été sélectionnés par des comités composés de professionnels dans chaque pays. Ils seront présentés mardi. Toute la journée, il y aura des sessions de pitch de dix minutes environ, présentées par les producteurs et les réalisateurs.

Une centaine de participants est attendue au Forum. Ils assisteront toute la journée à ces sessions, et rencontreront le lendemain les porteurs de projets autour de rencontres professionnelles organisées. Certains ont déjà sollicité des rendez-vous en amont. Le but est vraiment d’essayer de créer des connexions entre les participants.

Comment s’opère-vous la sélection des projets ?

On cherche des correspondants nationaux qui veulent bien suivre, collecter, et isoler des projets, via un comité de sélection. Chaque correspondant propose soit un soit deux projets selon la taille du pays. Après, c’est variable. En France, par exemple, on a reçu cette année quinze projets, et on en a choisi deux.

Les histoires retenues doivent-elles comporter un angle européen ?

Non. Mais ça peut être le cas, puisque une histoire peut très bien se dérouler dans plusieurs pays. Par exemple, le projet irlandais, “Boo! A Child’s view of Folk Life in Europe” de Tony Donoghue, est une série qui se passe dans plusieurs pays d’Europe, donc le réalisateur est à la recherche de partenariats.

Combien de projets avez-vous reçu cette année ?

On a dû recevoir une soixante de projets. En France, naturellement, on en reçoit beaucoup. On a l’embarras du choix, mais il y a d’autres pays où c’est un petit peu plus dur, où les représentants contactent directement les réalisateurs et les producteurs pour savoir si ils n’ont pas un projet à leur soumettre pour Euro Connection. En ce moment, c’est très conjoncturel, car c’est la crise dans la profession. Nos contacts nous informent qu’ils ont du mal à trouver des projets parce que les professionnels ont des difficultés à les monter et à dénicher des supports financiers.

Est-ce qu’il y a d’autres conditions pour soumettre son projet, excepté le fait d’avoir déjà un budget au préalable ?

Le premier critère est la qualité artistique du projet, sinon, ce n’est pas très restrictif. Le but est vraiment d’encourager la coproduction de films courts. Si demain, on recevait vingt-cinq projets par pays, on fixerait peut-être des conditions plus restrictives, mais ce n’est pas encore le cas.

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“Musica in sange” (La Musique dans le sang) d’Alexandru Mavrodineanu

Comment les personnes sélectionnées préparent leurs séances de pitch ?

Tout dépend des projets. Chaque séance dure dix minutes, ce qui n’est pas très long. Ceux qui ont un projet d’animation viendront probablement avec des visuels et des croquis. Les autres apporteront des photos de repérages, et éventuellement des images de casting. En dix minutes, on n’a pas le temps d’aller bien loin. Le but est vraiment d’accrocher les gens et de susciter d’éventuels partenariats.

Quels sont les pays les plus représentés cette année ?

L’Allemagne, la France, la Belgique, l’Italie et l’Irlande ont deux projets. L’an dernier, une dizaine de pays et une vingtaine de projets avaient été représentés. Cette année, quinze pays étaient partenaires, mais on n’avait pas la possibilité de montrer deux films par pays, du coup, on a installé un critère de sélection. Les pays les plus importants, ceux qui avaient le plus de films inscrits au festival, avaient droit à plus de projets que les autres. Après, il y a toujours des exceptions. Par exemple, l’Irlande avait beaucoup de choix cette année . A la base, il ne devait y avoir qu’un seul projet irlandais, et à la fin, il y en a quand même eu deux.

Que sont devenus les projets de l’an passé ?

A peu près deux tiers des projets ont eu droit à une suite : soit ils ont réussi à trouver un partenaire soit ils se sont concrétisés. L’édition précédente s’est révélée très positive puisqu’un projet roumain, “Muzica in sange” (La Musique dans le sang) d’Alexandru Mavrodineanu, présenté l’année dernière à Euro Connecion a été sélectionné au festival cette année. On est plutôt content !

Propos recueillis par Katia Bayer

Consulter la fiche technique de “Muzica in sange” (La Musique dans le sang)

Article paru dans le Quotidien du Festival

Festival de Clermont-Ferrand 2010

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Retrouvez dans ce Focus :

Le Palmarès 2010

Les quelques photos de Clermont

Le Petit Journal de Clermont-Ferrand

Clermont-Ferrand vu et croqué par l’illustratrice Gwendoline Clossais

La critique de « Zeitriss » de Quimu Casalprim i Suárez (Allemagne)

La critique de « A family Portrait » de Joseph Pierce (Royaume-Uni)

Le dossier « Ne circulez pas, il n’y a tout à voir »

La critique de « April Suskhi » de Tornike Bziava (Géorgie)

La critique de « Je criais contre la vie. Ou pour elle » (Vergine Keaton, France)

L’Expérimental à Clermont-Ferrand : le Labo disséqué

La critique du DVD “Luc Moullet en shorts : 10 courts métrages très drôles (sauf un)”

L’interview de Vergine Keaton, réalisatrice de « Je criais contre la vie. Ou pour elle » (France)

L’interview de Anne Grivaud, au sujet d’Euro Connection (France)

L’interview de Sergio Oksman, réalisateur de « Notes on the Other » (Notes sur l’autre) (Espagne)

3 questions posées à des représentants tchèques, polonais et roumains

Etudiants versus Cinéastes : les propos de Tessa Joosse (France), Ralitza Petrova (Royaume-Uni), Timur Ismailov (Pays-Bas), Gabriel Gauchet (Allemagne, Cuba), et Didier Crepey (Suisse)

L’interview de Laïla Marrakchi, réalisatrice et membre du Jury National (France, Maroc)

L’interview de Bernard Blancan, réalisateur et membre du Jury National (France)

L’interview d’Umesh Kulkarni, réalisateur de « Three of Us », « Vilay » et « Gaarud » (Inde)

L’interview de Tornike Bziava, réalisateur de « April Suskhi » (Géorgie)

L’interview d’Edouard Deluc, réalisateur de « ¿ Dónde está Kim Basinger ? (France)